Politique — Béziers

À Béziers, un couvre-feu bien accueilli, mais dont l'utilité reste à confirmer

Est-ce dû à la pluie ou au couvre-feu ? Les enfants ne courent pas les rues après 23h00 à Béziers, où la population salue généralement un dispositif qui devra toutefois faire ses preuves lorsque le thermomètre grimpera.

En fin de soirée, dans le centre historique de cette ville de 75.000 habitants, comme dans le quartier excentré et paupérisé de la Devèze, les rares passants courbent le dos pour se protéger du crachin.

Les quelques enfants aperçus à la sortie d’une pizzeria ou dans l’embrasure d’une porte sont accompagnés d’un adulte. Aucun ne traîne en bande. “Il n’y a pas grand monde, il faudra revenir quand il fera plus chaud”, concède Robert Ménard, ex-proche de Marine Le Pen qui dirige depuis 10 ans l’une des villes les plus pauvres de France.

Coup de projecteur

L’ex-journaliste s’est offert un coup de projecteur dont il est coutumier en signant lundi 22 avril un arrêté interdisant aux mineurs de moins de 13 ans de circuler dans la rue de 23h00 à 06h00, dans plusieurs quartiers, s’ils ne sont pas accompagnés d’un adulte.

En cas d’infraction, ils pourront être reconduits à leur domicile ou au commissariat et leurs parents écoper d’une amende. Robert Ménard avait déjà tenté faire de même en 2014 avant de voir son arrêté retoqué par le Conseil d’État en 2018. Récidiviste, le maire de Béziers assure que le 22 avril, date de début de ce nouvel arrêté, n’a pas été choisi pour détourner l’attention d’une “marche contre les idées d’extrême droite” organisée dans la ville, le mardi 23 avril.

D’autres maires à Nice ou aux Pennes-Mirabeau, près de Marseille, ont immédiatement promis de lui emboîter le pas. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a affirmé jeudi 25 avril “soutenir” ces initiatives prises par des “gens tout à fait raisonnables”.

“Aggravation des comportements” selon Raphaël Balland

Sans citer de chiffres, Robert Ménard justifie la mesure par le “nombre croissant de jeunes mineurs livrés à eux-mêmes en pleine nuit” et une “aggravation du nombre de faits”. Interrogé par l’AFP, le procureur de la République à Béziers Raphaël Balland évoque également une “aggravation des comportements, en particulier des violences ou des implications dans des trafics de stupéfiants”.

“J’ai constaté une augmentation sensible du nombre de mineurs déférés par mon parquet devant le juge des enfants à l’issue de leur garde à vue”, avec “84 mineurs déférés en 2023 au lieu de 53 en 2022, soit une augmentation de 58%”, a-t-il expliqué.

En France, les moins de 13 ans ont représenté 2% des mis en cause dans les atteintes aux personnes en 2023, selon des chiffres du ministère de l’Intérieur. Serveuse dans un restaurant biterrois, Kim Sow, 28 ans, ne croise pourtant que “rarement des enfants dans la rue” lorsqu’elle finit son service. Elle ne sait pas si le couvre-feu “va changer grand-chose”.

Sorti prendre un verre avec des amis, Julien Eymery, un père de famille, l’espère: “À Béziers, il y a des jeunes de huit ans qui gardent des petits de trois ans dehors à minuit, avec des poussettes. Je trouve ça honteux, grave et dangereux pour les enfants”. Auxiliaire de vie, Sana Safiania veut pour sa part croire que cela l’aidera à dissuader son fils de 13 ans de sortir tard, parce que “la nuit, c’est que les problèmes”.

Parmi les rares voix à exprimer des réserves, Mathilde Vidal, enseignante de 60 ans, regrette une “entreprise de communication” et une “façon de criminaliser la jeunesse” en la “rendant responsable des maux de notre société”.

“J’ai ouvert la voie à quelque chose d’utile, mais qui ne doit pas être un gadget ” Louis Nègre

Pour Jean-Michel Weiss, secrétaire général de la Fédération autonome de la police municipale de l’Hérault et du Gard, “dans les villes où ça a été mis en place et où on a suffisamment de recul, comme à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes) depuis une vingtaine d’années, les résultats sur le terrain sont plutôt probants”.

La mesure prise à Béziers n’a rien de nouveau. Ancien professeur d’éducation physique, Louis Nègre, maire de Cagnes, commune de 50.000 habitants proche de Nice, avait pris un arrêté de couvre-feu pour les moins de 13 ans dès 2000. Ses hommes, en patrouille ou dans le centre de supervision urbain qui diffuse les images des 250 caméras, sont très attentifs à la présence nocturne éventuelle d’enfants, même si la dernière interpellation d’un mineur la nuit remonte à 2010. “J’ai ouvert la voie à quelque chose d’utile, mais qui ne doit pas être un gadget, cela doit faire partie d’une politique globale”, souligne M. Nègre, estimant que pour lutter contre “la dérive de la société” due à “la perte des valeurs”, il faut s’attaquer aux causes et “pas seulement aux conséquences”. Dans sa ville, si un “passeport citoyen” rappelle aux écoliers leurs droits, mais aussi leurs devoirs, un centre de loisirs permet également à 500 jeunes de “faire du catamaran ou de la planche à voile” pour seulement 20 euros la semaine chaque été.

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