Décote sur le foncier public et logement social : les 5 recommandations de la Cour des comptes
La Cour des comptes a rendu public, ce mardi 23 janvier, un référé adressé le 26 octobre 2017 au Premier ministre, sur l'évaluation du dispositif de la décote sur le foncier public en faveur du logement social. Il émet 5 recommandations pour renforcer l'efficience de ce dispositif qui n'a conduit, en trois ans, qu'à la réalisation de 69 opérations et 4.600 logements sociaux.
En application du code des Juridictions financières, les référés sont adressés par le premier président de la Cour des comptes au Premier ministre ou aux ministres concernés pour leur faire connaître les observations et recommandations formulées par la Cour ou les chambres régionales et territoriales, sur la gestion des services de l’État et des autres organismes publics, y compris les institutions de Sécurité sociale.
La loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013
La Cour des comptes a annoncé, le mardi 23 janvier 2018, qu’elle venait d’adresser un référé au Premier ministre suite à l’évaluation du dispositif de décote du foncier public destiné à favoriser la construction de logements sociaux. Pour rappel, ce dispositif de la décote a été instauré par la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013, qui a introduit la possibilité, pour l’État et certains établissements publics, d’appliquer une décote sur la valeur vénale des terrains qu’ils cèdent, lorsqu’un projet de construction inclut des logements sociaux. L’objectif de la décote était de favoriser la mise en chantier rapide de logements locatifs sociaux, voire en accession sociale à la propriété.
Un dispositif relativement peu utilisé
Selon l’analyse de la Cour des comptes, le dispositif de la décote a été relativement peu utilisé au cours des trois derniers exercices. Apparaissant comme trop complexe et concurrencé par d’autres procédures de cession du foncier public, il n’a concerné finalement que 69 opérations, et permis la construction d’environ 6 700 logements entre janvier 2013 et décembre 2016, dont 4 600 logements sociaux. Au sein de l’État, le ministère de la Défense a été le principal contributeur de cette politique, en ayant permis la mise en chantier de près de 3.000 logements, soit 45 % de la production totale issue de la procédure de décote.
La Cour des comptes compare ces chiffres avec les mises en chantier prévues sur les terrains publics non décotés. Depuis 2013, les ventes sans décote ont concerné 335 lots de terrain pour une prévision de mises en chantier d’environ 35.000 logements, dont 16.000 logements sociaux. Même si ces données doivent être prises avec précaution, la décote ne concerne ainsi qu’une proportion réduite des ventes (21 %) et des logements programmés (19 %), explique la juridiction.
Au total, même si la part de logements sociaux représente 70 % des programmes construits sur les terrains décotés, contre 40 % pour les cessions hors décote, le bilan quantitatif du dispositif de la décote apparaît mitigé, précise la Cour des comptes.
Autre point important, la mise en œuvre de cette procédure n’a pas permis de rationaliser l’ensemble des dispositifs de cession du foncier public, indique la Cour. La décote est ainsi entrée en concurrence avec d’autres procédures : la cession « classique », qui reste de loin la plus fréquente, la cession réalisée sur la base de charges foncières « sociales » ou « administrées », ou la cession réalisée par la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM) et ses filiales.
L’institution pointe également un coût global supérieur à 107 M€ entre 2013 et 2016, pour ce dispositif qui s’avère “peu efficient et qui a parfois entraîné le lancement d’opérations bénéficiant d’une aide disproportionnée par rapport aux objectifs de construction de logements sociaux “. La Cour des comptes note enfin : “les intérêts patrimoniaux de l’État n’ont pas toujours été suffisamment protégés, ce qui justifierait un contrôle financier renforcé des opérations (…) Le principal risque inhérent au dispositif de décote est d’accorder un rabais supérieur à celui qui serait nécessaire au strict équilibre financier de l’opération, et donc un avantage financier indu aux acquéreurs des terrains décotés”.
Les 5 recommandations de la Cour des comptes
Sur le fondement de ces observations, la Cour formule en définitive les recommandations suivantes :
Recommandation n° 1 : simplifier l’organisation de la cession à moindre coût du foncier public, qui repose actuellement sur de trop nombreux dispositifs ;
Recommandation n° 2 : recentrer géographiquement les procédures de décote sur les zones tendues et en déficit de logements sociaux ;
Recommandation n° 3 : publier le montant des décotes accordées par logement ;
Recommandation n° 4 : en cas de cession de foncier par la procédure négociée ou par mise en concurrence, imposer une clause de garantie de construction de logements locatifs sociaux lorsque le terrain est vendu en deçà de la valeur de marché ;
Recommandation n° 5 : pour les dossiers importants, inclure par avenant la possibilité pour les services de l’État d’effectuer un contrôle financier a posteriori de l’équilibre économique des opérations décotées, en prévoyant, le cas échéant, des clauses de sanction financière.
N.B. : À l’issue du délai de deux mois dont disposent les destinataires pour répondre, les référés, accompagnés des réponses qui leur sont le cas échéant apportées, sont transmis aux commissions des finances et, dans leur domaine de compétence, aux commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat, et sont rendus publics.
(Source : Cour des comptes / DC)