Yann Dumoget ou l’art de la rencontre à l'Espace Bagouet (Montpellier) jusqu'au 2 décembre

Le 14 novembre, au bout de deux mois d’ouverture, son exposition "Avec de vrais morceaux de gens à l’intérieur" affichait déjà 14 000 visiteurs. A deux semaines de sa clôture, l’artiste Yann Dumoget a effectué la visite avec la rédaction de l’HJE. L’occasion de rappeler son parcours, de revenir sur ses engagements d’artiste citoyen et d’évoquer ses projets artistiques…

Peinture partagée

Initiateur à la fin des années 1990 de ce qu’il nomme « la peinture partagée » – que l’on pourrait aussi appeler « participative » – Yann Dumoget invite depuis lors le public, ses amis, ainsi que d’autres artistes à intervenir au feutre sur ses tableaux, sous forme d’écrits ou de dessins. A ses débuts, il y tient lui-même comme un journal intime, écrivant également des phrases, ici ou là, notant ses doutes, ses envies…

Sensible au concept d’esthétique relationnelle développé dans un ouvrage par Nicolas Bourriaud, durant toute l’année 1999, il peint un tableau de moyen format par jour, exposant ensuite au Carré Sainte-Anne, pour célébrer l’An 2000, ces 366 tableaux dits Astropaintings graffités par le public.

Presque vingt ans et de nombreux autres projets de toute nature plus tard, il présente aux Montpelliérains, à l’Espace Bagouet, une dizaine de tableaux de grand format sur le même principe, aux côtés d’une trentaine de tableaux de l’An 2000, à l’occasion de l’exposition Avec de vrais morceaux de gens à l’intérieur.

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Vue d’ensemble de l’exposition © Virginie Moreau.

Que les tableaux soient anciens ou récents, les couleurs sont omniprésentes. Pour Yann Dumoget, l’utilisation de la couleur ne relève pas de la sphère intellectuelle, mais de l’inconscient. « C’est comme une suite d’accords en musique, comme si j’accordais un instrument. C’est ce qui est magique avec la peinture ; ça me dépasse ». Au fil des années, les formes se font plus organiques, mais on trouve un motif récurrent dans ses œuvres : l’utilisation de sa main trempée dans la peinture. « C’est ma manière de montrer que j’étais présent, de laisser une trace. Une référence à l’art pariétal. Et selon la façon dont je positionne ma main, c’est un motif très intéressant sur le plan graphique », analyse-t-il.

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Des œuvres de jeunesse de Yann Dumoget.

Les œuvres qu’il a peintes en 1999 portent en elles la culture de la fin des années 90. « A l’époque, j’étais fasciné par Internet et les nouvelles technologies, je jouais aux jeux vidéo », se souvient l’artiste. Ses toiles de cette période sont imprégnées des rêves et du quotidien de la jeunesse d’alors, licornes, Playmobil® et Pacman® en tête. Quasiment vingt ans plus tard, l’artiste effectue un virage à 180 degrés. Confronté à la situation terrible dans laquelle se trouve la planète (pollution, chômage généré par l’intelligence artificielle…), il a ressenti un besoin de retour à la nature. Pour cette exposition, il s’est placé dans la peau d’un artiste chaman recréant un lien entre l’Homme et son environnement, en partant d’un tableau fondateur, qui occupe une place centrale aux cimaises : Le Cri. « Un cri pour célébrer le monde et dire qu’il va mal. »

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Ce cri d’alarme primal est posé par l’artiste, que Yann Dumoget envisage comme « un éveilleur de consciences ». Cet artiste chaman est matérialisé par un tableau présenté en gisant, qui a été graffité par le public, mais cette fois sur Internet. Il est à la fois sorcier, magicien, psy. Mais il symbolise aussi l’aveu d’impuissance de son auteur. Le serpent de la connaissance a apporté son lot de souffrances sur la Terre. Les différents tableaux exposés aux cimaises apportent chacun un témoignage de ce qu’a pu être le monde avant d’être souillé et détruit par l’Homme : « Il y avait de merveilleuses rivières, des volcans, la mer, des forêts…» conte le peintre avec ses couleurs joyeuses.

Les œuvres de Yann Dumoget sont empreintes de l’air du temps, à la fois par leur propos mais aussi parce qu’elles sont porteuses du langage de leur époque… Des messages que des anonymes ont déposés sur les œuvres, et que l’on découvre au fur et à mesure. « J’aime lire ce que les gens ont écrit un jour : ‘Souris à la vie’, ‘Le progrès, pas la perfection’, ‘L’amour sera notre plus grande force’, ‘Liberté, égalité, fraternité’, et d’autres plus humoristiques ou basiques », indique le peintre. A notre époque où le virtuel est roi, réussir à faire déplacer les foules pour graffiter ses œuvres aurait pu être un échec. Au contraire, comme en témoignent les centaines de graffeurs d’un jour photographiés en noir et blanc, à voir sur le mur du fond à Bagouet. De même, lors des visites guidées de l’expo réalisées par l’artiste, nombreux ont été les visiteurs séduits par sa proposition d’intervenir sur Le Serpent.

L’artiste chamane n’est donc pas aussi impuissant qu’il le pensait, lui qui parvient à fédérer les foules, à les faire réagir et parsemer ses tableaux de messages le plus souvent positifs pour l’humanité. Voilà qui est encourageant…


Informations pratiques

Espace Bagouet – Esplanade Charles-de-Gaulle – Montpellier – Tel. : 04 67 63 42 78.
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 13h et de 14h à 18h.


Les projets de Yann Dumoget

• L’artiste expose jusqu’au 31 janvier de petites Icônes monétaires réalisées avec des billets de banque et des feuilles d’or à la N°5 Galerie de Montpellier, rue Sainte-Anne.

• Le musée d’art contemporain Le Réservoir, à Sète, qui sera inauguré par Gilbert Ganivenq le 5 décembre prochain, exposera notamment 7 masques sur fond noir de Yann Dumoget lors de son ouverture. 

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• En janvier 2019, l’artiste, qui travaille depuis une dizaine d’années sous diverses formes sur la crise financière, présentera ses collages de billets de banque au Liban, à Beyrouth, à la Galerie Alice-Mogabgab. 

• Et Yann Dumoget devrait participer à l’événement 100 artistes à Montpellier à l’occasion de l’ouverture du MoCo, en juin 2019. Il présentera pour l’occasion, dans un lieu non encore connu, son travail sur la crise, et notamment son Veau d’or, œuvre critiquant la vénération de l’argent comme un dieu.

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