Agde : les travaux de modernisation stoppés, le gérant du Camping La Tama accuse le coup et le maire argumente

“Je ne pourrai pas ouvrir cette saison. On m’empêche de mener à bien la montée en gamme de ce camping alors que cela était prévu dans la délégation de service public, on m’empêche de tenir mes engagements vis-à-vis de la ville !” Voilà ce qu’affirme aujourd’hui François Cros, gérant de la société Cottage Park, qui en a gros sur la patate.

Pourtant, l’histoire avait bien commencé entre la ville et cet homme, originaire de Marseillan et fort d’une solide expérience dans le tourisme de plein-air. En 2021, il avait remporté la délégation de service public de la gestion des deux campings municipaux pour une durée de dix-huit ans.

Dans cette délégation de service public votée en conseil municipal, il était effectivement prévu que le délégataire offre un nouveau visage à ces deux entités, jusque-là gérées par la SODEAL et qui péchaient par manque d’investissements. Sur le constat, tout le monde était d’accord pour dire que “tout était vieillissant ou hors d’usage, il était temps de donner un nouveau souffle à ces deux structures” qui avaient petit à petit perdu leur statut de fleurons de tourisme local, malgré des emplacements de premier ordre.

Pour remettre à niveau les deux structures municipales, la nouvelle délégation de service public, votée en conseil municipal, prévoyait un investissement minimal de 15 millions d’euros. Au final, le délégataire a injecté 20 millions d’euros : 12 millions d’euros sur La Clape et 8 millions sur La Tamarissière. “Le loyer que nous versons à la commune est particulièrement lourd, alors nous devons investir rapidement. Le chiffre d’affaires des campings est de 3 M€ et doit atteindre un minimum de 12 millions pour payer un loyer de 1,3 million.”

Sur la feuille de route de François Cros figurent le renouvellement du parc de mobil-homes et le doublement du parc aquatique du Camping de La Clape du Cap d’Agde. De quoi accrocher la 5^e étoile et le label Clé verte, en raison de la politique de gestion environnementale et de tourisme durable menée.

Côté Tamarissière, le renouvellement des HLL (Habitations Légères de Loisirs) était au programme, tout comme l’implantation d’un lagon sous forme de piscine naturelle. De quoi attirer une nouvelle clientèle étrangère à fort pouvoir d’achat. “Les anciennes HLL étaient en plastique et de couleurs pas très heureuses. Nous avons opté pour des HLL de type chalets bois pour les remplacer. Le changement de clientèle a été radical. Jusqu’à présent, dans notre clientèle, nous avions 70 % de jeunes entraînant leur lot de nuisances et 30 % de familles. Aujourd’hui, c’est l’inverse ! Les familles sont venues en masse et les chalets les plus luxueux ont été les plus prisés” affirmait le gérant à la fin de la saison touristique 2022.

De quoi l’encourager à continuer à investir cet hiver, notamment sur le secteur de la Tamarissière, avec la création d’un lagon ayant obtenu un permis d’aménager délivré par la Ville avec l’aval de l’architecte des Bâtiments de France. Il faut dire que le secteur est sensible, puisque situé en secteur protégé remarquable, en raison de la présence d’une pinède centenaire.

La mutation des campings municipaux vers un tourisme plus qualitatif n’a pas été du goût d’une association locale qui a contesté en justice la légalité de ces aménagements, non sans un certain succès, puisque des décisions administratives sont venues interrompre cette dynamique.

François Cros évoque la situation actuelle de la Tamarissière : “Nous avons obtenu un permis en 2021 pour la mise en place de 40 chalets HLL et un autre en 2022 pour l’installation d’un lagon constitué d’une bâche recouverte de sable blanc, sans béton, avec traitement des eaux avec UV, donc sans aucun produit chimique. Mais le permis des HLL, après une première suspension en référé, a été annulé, car l’avis de l’architecte des Bâtiments de France n’apparaissait pas dans les documents. La Ville d’Agde a fait appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier”.

