Transaction et préjudice prouvé : du nouveau pour le régime social de l’indemnité

En termes de régime social des indemnités, les entreprises ne disposaient jusqu’alors pas d’une grande aide des jurisprudences, trop fluctuantes ou non publiées de la Cour de cassation, face à une Urssaf qui avait la fâcheuse habitude de soumettre systématiquement à cotisations l’équivalent de l’indemnité de préavis, dans les transactions après licenciement pour faute grave. Décryptage de deux décisions importantes de la Cour de cassation concernant le traitement par l’Urssaf de l’indemnité transactionnelle.

En cas de contentieux, l’office du juge consiste à distinguer, au sein des sommes versées lors de la rupture du contrat de travail dont il est alors fait masse, celles ayant un caractère salarial (article L. 242-1 alinéa 1 du code de la Sécurité sociale) et celles à caractère indemnitaire,
– soit afférentes à la rupture du contrat (partiellement exonérées – article 80 duodecies du CGI)
– soit qui ne sont versées ni à l’occasion du travail, ni en lien avec la rupture du contrat (article 80 du CGI).
A ce titre, depuis 2011, le régime des indemnités de rupture s’est alourdi pour les entreprises. Toutefois, après la complexification et les abaissements successifs des seuils d’exonérations (incidence en cascade du régime fiscal, social et CGS-CRDS, baisse de 6 à 2 PASS — Plafond annuel de la Sécurité sociale — sous réserve du seuil couperet de 10 PASS, forfait social sur la rupture conventionnelle et sa transaction…),
le régime des indemnités de rupture semblait à ce jour être devenu relativement stable.
Des difficultés pouvaient toutefois survenir avec l’Urssaf qui, fort logiquement, avait intérêt à ce que la qualification de sommes à caractère salarial soit retenue car elles sont soumises à cotisations.

Rappel du principe

La Cour de cassation était ici saisie de deux litiges. Le premier était relatif à une indemnité transactionnelle, non soumise à cotisations sociales, versée par la société Ricard à des salariés licenciés pour faute grave. Le second litige portait sur des indemnités transactionnelles à la suite de départs à la retraite, après que les intéressés avaient demandé des dispenses partielles de préavis.
La question posée à la Haute Cour était de savoir si les redressements de cotisations sociales effectués sur ces indemnités transactionnelles étaient fondés. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée par un attendu de principe, identique pour les deux arrêts. Elle a précisé que les indemnités susceptibles d’être exonérées de cotisations ne se limitent pas à celles listées à l’article 80 duodecies du code général des Impôts (CGI).
La Cour a rappelé le principe : les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail, autres que les indemnités de rupture expressément exonérées dans certaines limites, en application des dispositions combinées du code de la sécurité sociale et du CGI, sont assujetties à cotisations.
Mais elle a prévu une exception : des sommes non comprises dans l’article 80 duodécies du CGI peuvent en être exclues si « l’employeur rapporte la preuve qu’elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l’indemnisation d’un préjudice ».

En compensation d’un préjudice

• Dans la première espèce1, la Cour a estimé que la preuve était rapportée par la société que l’indemnité transactionnelle litigieuse, après licenciement pour faute grave, avait un fondement exclusivement indemnitaire, et que celle-ci n’entrait donc pas dans l’assiette des cotisations sociales. Il est à déplorer que le préjudice précis réparé n’ait toutefois pas été clairement indiqué.
L’arrêt d’appel retient que chaque protocole indique que « 1) le mode de rupture est confirmé, et il est rappelé qu’il ne donne pas droit à indemnité de préavis et de licenciement ; 2) le salarié renonce expressément à toute demande en paiement de toute indemnité… de toute nature… ».
Il résulte de cet arrêt que l’Urssaf ne peut plus systématiquement redresser un montant équivalant au préavis dans le cadre des indemnités transactionnelles, particulièrement si l’employeur démontre le caractère purement indemnitaire de celles-ci. Sa portée apparaît totalement d’actualité, malgré la nouvelle rédaction de l’article
L. 242-1 du code du Travail (depuis le 1er janvier 2011).
• Dans la seconde espèce2, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’entreprise et confirmé la décision de la cour d’appel, qui avait fait ressortir que la société L’Equipe ne rapportait pas la preuve que les indemnités compensaient un préjudice pour les salariés. Les sommes en cause devaient entrer dans l’assiette de cotisations sociales.
Le raisonnement de l’Urssaf semble pouvoir trouver son fondement dans l’application automatique à ces indemnités transactionnelles du même régime social que les indemnités de départ à la retraite, automatisme rejeté ici par la Cour de cassation au nom de l’absence de preuve d’un préjudice.
Ainsi, la décision de la Cour de cassation semblait ouvrir d’autres possibilités d’interprétation que la solution retenue dans la circulaire interministérielle du 14 avril 2011, prévoyant que « pour apprécier la limite d’exclusion d’assiette, il doit être fait masse de l’ensemble des indemnités versées dans le cadre de l’article 80 duodecies du CGI, y compris les indemnités transactionnelles ».
Au regard du changement rédactionnel de l’article L. 242-1 (depuis 2011), la portée de cet arrêt n’apparaît ici plus d’actualité. Du moins, rien n’est moins sûr !
Outre l’appréciation souveraine des juges du fond, l’application pratique de ces arrêts est entre les mains des entreprises, pour lesquelles la preuve que les sommes concourent à l’indemnisation d’un préjudice n’est pas aisée.

Elodie MOROY,
avocate en droit social et paye

 

1 – C. Cass. 2e civ, 15 mars 2018, n° 17-10325.
2 – C. Cass. 2e civ, 15 mars 2018, n° 17-11336.

 

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