Droit de visite accordé à l’ex-concubin d’un parent : le juge est libre de fixer les modalités d’exercice
L’octroi du droit de visite à l’ex-concubin de la mère est justifié au regard de l’intérêt de l’enfant.
En l’espèce, en raison des liens affectifs durables existant entre lui et l’enfant et du grand désarroi de l’enfant résultant du conflit opposant ses parents et l’ex-concubin de sa mère, il y avait lieu de rétablir les liens entre l’enfant et l’ex-concubin de sa mère selon des modalités qui tenaient compte tant des réactions d’angoisse manifestées par l’enfant que de sa vie familiale avec ses parents. Le juge est libre concernant la fixation des modalités d’exercice du droit de visite accordé à l’ex-concubin de la mère (dans le même sens, concernant le droit de visite et d’hébergement des grands-parents : Cass. civ. 1, 13 juin 2019, n° 18- 12.389, FS-P+B).
Faits et procédure
Une enfant, née le 6 novembre 2014, est reconnue par le compagnon de sa mère le 8 novembre suivant. Le 13 août 2018, l’ex-concubin de la mère assigne les parents de l’enfant en référé d’heure à heure devant le juge aux affaires familiales pour obtenir, sur le fondement de l’article 371-4 du Code civil, un droit de visite et d’hébergement.
Par un arrêt du 11 mars 2021 rendu sur renvoi après cassation (Cass. civ. 1, 6 février 2020, n° 19-24.474, F-D), la cour d’appel de Montpellier accorde à l’ex-concubin de la mère un droit de visite à l’égard de l’enfant.
Ce droit de visite s’exercera pour une durée de trois mois à compter de la première rencontre, dans un espace de rencontre, deux fois par mois selon, le règlement intérieur de l’association, les horaires et dates étant à déterminer par l’association.
Principe du droit de visite
La première chambre civile de la Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article 371-4, alinéa 2, du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l’un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables.
Après avoir relevé que l’ex-concubin de la mère, qui soutenait être le père biologique de l’enfant, avait engagé une instance en contestation de sa reconnaissance par le compagnon de la mère, la cour d’appel a retenu, d’une part, que, si celui-là n’avait jamais résidé de manière stable avec l’enfant, il avait entretenu avec elle des liens réguliers depuis sa naissance jusqu’au début de l’année 2018, de sorte qu’ils avaient noué des liens affectifs durables et d’autre part, que les différents certificats médicaux produits, attestant de la souffrance de l’enfant, traduisaient que la cause de son grand désarroi résidait dans le conflit opposant ses parents et l’ex-concubin de sa mère.
Elle en a déduit qu’il y avait lieu de rétablir les liens entre l’enfant et l’ex-concubin de la mère selon des modalités qui tenaient compte tant des réactions d’angoisse manifestées par l’enfant que de sa vie familiale avec ses parents.
La première chambre civile de la Cour de cassation considère qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise et a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a statué en considération de l’intérêt de l’enfant, qu’elle a souverainement apprécié.
Modalités d’exercice du droit de visite / pouvoir du juge
La jurisprudence antérieure de la première chambre civile concernant le droit de visite et d’hébergement des grands-parents s’applique en l’espèce (Cass. civ. 1, 13 juin 2019, n° 18-12.389, FS-P+B). Ainsi, les règles concernant les modalités d’exercice du droit de visite sont les mêmes qu’il s’agisse de l’entretien des relations entre l’enfant et ses ascendants ou un tiers (en l’espèce, l’ex-concubin de sa mère).
D’une part, l’article 371-4 du Code civil ne précise pas les modalités selon lesquelles le droit de visite et d’hébergement du tiers peut s’exercer.
D’autre part, si l’article 1180-5 du Code de procédure civile dispose que, lorsque le juge décide que le droit de visite de l’un des parents s’exercera dans un espace de rencontre, en application des articles 373-2-1 ou 373-2-9 du Code civil, il fixe la durée de la mesure et détermine la périodicité et la durée des rencontres ; ce texte n’est pas applicable aux relations entre les enfants et un tiers.
La première chambre civile de la Cour de cassation retient que c’est sans méconnaître l’étendue de ses pouvoirs que la cour d’appel a fixé la durée de la mesure, le lieu et la périodicité des rencontres entre l’ex-concubin de la mère et l’enfant.
À rapprocher d’une autre décision rendue la veille : Cass. civ. 1, 7 juillet 2021, n° 19-25.515, F-D, refusant, au contraire, d’accorder à l’ex-épouse de la mère un droit de visite et d’hébergement, au regard de l’intérêt de l’enfant.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L’autorité parentale sur la personne de l’enfant, L’entretien de relations personnelles des enfants avec leurs ascendants ou autres personnes, parents ou non, in L’autorité parentale, (dir. A. Gouttenoire).