Economie — France

Agriculture : l’eau n’est plus une évidence et « Sainte-Soline, c'est un modèle vertueux » Marc Fesneau

L'eau, une chance pour l'Occitanie, après sa mobilisation du 26 novembre, Narbonne a fait son colloque ce 6 décembre 2023. La Ville a accueilli un événement majeur sur un sujet vital : la gestion de l'eau.

Intitulé “L’eau, une chance pour l’Occitanie”, ce colloque s’est tenu au Théâtre de Narbonne. L’importance de cette rencontre réside dans sa capacité à rassembler des acteurs clés de différents secteurs, dans un contexte où la question de l’eau devient cruciale pour l’avenir de la région, comme de la planète.

Les interrogations étaient multiples, mais l’une d’entre elles restera peut-être la plus emblématique. C’est celle du Préfet de l’Aude Christian Pouget  : « quel est le territoire que l’on veut garder, et transmettre à nos enfants ? » Survie, rentabilité, désertification des sols, environnement, équilibre, biodiversité, toute la richesse d’une réflexion s’est ainsi offerte à tous, en fin de colloque.

« Si le modèle de Sainte-Soline n’est pas vertueux, je ne sais pas ce qu’est un modèle vertueux. » Marc Fesneau

Décisions stratégiques, investissements, l’eau, son financement, son stockage, son traitement, sa captation, sa répartition, tout cet ensemble de choix devient l’enjeu principal des prochaines décennies. Pour Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire : « il faut l’assumer et le dire, l’eau pour les agriculteurs n’est pas une appropriation. Je le répète souvent, l’eau qu’utilisent les agriculteurs, ce n’est pas pour un usage personnel. L’eau qu’utilisent les agriculteurs c’est pour nous nourrir ! » 

À Narbonne, en visio depuis Paris, le ministre a donné sa définition de la sobriété agricole : « la sobriété agricole, vous le savez toutes et tous, c’est une ambition, c’est de mieux faire en sorte que l’on puisse faire une allocation des ressources. » Arrivent ensuite les questions et les solutions à envisager sur le stockage et l’usage, avec les grands projets d’hydraulique qui visent à l’optimisation du réseau, et la remise aux normes des ouvrages. Mais aussi la question de la réutilisation de l’eau. « Ça fait 25 ans qu’on en parle et qu’on en parle sans avoir réussi à faire bouger les lignes […] On ne peut pas dire qu’il y a dérèglement climatique, qu’il y a urgence, et ne pas adapter notre réglementation […] Nous avons besoin d’une réglementation qui s’adapte à ce qui s’est passé depuis 30 ans. »

Quant au stockage, « ce qui marche de façon plus difficile, ce sont les retenues de substitution compte tenu d’une espèce de focalisation nationale sur quelques ouvrages. Je dis devant vous qu’il faut défendre Sainte-Soline parce que Sainte-Soline, c’est un modèle vertueux ! » Applaudissements dans la salle… « Si le modèle de Sainte-Soline n’est pas vertueux, je ne sais pas ce qu’est un modèle vertueux. Et quand on parle du mot méga, et que l’on est pour la plupart des cas sur des réserves qui font une dizaine d’hectares, je trouve qu’on a perdu un peu le sens de la raison et le sens de la responsabilité. » Puis le ministre de l’Agriculture enchaine : « il faut défendre ces projets-là, dès lors que, basés sur les études scientifiques, ils permettent de mettre en avant l’adéquation de la capacité et l’allocation de la ressource avec les besoins. » Marc Fesneau affirme : « il suffit de se poser la question de comment on organise la sobriété, comment on organise le stockage pour essayer de trouver un chemin. »

« Il faut choisir et décider » avait lancé en introduction Jean Louis Chauzy, Président du CESER Occitanie, avant de revenir sur scène, peut-être galvanisé par l’intervention du ministre et dans un style stand-up, pour exprimer ce qui suit : « nous sommes à côté de l’État pour demander le respect de l’État de droit. C’est ce qui nous permet de vivre ensemble. Sinon, c’est la Loi du talion. Et ceux qui sont agressés ont le droit de se défendre. Faut-il sortir les fusils ? La réponse est non, bien sûr ! Mais demandons le respect de l’État de droit. Sinon, il y aura la jurisprudence de Sivens, où un jeune, à 1 h du matin, est victime, certes, mais dans un sac à dos, il avait quand même des… » le président hésite avant de poursuivre : « … il était bien équipé. Donc, la jurisprudence de Sivens, la jurisprudence Notre-Dame-des-Landes, 35 ans, pour ne rien faire, c’est un encouragement à ne rien faire. Donc pour sauver la République, il faut aussi demander publiquement le respect de l’État de droit. C’est ce que je suis venu vous dire » Applaudissements… Jean Louis Chauzy retourne dans la salle.

