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Cinéma : "Nomadland", un film profondément humain sur les exclus du rêve américain

Alors que nous savourons toujours pleinement le plaisir d'avoir retrouvé les salles obscures, la rédaction a eu un véritable coup de cœur pour le film "Nomadland", itinéraire d'une travailleuse précaire qui vit dans son van.

Nomadland est un drame qui se penche sur les conditions de vie de centaines de milliers d’Américains, obligés par manque de ressources de vivre dans un van, voire un camping-car pour les plus “chanceux” d’entre eux. Réalisé par l’excellente réalisatrice chinoise Chloé Zhao, son personnage principal est interprété par Frances McDormand, égérie des frères Cohen. Ce rôle salué par la critique lui a valu le troisième Oscar de la Meilleure actrice de sa carrière. C’est dire si son interprétation d’une femme endurcie par les épreuves de la vie – dont le deuil récent de son mari – vaut le coup d’œil. Un film qui s’inspire du roman phénomène de Jessica Bruder intitulé Nomadland : Surviving America in the Twenty-First Century, paru en 2017, et basé sur des faits réels. Jessica Bruder a d’ailleurs travaillé sur le scénario du film.

L’histoire

Fern, ex-prof sexagénaire installée dans une cité ouvrière en faillite du Nevada, récemment veuve, a tout perdu lors de la crise de 2008. Pour survivre, de job précaire en petit boulot, elle parcourt l’Ouest américain à bord de son van aménagé, rencontrant sur son chemin des personnages qui l’initient à la vie nomade et lui donnent de bons plans pour ne pas rester en rade sur le bord de la route en plein désert ou mourir de froid en plein hiver. Elle découvre une vie de débrouille et d’entraide, et noue des amitiés. La réalité économique des jobs précaires est évoquée, depuis les zones d’expédition du géant Amazon, où elle renforce l’équipe chaque année à Noël, jusqu’aux champs de betterave où le travail est épuisant et aux toilettes dégoûtantes à récurer.

Solidarité du peuple de la route

Les personnes que Fern rencontrent ne sont pas interprétées par des acteurs mais par de vrais nomades. D’où le vrai accent de sincérité de ce road movie, axé sur la solidarité et la bienveillance. On y découvre que la vie nomade est faite de rencontres singulières, mais aussi de départs. Les adieux n’y sont pas de mise, ce ne sont que des au-revoir.

Comme on s’y attendait, les accidents de la vie sont nombreux dans le parcours de ces personnes réduites à vivre en marge de la société : veuvage, perte d’un enfant, fragilité… Une communauté se recrée, rassemblant ces âmes en peine, parfois finalement heureuses de vivre sur les routes. Un sentiment de liberté paraît finalement être partagé par tous ; la liberté d’aller où bon leur semble. Au point de parfois ne plus avoir envie de retrouver une vie sédentaire…

Une Amérique qui oublie ses seniors

Ce film est frappant dans le sens où la plupart des personnages de ce film sont âgés. Ils ont quasiment tous plus de la cinquantaine, et sont très souvent sexagénaires, septuagénaires ou octogénaires. Un reflet du système américain, qui valorise le travail, mais ne développe pas de système de protection sociale pour les personnes âgées. Ces personnes sont engagées dans une lutte pour leur survie. Chaque petit boulot signifie pouvoir se nourrir quelques jours d’affilée, pouvoir mettre du carburant dans leur fourgon ou leur van… Les personnages sont extrêmement touchants. Et l’on ne peut s’empêcher de se demander ce qui arrive à ces personnes âgées quand elles sont trop usées pour travailler, conduire leur van, donc pour assurer leur survie…

Un film loin des clichés

Dans ce film, on est loin des clichés d’Instagram et de Pinterest sur la fameuse vanlife, c’est-à-dire la vie nomade choisie, à bord d’un joli van rutilant, magnifiquement aménagé, ou dans une caravane flambant neuve ou rénovée à grands frais. Ici le système D et le bricolage prévalent, les pannes sont fréquentes, et les toilettes sèches perdent de leur glamour.

Bref, Nomadland est un film bouleversant, qui met l’accent sur la simplicité et l’extrême précarité de ces vies souvent ignorées voire méprisées. Une belle leçon de vie…

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