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Travail : l’avertissement, nouvelle alternative à la poursuite pénale de l’employeur

Depuis plusieurs années, les réformes touchant l’inspection du travail se succèdent et semblent toutes aller dans le sens de l’évitement du procès pénal. Le but avoué de l’administration est de moins sanctionner et, lorsque cela s’impose, de le faire plus efficacement. En ce sens, la loi du 10 août 2018 pour un « Etat au service d’une société de confiance » permet à l’inspection du travail d’émettre, à l’encontre de l’employeur en infraction, un simple « avertissement ».

L’inspection du travail, service du ministère du Travail, a pour mission de conseiller les employeurs sur l’application du droit et de contrôler puis éventuellement, sanctionner la méconnaissance des dispositions du Code du travail. Pour sanctionner les employeurs en infraction, les agents de contrôle ont à leur disposition un réel « arsenal » qu’ils utilisent assez librement : lettre d’observations, mise en demeure, procès-verbal, référé judiciaire… Pendant longtemps, ceux-ci se contentaient souvent de dresser des procès- verbaux qu’ils transmettaient ensuite au procureur de la République. Sur la base des éléments consignés dans les procès-verbaux, le parquet décidait seul des suites pénales à adopter pour chaque affaire. Cependant, peu d’infractions faisaient l’objet d’une condamnation pénale. Ce constat a poussé les pouvoirs publics à entamer un mouvement de « dépénalisation » du droit du travail.

En ce sens, l’ordonnance du 7 avril 2016 a étendu la possibilité de sanctionner les employeurs en infraction par de simples amendes administratives. Cette procédure, prévue aux articles L. 8115-1 et suivants du Code du travail, permet désormais à l’administration de sanctionner les manquements de manière effective, sans passer par le procureur de la République.

La transaction pénale constitue une deuxième alternative aux poursuites pénales. Son régime juridique est fixé aux articles L. 8114-4 et suivants du Code du travail. La transaction pénale est un contrat au terme duquel l’employeur ayant commis une infraction pénale paie une « amende » à l’administration (bien souvent minorée par rapport au montant normalement requis par le parquet), en échange de quoi le procureur de la République abandonne les poursuites pénales. Ce « traitement de faveur » est conditionné par l’obligation pour l’employeur de se mettre en conformité avec la réglementation dans un délai donné.

La procédure d’avertissement

La loi pour un « Etat au service d’une société de confiance » (Essoc) du 10 août 2018 a créé une troisième alternative aux sanctions pénales : l’avertissement. L’avertissement se conçoit en réalité comme une alter- native à l’amende administrative, elle-même alternative aux poursuites pénales. Décidément, les sanctions pénales prononcées à l’encontre des employeurs semblent loin !

Cette forme de sanction n’est possible qu’en cas de manquement :
– aux règles régissant les durées maximales du travail ;
– aux dispositions relatives aux repos ;
– à l’article L. 3171-2 du Code du travail relatif à l’établissement d’un décompte de la durée de travail ;
– aux dispositions sur la détermination du salaire minimum ;
– et à celles concernant les installations sanitaires, la restauration et l’hébergement ainsi qu’aux mesures relatives aux prescriptions techniques de protection durant l’exécution des travaux de bâtiment et génie civil.

La procédure d’avertissement est fixée à l’article L. 8115-1 du Code du travail. Elle ne peut être enclenchée que sous réserve de l’absence de poursuites pénales :
– Lors d’un contrôle en entreprise, l’agent de l’inspection du travail constate un manquement aux règles précitées.
– L’agent de contrôle produit un rapport qu’il présente à la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi).
– Lorsque la Direccte reçoit le rapport, l’article précité lui offre trois options : soit elle décide de ne rien faire, soit elle décide d’émettre un avertissement, ou soit une amende administrative.

Pour déterminer si elle prononce un avertissement ou une amende, la Direccte prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges.

Si elle se contente d’un avertissement, l’administration rappelle à l’employeur le manquement retenu, ainsi que l’amende correspondante. La contrepartie de ce simple avertissement pour l’employeur est qu’en cas de nouveau manquement constaté dans un délai d’un an à compter du jour de la notification d’un avertissement concernant un précédent manquement, non seulement l’amende sera émise, mais celle-ci sera majorée de 50 %.

Ainsi, on retrouve ici la volonté de moins sanctionner, mais de le faire plus durement et plus efficacement lorsque cela est nécessaire, en cas de récidive, par exemple.

Nicolas TAQUET, juriste

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