Documentaire ou expérimentale, la photo est en fête aux 17es Boutographies jusqu’au 28 mai
Il serait fort difficile de résumer en quelques lignes la 17e édition des Boutographies, festival montpelliérain qui donne une visibilité supplémentaire à de jeunes photographes européens. Voici quelques séries qui ont retenu l’attention de la rédaction…
Les migrants
« Cette année, nous avons reçu beaucoup de candidatures portant sur le thème des migrants, de Calais en particulier », indique Arnaud Laroche, directeur artistique des Boutographies. « Nous avons sélectionné la série Caesurax du photographe grec, qui nous a paru plus pudique et vraie que les autres. Le photographe n’a pas cherché à accroître l’aspect dramatique par des retouches d’images accentuant les couleurs ou autres. »
Demetris Koilalous livre un témoignage simple et poignant d’un moment extraordinaire de sa vie, où, parti faire des photos de nature, des centaines de migrants ont débarqué sous ses yeux. Rien n’était prémédité. Il se trouvait dans ce lieu à un instant crucial pour ces migrants.
Sur place, ces exilés ont malheureusement perdu divers objets que le photographe a collectés après leur départ, et qui sont disposés sous certaines photographies, dans des boîtes en bois. Ces objets amènent les visiteurs à s’identifier à ces personnes ; ils accentuent leur humanité.
Expérimentations
Dans un tout autre genre, la Hollandaise Jannemarein Renout livre une série très colorée et variée, appelée Scan 2400, proche de la picturalité. Ses scans effectués en extérieur s’apparentent à des tableaux abstraits aux couleurs et aux formes variées…
Même plaisir de l’expérimentation chez la Belge Christelle Boulé : elle a déposé des gouttes de parfum sur du papier argentique vierge et a exposé l’ensemble à la lumière du jour qui a agi comme révélateur, rendant ainsi en quelque sorte hommage aux origines de la photographie. Chaque parfum a réagi de façon différente en fonction de sa composition.
Un destin de femme
Iranien de la seconde génération post-révolution résidant au Royaume-Uni, Ali Mobasser a retracé, au travers de 13 photographies d’identité officielle, agrandies, de sa tante Afsaneh, le destin de cette femme née en Iran en 1957 et décédée en 2013 en Angleterre. Les premiers clichés s’ouvrent sur une enfant très souriante. Une image intermédiaire, terrible, la montre accablée, portant un tchador noir, sous la République islamique d’Iran. Sur ses dernières photographies d’identité, réalisées après leur fuite au Royaume-Uni, elle est devenue une femme âgée, épuisée, marquée par les épreuves et par le temps. Ce travail qu’Ali Mobasser qualifie de thérapeutique ramène, à partir d’une étude au départ familiale, au nœud du problème de générations entières : l’oppression. Nul besoin de commentaires sur cette série ; les clichés parlent d’eux-mêmes. Toute une vie se comprend en quelques photographies au milieu desquelles circulent les visiteurs. C’est édifiant.
Constructions tous azimuts
Formé à l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille, le Français Alban Lécuyer poursuit depuis 2011 un projet photographique consacré à la place de l’histoire et des conflits dans les représentations du paysage urbain. Dans sa série The Grand Opening of Phnom Penh, le photographe s’est penché sur cette ville qui fut désertée sous le régime khmer rouge de 1975 à 1979, oubliée durant une quarantaine d’années, et qui connaît actuellement un regain d’intérêt et un grand essor sur le plan immobilier. Ses clichés de chantiers de construction, très graphiques, sont présentés avec une belle scénographie, à l’étage du Pavillon Populaire.
> Sous la direction de son fondateur Philippe Durand, le magazine Réponses photo a décidé d’attribuer son « Coup de cœur des Boutographies » au photographe Alban Lécuyer pour cette série.
Sans oublier
Nombreuses sont les photographies qui ont retenu l’attention de la rédaction. Comme la série Ilona et Maddalena, de la Montpelliéraine Sandra Mehl, gagnante du Prix Echange Fotoleggendo-Boutographies 2017, que nous évoquerons dans nos colonnes la semaine prochaine. On peut aussi citer la série Bird and Umbrella de la Coréenne Eun Chun, réalisée dans un studio de bruitage.
Projections
Parmi les projections, deux photographes évoquent les ravages de la chirurgie esthétique : Fatoumata Diabate (pour Caméléon) a photographié des femmes ayant ont subi des opérations de dépigmentation de la peau au Sénégal, et Corinne Mariaud, des adolescentes asiatiques aux visages refaits pour Fake I real me. On a apprécié la série S’il vous plaît, dessine-moi un œuf, d’Amaral et Barthes, humoristique et pédagogique. On retient aussi l’ensemble Nouste Soureilh de Jean-Luc Vertut, qui a photographié avec une touche de fun ou en toute simplicité les pensionnaires d’un lieu d’accueil spécialisé pour personnes âgées ou dépendantes.
Virginie MOREAU
vm.culture@gmail.com
Informations pratiques
Pavillon Populaire
Esplanade Charles-de-Gaulle
Montpellier
Pour en savoir plus : www.boutographies.com
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