Entreprises

12 clés pour comprendre la réforme de la formation professionnelle

Muriel Pénicaud, ministre du Travail, vient de présenter le projet de réforme de la formation professionnelle. Un big bang annoncé qui inclut 12 mesures concrètes pour mieux préparer aux métiers de demain. Dans la continuité de ce projet, une loi sera présentée en avril 2018.

D’ici dix ans, un métier sur deux sera transformé. 50 % des métiers vont ainsi muter, impactés par les transitions numérique et écologique. C’est à partir de ce constat que le projet de réforme s’est étayé. La formation professionnelle et de l’apprentissage doit mieux préparer aux métiers de demain ! L’analyse statistique montre également que les ouvriers ont deux fois moins de chance d’être formés que les cadres. De même, les salariés des TPE ont deux fois moins de chance d’être formés que ceux des entreprises de 250 salariés ou plus. Pourtant, 78 % des Français considèrent qu’il est important de se former tout au long de sa vie.

Des écarts entre salariés et cadres

Pour autant, la France n’est plus parmi les leaders de la formation professionnelle : 50 % des salariés accèdent à la formation professionnelle en France, contre près de 60 % au Danemark et aux Pays-Bas, et environ 70 % en Suède et en Suisse. C’est surtout pour les salariés non diplômés que les écarts sont importants : près de 50 % des salariés non diplômés se forment en Suède, contre moins de 30 % en France. Pour les personnes en recherche d’emploi, le taux d’accès à la formation était en 2012 (hors plan exceptionnel) environ 1,5 fois plus élevé en Allemagne qu’en France. Pour autant, selon l’enquête de conjoncture Insee  d’octobre 2017, 32 % des entreprises citent le manque de main-d’œuvre compétente disponible parmi les barrières à l’embauche. Elles sont même 50 % à évoquer ce motif dans le bâtiment, 38 % dans l’industrie et 29 % dans les services.

Les partenaires sociaux, conscients des enjeux, ont fait des propositions au gouvernement formalisées par un accord national interbranche (ANI) rendu public le 22 février dernier. Dans la foulée, Muriel Pénicaud a annoncé le lundi 5 mars 2018 une série de mesures devant donner corps à la réforme et donner des droits plus importants et plus facilement accessibles aux salariés et aux demandeurs d’emploi. Mais également simplifier la gestion de la formation professionnelle par les entreprises. Les négociations entre la ministre du Travail et les partenaires sociaux vont reprendre durant le mois de mars. Une présentation du texte de loi définitif est prévue pour avril prochain.


7 mesures pour renforcer les droits des salariés et des demandeurs d’emploi

1 – Tous les salariés verront leur Compte Personnel de Formation (CPF) crédité de 500€ par an pour choisir leurs formations en toute liberté. Au bout de 10 ans, le CPF atteindra son plafond (5.000 €), auquel pourra s’ajouter un abondement de l’entreprise. Pour les salariés en CDD, le compte sera crédité prorata temporis. Le CPF pourra être abondé par les entreprises et les branches, notamment par des accords collectifs. Le CPF serait ainsi consolidé comme un droit personnel garanti collectivement.

2 – Pour les salariés non qualifiés, 800 € par an plafonnés à 8 000 € leur permettront de changer de catégorie professionnelle. Conformément à l’accord signé par les partenaires sociaux, les droits des personnes sans qualification seront majorés par rapport aux autres salariés : pour ces personnes, le CPF sera crédité de 800 € par an, avec un plafond de 8.000 €. Cela vise à permettre à tous les salariés sans qualification de changer rapidement de catégorie professionnelle et d’évoluer professionnellement.

3 – Tous les salariés à temps partiel, qui sont en majorité des femmes, auront davantage de droits. Tous les salariés qui travaillent à mi-temps ou plus bénéficieront des mêmes droits que les salariés à temps plein. Les femmes représentent 80 % des salariés à temps partiel. Elles devraient donc être les premières bénéficiaires de ces nouveaux droits.

4 – Le CPF de transition apportera davantage de droits pour les formations longues. Le gouvernement indique que, conformément à l’accord signé par les partenaires sociaux, pour les salariés qui ont un projet de formation longue mais ne disposent pas des crédits suffisants sur leur compte pour le financer, un système d’abondement sera mis en place après validation d’une commission paritaire. Ce projet sera précédé obligatoirement d’une prestation de positionnement personnalisé pour adapter la durée de la formation aux besoins de l’individu. Les abondements de l’entreprise sur le CPF de ses salariés seront favorisés par la négociation d’accords collectifs portant notamment sur la qualité de vie au travail.

5 – Les formations seront facilement accessibles et évaluées en toute transparence. Une application mobile CPF sera créée pour que chacun – salarié ou demandeur d’emploi – ait la liberté de choisir sa vie professionnelle. Avec l’application, chacun pourra connaître les droits acquis sur son compte, les différentes formations certifiantes proposées dans son bassin d’emploi ou sa région et les dates de session des différentes formations ; s’inscrire à la formation et la payer directement, sans appel à un intermédiaire et sans validation administrative ; choisir sa formation en connaissant le taux d’insertion dans l’emploi à l’issue de la formation, le salaire prévisionnel à l’embauche et la différence de coût entre des formations similaires ; choisir sa formation en fonction des commentaires laissés par les anciens salariés et demandeurs d’emploi formés.

