Droit social : licenciement et statut de lanceur d’alerte

Le point sur le statut de lanceur d'alerte invoqué en cas de licenciement…

Par Charlotte MORONVAL.

Pour reconnaître à un salarié le statut de lanceur d’alerte, le juge ne peut relever que la révélation des faits d’atteinte à la liberté d’expression, dans le cadre d’échanges avec un syndicat, est intervenue par la voie de médias, d’abord par Internet, lors de la diffusion d’un enregistrement puis de l’entretien entre le salarié et un journaliste, alors que le salarié avait personnellement et préalablement constaté que son employeur remettait en cause son droit à sa libre commu­nication avec les syndicats de la société Y, au vu des propos tenus par le dirigeant de la société X lors d’un entretien informel et de la procédure disciplinaire avec mise à pied conservatoire et suivie d’un avertissement puis de son licenciement pour faute grave, sans constater que le salarié avait relaté ou témoigné de faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime.

Les faits

Un salarié, engagé en qualité de consultant senior par une société X, spécialisée dans le développement de solutions logicielles et d’expertises dans le domaine de l’optimisation et des solutions d’aide à la décision, s’était vu confier une mission auprès d’un technocentre d’une société Y.

Lors d’un entretien du 16 mars 2016, l’employeur avait évoqué avec le salarié avoir été averti de l’envoi, par l’intéressé, d’un courriel politique à des salariés de la société Y. Le 18 mars 2016, il lui avait notifié une mise à pied conservatoire et l’avait convoqué à un entretien préalable prévu le 25 mars suivant en vue d’un éventuel licenciement. Le 31 mars 2016, le salarié avait fait l’objet d’un avertissement pour violation du guide d’information de la société Y et notamment de sa lettre de mission au technocentre. Il avait été licencié le 21 avril 2016 pour faute grave, l’employeur lui reprochant un manquement à ses obligations de loyauté et de bonne foi, pour avoir procédé à l’enregistrement sonore de l’entretien informel du 16 mars 2016 à son insu et pour avoir communiqué cet enregistrement à des tiers afin d’assurer sa diffusion le 21 mars 2016 dans le cadre d’une vidéo postée sur le site internet Youtube. L’enregistrement diffusé révélait qu’au cours de l’entretien du 16 mars 2016, l’employeur avait déclaré : « donc ils surveillent, ils surveillent les mails, et à ton avis les mails de qui ils surveillent en priorité ? […] Bah les mails des syndicalistes bien évidemment […] T’es pas censé, en tant qu’intervenant chez [la société Y], discuter avec les syndicats [de la société Y]. Les syndicats de [la société Y], ils sont là pour les salariés de [la société Y] ».

La procédure

Faisant valoir que son licenciement était intervenu en violation de la protection des lanceurs d’alerte, le salarié a sollicité devant le juge des référés la cessation du trouble manifestement illicite résultant de la nullité de son licenciement et l’octroi de provisions à valoir sur la réparation de son préjudice.

La cour d’appel (CA Versailles, 27 février 2018, n° 16/04357 N° Lexbase : A7480XER, lire N° Lexbase : N3172BXR) prononce la nullité du licenciement pour atteinte à la liberté d’expression et condamne l’employeur au paiement de diverses sommes. Elle retient que la révélation des faits d’atteinte à la liberté d’expression, dans le cadre d’échanges avec un syndicat, est intervenue par la voie de médias par Internet, lors de la diffusion de l’enregistrement litigieux le 21 mars 2016, puis de l’entretien entre le salarié et un journaliste le 22 mars 2016, alors que le salarié avait personnellement et préalablement constaté que son employeur remettait en cause son droit à sa libre communication avec les syndicats de la société Y, au vu des propos tenus par le dirigeant de la société X lors de l’entretien informel du 16 mars 2016 et de la procédure disciplinaire avec mise à pied conservatoire engagée dès le 18 mars 2016 et suivie d’un avertissement puis de son licenciement pour faute grave. La cour d’appel en déduit que le salarié est recevable à invoquer le statut de lanceur d’alerte et en conclut qu’en application des articles L. 1132-3-3 (N° Lexbase : L7446LBE) et L. 1132-4 du Code du travail (N° Lexbase : L0680H93), il y a lieu de prononcer la nullité du licenciement.

L’employeur forme un pourvoi en cassation.

La solution

Enonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel. En statuant comme elle l’a fait, sans constater que le salarié avait relaté ou témoigné de faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime, la cour d’appel a violé l’article L. 1132-3-3 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013.

Charlotte MORONVAL

Réf. : Cass. soc., 4 novembre 2020, n° 18-15.669, FS-P+B (N° Lexbase : A9362337).

> Pour en savoir plus, voir l’étude « Les dispositions relatives à la protection des salariés – La protection des salariés lanceurs d’alerte », in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E9886E9Z).

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