Charbonnier, un photographe engagé qui contribua à faire évoluer la société
Exposition prolongée jusqu'au 30 août. Appartenant au mouvement de l’Ecole humaniste de Paris au…
Exposition prolongée jusqu’au 30 août. Appartenant au mouvement de l’Ecole humaniste de Paris au même titre que Robert Doisneau, Henri Cartier-Bresson, Edouard Boubat, Sabine Weiss et Willy Ronis, Jean-Philippe Charbonnier (1921-2004) en est le membre le moins connu mais pas le moins talentueux, selon Emmanuelle de l’Ecotais, commissaire de l’exposition Jean-Philippe Charbonnier – Raconter l’autre et l’ailleurs 1944-1983 qui se tient actuellement au Pavillon Populaire.
Emmanuelle de l’Ecotais attribue ce manque de reconnaissance et cette postérité moindre au fait que Charbonnier a été salarié toute sa vie d’un seul magazine, Réalités, au contraire des autres photographes de l’Ecole humaniste de Paris, qui travaillaient pour l’agence Magnum, et dont les clichés étaient diffusés dans de nombreux magazines.
La photographie humaniste
Ce courant qui se focalisait sur l’être humain et sa vie quotidienne est apparu dans les années trente dans les quartiers populaires parisiens et la banlieue, et a été réactivé après la Seconde Guerre mondiale jusque dans les années soixante et après. Après les atrocités de la guerre, l’idée était de retrouver l’optimisme en la nature humaine, les sourires… mais le fond social n’était pas pour autant écarté. Scènes de rue, bistrots, petits métiers, enfants jouant, familles unies étaient des thèmes évoqués par les tenants de ce mouvement.
Le style Charbonnier
Charbonnier, infatigable globe-trotter, mit autant de soin à photographier les Français que les populations du monde entier qu’il fut amené à rencontrer durant sa carrière. Il était aussi à l’aise auprès des beautés nues des Folies Bergère que des mineurs du Nord. Selon la commissaire d’exposition, « Charbonnier était le plus caustique de tous les photographes humanistes ». Il fit notamment des séries engagées sur le mal-logement, les femmes au foyer, la ségrégation raciale aux Etats-Unis (voir la photo en haut de l’article)…
Par ailleurs, il avait beaucoup d’humour. « Ses clichés ont de grandes qualités plastiques », juge-t-elle. Il faisait preuve d’une forte empathie et d’une grande bienveillance, comme en témoignait sa technique d’approche. « Il ne faisait quasiment pas de photos volées, mais créait une certaine connivence avec les personnes qu’il photographiait. » Avec les enfants, il commençait par faire des grimaces pour établir une complicité, ce qui permettait de dépasser la barrière de la langue. Il avait besoin d’établir une sorte de dialogue. Et s’il s’agissait d’une foule, il captait toujours quelques regards. Il traitait chaque individu qu’il photographiait avec la plus grande importance, qu’il s’agisse d’une star – Claude Rich, Juliette Gréco, Miles Davis – ou d’un parfait inconnu ; sans doute un reste de son apprentissage auprès du photographe de cinéma Sam Lévin. Emmanuelle de l’Ecotais souligne « son véritable intérêt pour la nature humaine, l’authenticité de sa quête ».
Ses parutions pour Réalités
Son travail de commande pour le magazine Réalités était souvent calibré de la même façon : quelques photos de paysages, des portraits de famille, portraits d’hommes, de femmes et d’enfants reflétant le bonheur de vivre, et des clichés sur l’éducation, la religion, le travail, l’homme en relation avec la nature, et la vie quotidienne. Profitant du rythme que lui permettaient ses reportages de plusieurs mois, il se faisait lentement apprivoiser par les populations – qu’elles soient étrangères… ou même françaises, comme les pêcheurs bretons de l’île de Sein – avant de les photographier dans leur vie de tous les jours.
Chose qui semble plus étonnante, il fit également de la photo de mode pour Réalités, mettant en scène des mannequins dans des décors où il surjouait la futilité.
Jean-Philippe Charbonnier réalisa également des clichés qui ne furent pas publiés, comme ceux sur la communauté amish de Pennsylvanie en 1964, réalisés au téléobjectif, contrairement à ses habitudes, car il n’avait pas d’autorisation de photographier.
Une série choc sur les asiles psychiatriques
En 1954, Jean-Philippe Charbonnier réalisa, non sans mal, une série dans des asiles psychiatriques français.
Sa publication avec un texte d’Hervé Bazin provoqua un tollé auprès du public, qui découvrit alors avec horreur les terribles conditions dans lesquelles survivaient les malades : ligotés sur des pots de chambre, enfermés comme des animaux dans des cellules en béton au sol recouvert de paille, passant des journées entravés par des camisoles de force… Suite à cela, le milieu psychiatrique dut changer ses méthodes. Son reportage avait été salutaire.
Virginie MOREAU
vm.culture@gmail.com
> Pavillon populaire – Esplanade Charles-de-Gaulle – 34000 Montpellier.
Exposition prolongée jusqu’au 30 août 2020.