6 – Un nouveau conseil en évolution professionnelle sera créé pour accompagner les salariés.  Sur l’ensemble du territoire, un conseil en évolution professionnelle sera mis en place pour les salariés, permettant de les accompagner dans leurs projets d’évolution professionnelle, conformément à l’accord signé par les partenaires sociaux. Le conseil portera sur l’évaluation des compétences du salarié, la définition de son projet professionnel, les différentes formations disponibles, etc. Dans chaque région, un opérateur du conseil en évolution professionnelle sera sélectionné par appel d’offres, selon un cahier des charges coconstruit entre l’État, les partenaires sociaux et les Régions, et bénéficiant d’un financement dédié. Le nouveau conseil en évolution professionnelle doit permettre de réduire les inégalités d’accès à la formation, en bénéficiant notamment aux ouvriers et employés.

7 – Les demandeurs d’emploi auront davantage accès à la formation (dans le cadre du Plan d’investissement dans les compétences). Des modules de remise à niveau sur les compétences de base et les savoirs numériques seront systématiquement proposés aux demandeurs d’emploi qui le souhaitent. Le gouvernement entend ainsi former 1 million de demandeurs d’emploi peu qualifiés et 1 million de jeunes éloignés de l’emploi supplémentaires pendant le quinquennat. Dès le premier mois, les demandeurs d’emploi seront accompagnés pour identifier leurs besoins et aspirations puis accompagnés dans un parcours de formation adapté.

Un Plan d’investissement dans les compétences pour les demandeurs d’emploi et les jeunes. Le Plan d’investissement dans les compétences, auquel les régions seront associées sous forme contractuelle, propose un réel changement d’échelle et de méthode. 1 million de demandeurs d’emploi peu qualifiés et 1 million de jeunes éloignés de l’emploi supplémentaires seront formés d’ici cinq ans ; 15 milliards d’euros dédiés au Plan d’investissement dans les compétences ; un accompagnement à l’évolution des métiers et aux grandes transformations, notamment numériques et écologiques ; un appel à projets pour encourager les expérimentations et l’innovation, et ainsi, généraliser ce qui est vraiment efficace ; une priorité donnée aux personnes peu ou pas qualifiées, aux quartiers prioritaires de la ville, aux demandeurs d’emploi handicapés.


Une gouvernance et un financement simplifiés pour les entreprises

Il n’y aura plus qu’une seule cotisation formation et elle sera collectée par les Urssaf. Les entreprises et les branches professionnelles pourront s’appuyer sur des opérateurs de compétences, qui remplaceront les OPCA. Ces opérateurs de compétences seront bâtis sur des logiques de filières économiques cohérentes. Ils financeront les CFA, en application des coûts contrats définis par les branches, et appuieront les branches qui le souhaitent dans la coconstruction des diplômes. Obligatoirement dotés d’un service de proximité, les opérateurs de compétences financeront également le plan de formation des TPE et PME.

Une agence nationale, France Compétences, remplacera les trois instances de gouvernance actuelles (FPSPP, Cnefop, Copanef). France Compétences assurera la régulation de la qualité et des prix des formations, notamment des coûts contrats des formations en alternance. Elle assurera également la péréquation interprofessionnelle mécanique en matière d’alternance et de formation des TPE et PME. Elle sera composée de trois collèges : État, partenaires sociaux, régions.

Les salariés comme les demandeurs d’emploi pourront choisir et payer eux-mêmes leur formation, avec leur CPF. L’application numérique CPF leur permettra de connaître toutes les formations disponibles, les taux d’insertion et de satisfaction de ces formations, de s’inscrire en formation et de payer la formation. L’organisme de formation sera directement payé par la Caisse des Dépôts et Consignations.

5 mesures pour simplifier la gestion de la formation professionnelle par les entreprises

1 – Les TPE et PME bénéficieront d’une solidarité financière des grandes entreprises pour faciliter l’accès de leurs salariés à la formation. Le plan de formation des TPE et PME continuera d’être pris en charge par un système de mutualisation financière. Un système de solidarité des grandes entreprises vers les TPE et PME sera mis en place. Le plan de formation sera financé par une contribution de l’ensemble des entreprises dédiées à ce plan, mais réservé aux TPE et PME (moins de 50 salariés).

2 – Simplification : les entreprises ne paieront plus qu’une seule cotisation, la cotisation formation professionnelle, au lieu de deux aujourd’hui (1% formation et taxe d’apprentissage). Au total, le taux de cotisation actuel ne sera pas augmenté, précise le gouvernement.

3 – La cotisation formation professionnelle sera automatiquement collectée par les Urssaf, ce qui simplifiera les démarches administratives des entreprises. Les entreprises ne seront plus sollicitées par plusieurs organismes pour s’acquitter de leur contribution formation et de leur taxe d’apprentissage. Pour les entreprises, il n’y aura plus aucune démarche administrative particulière en matière de cotisation formation, contrairement à aujourd’hui.

4 – La construction du plan de formation sera fortement simplifiée. Les entreprises ne seront plus contraintes de construire leur plan de formation en faisant la distinction entre les actions d’adaptation au poste de travail ou liées à l’évolution ou au maintien dans l’emploi dans l’entreprise, les actions de développement des compétences et les périodes de professionnalisation. Toutes ces catégories, qui compliquent inutilement le plan de formation, seront supprimées. Toutefois, l’obligation de l’employeur d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur employabilité ne change pas.

5 – L’innovation pédagogique sera libérée et encouragée. Dans la lignée du travail effectué par les partenaires sociaux, la définition de l’action de formation sera revue, de façon à libérer l’innovation pédagogique, encourager les formations innovantes (Moocs, digital learning, modularisation…) et simplifier la formation en situation de travail.

Source : ministère du Travail

(DC) 

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