Il poursuit : “Concernant le lagon, dont les travaux sont en cours, le permis a été suspendu alors même que sa légalité est incontestable, car cette fois, l’avis favorable des Bâtiments de France était annexé au permis. Dans ce dossier, la mairie n’a pas suffisamment mis en avant les impératifs économiques et c’est pour cette raison que le juge a considéré qu’il n’y avait pas urgence et qu’un jugement au fond trancherait la légalité du lagon. Cottage Parks mène donc sa propre défense : nous avons saisi le Conseil d’État en urgence afin de pouvoir terminer les travaux et d’être en capacité d’ouvrir cet été. C’est notre souhait le plus cher si la situation se débloque”.

“Le camping La Tama a ouvert en 1952. Il comporte des HLL depuis 2013 et maintenant que l’on veut les remplacer par des plus modernes, on nous en empêche sous couvert que ces nouveaux équipements sont des constructions qui entraîneraient un massacre du bois classé ! Nous accuser de massacrer le bois est un mensonge, le nouveau délégataire n’a abattu aucun arbre. Le bois de la Tamarissière est un joyau et j’en serai toujours le défenseur” affirme le premier magistrat de la ville, qui a fait appel de cette décision administrative.

Et de poursuivre : “je sais que certains ont regretté que le camping ne soit plus en accès libre en hiver, mais cela a été impossible en raison des travaux liés aux investissements en cours ces deux derniers hivers. Mais cela sera à nouveau le cas le plus rapidement possible, je m’y engage. Aujourd’hui, l’opposition municipale mène ce combat judiciaire. Pour autant, ces équipements, tant les chalets que le lagon, étaient inscrits dans la DSP votée en conseil municipal et, que je sache, je n’ai pas le souvenir que cela ait soulevé la moindre critique“.

Pour Gilles d’Ettore, « la décision du juge a porté sur le fait que nous sommes dans un espace remarquable, mais le camping se doit d’évoluer quand même. Il mérite une modernisation. Il est hors de question pour moi de le laisser à la traîne. Il faut bien qu’il réponde aux standards du tourisme actuel sinon il va continuer à péricliter. C’est pour cela que j’ai fait appel. Au-delà de l’aspect réglementaire, il y a un volet économique très important pour notre commune“.

Devant les décisions administratives stoppant la modernisation du site, François Cros a annoncé il y a quelques jours qu’il était dans l’impossibilité d’ouvrir le Camping de la Tama pour la saison touristique 2023. “Les travaux sont interrompus alors qu’ils étaient en cours, je ne peux pas accueillir les campeurs au milieu d’un chantier !”, justifie-t-il.
Une décision lourde de conséquences pour l’économie touristique et une perte sèche pour la ville. “Si le camping n’ouvre pas, cela sera une catastrophe pour les commerces de la Tama et du Grau d’Agde et également une perte sèche de redevance de l’ordre de 350 000 euros pour la commune. L’intérêt pour tous est que le camping ouvre, mais nous sommes en sursis, car si demain nous devions démonter les chalets, ce serait un énorme coup dur pour la modernisation du camping et une catastrophe économique. Je vais rencontrer le gérant pour discuter de tout cela mais je me désole de voir que des opposants politiques usent de l’énergie et de l’argent à mauvais escient. Je lance un appel à tous ceux qui sont dans ce combat à se mobiliser plutôt pour venir aider le financement du remplacement des arbres malades qui doivent être abattus. Je viens de recevoir le rapport de l’Office National des Forêts et il est accablant” rapporte le maire, dont les services doivent éradiquer une épidémie d’insectes scolytes qui ont déjà condamné une centaine de sujets.

Sans attendre, la société Cottage Parks en a déjà replanté une trentaine, consciente que l’ombre est primordiale pour les vacanciers. En attendant qu’un brin de lumière arrive du côté administratif…