Clément Saad, French Tech Méditerranée « Une mission de travail en Californie en mars"
Recrutements, deep tech, financement, international… Le nouveau président de la French Tech Méditerranée, dirigeant…
Recrutements, deep tech, financement, international… Le nouveau président de la French Tech Méditerranée, dirigeant de Pradeo (solutions de sécurité mobile), détaille sa feuille de route 2020 à l’HJE.
Interview : Hubert VIALATTE
Quelle est la feuille de route de 2020 pour la French Tech Méditerranée ?
Clément Saad : « Le but, c’est que l’on soit utiles pour les adhérents, en les aidant à passer un cap dans leur développement. Les quatre thématiques phares sont les talents, la deep tech, le financement et l’international. Les talents supposent une collaboration avec les écoles et les universités. La responsable de cette action est Maryam Bini (Soledge). La deep tech, confiée à Arnault Ioualalen (Numalis), consiste à renforcer les liens entre laboratoires, universités de la région et start-up. Parfois, pour des start-up, le monde de la recherche est une nébuleuse, alors que certains laboratoires détiennent une technologie ayant un impact direct sur leur propre thématique. Certains laboratoires sortent des innovations incroyables, qui pourraient devenir des projets d’entreprises, mais elles restent sur l’étagère, car les chercheurs n’ont pas forcément tous la fibre entrepreneuriale. Pour corriger ce gâchis, il faut faire se rencontrer les acteurs, avec une idée business.
Concernant le financement – piloté par Benjamin Neel, de Laboxy – l’enjeu est également primordial. Les start-up doivent apprendre à gérer des fonds. Il leur faut gagner de l’argent. La levée de fonds n’est pas là pour vivre, mais pour faire du chiffre d’affaires. Trop de sociétés sont sous perfusion parce que leur modèle n’est pas viable. En France, on a de super créateurs d’entreprises, mais on n’arrive pas à générer des sociétés de taille intermédiaire. Le montant des levées de fonds est juste ridicule (sic). Il faut être très fort pour amener des sociétés à 50 ou 100 salariés, et arrivées à ce seuil, les entreprises sont vendues. On n’arrive pas à passer au cap supérieur. Il y a trop de levées de fonds autour de 500 000 euros. Ce type de montant est pertinent pour la première levée, pas pour la deuxième.
Enfin, l’international, piloté par Hatem Oueslati, de Ioterop. Il gère la mission San Francisco, pour laquelle 10 start-up de tout le territoire sont retenues. Des rendez-vous seront pris en amont avec des acteurs de la Silicon Valley. La mission devrait se dérouler début mars, pendant une semaine.
Vous connaissez bien les Etats-Unis, et notamment la Silicon Valley, puisque votre société Pradeo y a une filiale. Qu’y avez-vous appris ?
« La première fois que j’y suis allé, en 2015, j’ai pris une claque monumentale. Au point de revoir le fonctionnement de ma société. La France est plutôt un pays d’ingénieurs. On recrute…
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…des commerciaux, pour qu’ils ramènent du chiffre d’affaires. C’est totalement différent aux Etats-Unis : les commerciaux attendent de gérer une image déjà existante. Du coup, j’ai recruté une vraie directrice marketing au lieu de mettre tout le budget sur les forces de vente. Elle a construit une image internationale forte, ce qui génère des sollicitations entrantes. Les contacts viennent à toi, ils sont mieux qualifiés, on les traite, puis on va vendre. C’est une chaîne cohérente. Si je mets un euro sur le marketing, je sais qu’il va me rapporter tant. »
Le Languedoc a-t-il des allures de Californie française ?
« Toutes proportions gardées, c’est la même logique ! Avec une métropole centrale, Montpellier, et des villes autour. Comme la Silicon Valley et San Francisco. Montpellier souffre d’un déficit de foncier et doit composer avec les territoires voisins, qui ont des réserves. Par exemple, Everlia (containers recyclés en habitations) vient de trouver un terrain d’environ 4 hectares près de Béziers, pour son projet industriel. Le territoire est vu de plus en plus comme une terre fertile en sociétés à potentiel. »
Quels sont le budget 2020 de la French Tech Méditerranée et le montant de l’adhésion ?
« Le budget est de 300 000 euros, sur une base de 100 euros par adhésion. Les collectivités où nous sommes actifs sont toutes partenaires, ainsi que la Région Occitanie et de grands groupes. Ces derniers formulent de vraies attentes par rapport aux start-up. »
Dans les perspectives de 2020 se profilent bien sûr les élections municipales. La French Tech Méditerranée prévoit-elle une action spécifique pendant la campagne ?
« Nous devrions demander aux candidates et candidats de se positionner sur la question de l’entrepreneuriat numérique. Cela dit, la French Tech Méditerranée est désormais un outil aux mains des entreprises. La première partie était adossée à Montpellier Méditerranée Métropole, et c’était une bonne chose : si la collectivité n’avait pas porté le projet, nous n’aurions jamais obtenu le label French Tech, car les sociétés membres étaient trop petites à l’époque. Aujourd’hui, nous sommes devenus assez matures. D’autant plus que la French Tech a été élargie géographiquement en intégrant Béziers, Sète, Nîmes, Millau, Alès, Lunel… »
La Cité de l’emploi et des métiers de demain de la Région Occitanie va ouvrir fin mars. La French Tech a-t-elle son rôle à y jouer ?
« Nous sommes associés à ce projet, qui va dans le bon sens. Ce sera une sorte de laboratoire, un bon lieu pour faire se rencontrer les technologies des grands groupes et les besoins des start-up, ou les technologies des start-up avec les besoins des grands groupes ! Il faut entretenir un lien continu entre start-up et grands groupes, et ne pas le cantonner à un seul événement » (BigUpforStartup, NDLR).
Quelle est la faiblesse de l’écosystème digital régional ?
« Le recrutement est un vrai défi dans notre secteur. Beaucoup d’entreprises sont rachetées. Or, le salarié vient pour un projet d’entreprise, lequel est lié à la personnalité du dirigeant historique. Lorsque celui-ci part, après le rachat, le salarié est retenu un temps par un gros salaire, que le nouvel actionnaire est en mesure de lui verser. Mais il s’ennuie. Double conséquence néfaste : le salarié en question finit par quitter le territoire, et les autres start-up peinent à recruter. »
Votre entreprise, Pradeo, est assez peu connue au niveau héraultais, bien qu’implantée à Montpellier. Pourquoi ?
« Aux Etats-Unis, les gens nous connaissent. C’est en effet moins le cas ici. Je fais peu d’événements. Je suis toujours admiratif de ces entrepreneurs qui trouvent le temps de sillonner les pince-fesses (sic). Je n’ai pas un client dans la région. Mes clients sont des grands groupes et des entreprises internationales. Je suis quand même un pur produit montpelliérain, attaché à ma région. »
Propos recueillis par Hubert VIALATTE