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Yves Jégo, président-fondateur de l’association Pro France : « Derrière le patriotisme économique, il y a l’emploi »

Comment est née l’association Pro France, qui porte la labellisation Origine France Garantie ?…

Comment est née l’association Pro France, qui porte la labellisation Origine France Garantie ?

« Au départ le président Nicolas Sarkozy m’avait confié la mission de travailler sur l’Origine France. Je lui ai remis un rapport parlementaire consacré à la « marque France ». Il contenait des propositions qui me semblaient intelligentes, mais il est – semble-t-il – tombé dans le cimetière des rapports parlementaires. C’est pourquoi, en 2010, nous avons décidé de créer une association, Pro France, pour poursuivre ce travail. L’association a donc œuvré pendant plus d’un an pour élaborer un cahier des charges répondant à la question « Qu’est ce qu’un produit français ? », en s’inspirant de la législation suisse du « Swiss made », qui est un gage de qualité. Nous sommes même allés plus loin que les critères du code douanier européen, que nous trouvions un peu faibles.

En 2011, nous avons créé un référentiel et nous avons défini la nécessité d’avoir acquis ses caractéristiques principales en France et avoir au moins 50 % de son prix de revient unitaire acquis en France. Pour avoir le droit d’utiliser la marque Origine France Garantie – puisque la notion de label n’existe pas dans le droit français – l’entreprise doit donc passer par un des cinq organismes de certification que nous avons agréés, qui vient réaliser un audit en entreprise et vérifier que les critères sont bien remplis ».

Quel bilan faites-vous depuis la création de cette marque Origine France Garantie, six ans après sa création ?

« Tout d’abord, notre association sans but lucratif fonctionne sans argent public, et elle compte aujourd’hui plus de 600 entreprises qui ont fait la démarche pour plus de 2 000 gammes de produits. Je rappelle que nous ne certifions pas une entreprise, mais ses produits. Par exemple, chez PSA, 14 voitures sont certifiées OFG ; les autres ne le sont pas car elles ne répondent pas au cahier des charges. Et nous avons un taux de renouvellement de 85 % au bout de trois ans. Cela prouve que ce label est utile pour les entreprises. Il symbolise à la fois le patriotisme économique, le développement durable et la traçabilité. Aujourd’hui, l’origine du produit a une valeur, tout comme la marque. Le message fort des Assises du Produire en France, c’est qu’à côté de la valeur de la marque, le XXIe siècle sera aussi celui des origines ».

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Pourquoi avoir créé à Reims les Assises du Produire en France ?

« Le succès rencontré par notre démarche nous a donné envie de mettre en place une rencontre annuelle pour débattre des enjeux économiques et sociaux et répondre aux attentes de l’opinion publique. C’est ce qui nous a amené, en 2015, avec Catherine Vautrin, présidente du Grand Reims, et Arnaud Robinet, maire de Reims, à choisir cette ville, qui devient la capitale non seulement de l’effervescence mais aussi du « Produire en France ». C’est un rendez-vous de rencontres des chefs d’entreprise, des acteurs de l’économie, de la politique et du monde syndical, sur cette question du made in France. C’est au fond un véritable sujet de société, et le débat dépasse largement la marque Origine France Garantie. Mais nous les fédérons, car ce label est universel.

Il s’adresse à tous les types de produits. Il est le seul outil transversal de reconnaissance d’origine des produits qui existe dans notre pays aujourd’hui. D’ailleurs, certaines appellations trompent les consommateurs. Le marketing et la communication laissent parfois à penser que des produits sont français, alors qu’ils sont fabriqués ailleurs. Les consommateurs ont besoin d’être sûrs qu’un produit est vraiment français, car cela peut faire la différence au moment de l’achat. »

Comment faire pour faciliter la production française face à une concurrence mondiale exacerbée et à tous ces obstacles fiscaux, législatifs et réglementaires dénoncés par les entreprises hexagonales ?

« Les clés de la compétitivité sont multiples. C’est une évidence que les charges pèsent lourd sur nos entreprises, et l’on peut se demander à quoi elles servent en débattant plus largement de la dépense sociale en France, qui repose aujourd’hui essentiellement sur les entreprises et le travail. S’il faut garder une protection sociale, il faudrait être moins dispendieux. Parallèlement, nous devons tout de même reconnaître que les règles et les normes qui nous contraignent contribuent aussi à nos atouts et à garantir la qualité reconnue de nos produits.

La transformation technologique et numérique nous oblige à nous repenser. Notre pays en a la capacité. La France représente une marque forte à l’export et dans le cœur des Français. Nous pouvons aussi imaginer de nouveaux modes de financement comme la taxation des flux. Nous souhaitons également la création d’un crédit d’impôt production qui permettrait par exemple au capitalisme familial d’avoir un statut et une fiscalité avantageuse. »

En 2016, lors de la précédente édition des Assises, vous avez organisé un grand oral de l’Elysée où vous avez reçu tous les candidats à la présidentielle pour les sensibiliser à l’importance du sujet…

« Oui, en septembre 2016, nous avons en effet invité tous les candidats à présenter leur vision du Produire en France. Nous n’avons pas eu de chance, puisque le seul qui n’est pas venu est celui qui est devenu président de la République [Emmanuel Macron s’est déclaré candidat à la présidence le 16 novembre 2016, NDLR]. Mais son actuel ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, y était [NDLR : ainsi qu’à l’édition 2017]. La volonté du grand oral était de rappeler aux candidats que le sujet du produire en France est au carrefour de trois préoccupations.

La première est celle de l’emploi, puisque derrière le patriotisme économique, il y a l’emploi : peut-on garder nos usines ? Va-t-on devenir simplement un pays de recherche, de design, d’innovation et que tout le reste partira ? C’est un vrai sujet.

Deuxième préoccupation : le développement durable. Est-il bien raisonnable, dans le monde d’aujourd’hui, d’acheter un produit qui a fait 15 000 km avant d’arriver chez moi ?

Enfin, le troisième sujet est celui de la traçabilité et de la transparence. L’idée était de dire aux candidats de ne pas négliger cette question du produire en France, car elle n’est pas anecdotique. Elle est même vitale pour le pays : si la reprise qui est en train de balbutier parvient à relancer notre économie, je ne voudrais pas qu’elle se fasse au profit des importations. Il y a donc, derrière ce petit label OFG, un sujet central. Nous verrons […] si nous avons été entendus et si ce sujet est pris en compte par les autorités nationales ».

Propos recueillis par Benjamin BUSSON
pour ResoHebdoEco – www.facebook.com/resohebdoeco

 

> Renseignements : assises-produire-en-france.fr

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