Quant à Jacques Gravegeal d’Intersud, il passera par l’Histoire de Rome pour expliquer : « ils ont fait le Pont du Gard, et nous on pinaille sur des bassines, » et chiffres à l’appui : « l’Australie, la Nouvelle-Zélande, ce sont 100% d’irrigation, si je prends un concurrent direct, l’Espagne, c’est 45% d’irrigation, nous en France c’est 5%. » Le besoin d’eau est criant pour les agriculteurs et viticulteurs français, Jacques Gravegeal conclut : « nous nous retrouvons aujourd’hui avec des jeunes qui ne s’installent plus… Le problème principal, c’est évident : il n’y a pas de revenu avec les importations concurrentielles, et en plus, ils ne peuvent pas produire, parce qu’il n’y a pas d’eau. » Jean-François Rezeau, le président de la CCI Occitanie confirme : « l’eau est une problématique pour l’ensemble du monde économique. »

« Nous avons besoin d’innovation, de dispositifs d’accompagnement technique et financier pour aider les agriculteurs à adapter leur système de production. » Denis Carretier

Face à la baisse des nappes phréatiques et aux sécheresses accrues dues au changement climatique, les pratiques agricoles doivent évoluer, notamment dans la gestion de l’eau. Des décisions stratégiques devront être prises et des partenariats solides devront être noués, dans l’intérêt commun de préserver cette ressource vitale.

Denis Carretier, Président de la Chambre d’agriculture Occitanie souligne : « aucun territoire ne peut se sentir à l’abri de l’évolution climatique […] Nous avons besoin d’innovation, de dispositifs d’accompagnement technique et financier pour aider les agriculteurs à adapter leur système de production. » Et le Président de la Chambre d’agriculture souhaite que cette journée, et celle du 8 décembre prochain dans l’hémicycle de la Région, soient les points de départ « d’une nouvelle vision d’accès à l’eau, à l’eau multi-usage, une vision dépassionnée, empreinte de pragmatisme et d’organisme conciliant : développement durable, activité économique et vitalité de notre territoire. »

Occitanie Plan Eau : 160 millions d’euros

Lors de ce colloque à Narbonne, Carole Delga Présidente de la Région Occitanie détaille : « Aucune autre région en France n’a un budget aussi élevé que l’Occitanie. C’est une évidence, c’est une nécessité parce que nous sommes beaucoup plus confrontés aux problématiques de sécheresse, aux problématiques d’abat d’eau dans des phénomènes climatiques violents. C’est pourquoi nous avons décidé de voter un Plan Eau de la région Occitanie en juin 2023 doté de 160 millions d’euros. »

La présidente de Région fait remarquer que les Pyrénées orientales sont particulièrement touchées, et qu’elle souhaite demander à Emmanuel Macron que « ce territoire soit expérimental en France, afin d’avoir une réglementation qui soit plus souple et qui soit beaucoup plus opérationnelle. »

Puis Carole Delga précise : « nous sommes mobilisés avec, bien sûr, nos deux bras armés, que ce soit BRL, Bas-Rhône Languedoc, ou CACG. Je rappelle que nous avons beaucoup investi, que BRL va continuer à se développer, à étendre son réseau Aqua Domitia, et nous avons décidé de continuer à investir. Ce sera plus de 40 millions d’euros, que ce soit pour l’Est ou que ce soit pour l’Ouest de la région Occitane. Rappeler quand même que ce sont 10 000 hectares d’irrigation que nous avons permis et financés avec 115 millions d’euros. Ce sont des chiffres lourds qui démontrent notre détermination, la nécessité d’être sur l’économie, sur l’optimisation, mais également sur la sécurisation. »

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