Economie sociale et solidaire (ESS) : Nicolas Hulot promet un engagement fort
Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, a affiché de grandes ambitions en matière d'économie sociale et solidaire, lors du lancement du mois de l'ESS. Cette manifestation est destinée à faire connaître ce modèle économique.
« L’économie de l’avenir » : c’est ainsi que Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, voit l’économie sociale et solidaire (ESS). Le 25 octobre, son ministère accueillait le lancement de la dixième édition du Mois de l’économie sociale et solidaire. Organisé par les chambres régionales de l’ESS (CRESS), l’événement est destiné à mettre en valeur cette économie qui, en dépit de son poids (10 % du PIB), demeure méconnue. Le mois de l’ESS se décline en 2 000 manifestations sur tout le territoire.
Dans le cadre de cette manifestation, les trois prix nationaux décernés lors du Forum national de l’ESS et de l’innovation sociale, qui s’est tenu à Niort le 19 octobre dernier, donnent un aperçu des démarches spécifiques à l’ESS. Ainsi, la SCIC Energies renouvelables Pays de Rance, une coopérative regroupant 104 sociétaires autour de la mise en place d’une filière bois locale, a reçu le prix de l’impact local. Le prix de l’innovation sociale a été attribué à Jardins de Solène, qui collecte des fruits et légumes déclassés auprès des producteurs locaux pour les revendre ensuite à des cuisines centrales, favorisant l’emploi de personnes en situation de handicap et la lutte contre le gaspillage alimentaire. Quant à Traces de vie, qui accompagne les personnes en fin de vie ou les enfants atteints d’une maladie grave par l’écriture de leur vie ou de récits imaginaires, elle a obtenu le prix coup de cœur.
Le lancement du mois de l’ESS était également l’occasion pour le ministère de la Transition écologique et solidaire d’affirmer son engagement en faveur de l’ESS. Cette dernière lui est rattachée, alors que, durant le précédent quinquennat, elle dépendait du ministère de l’Economie. Durant cette période, Benoît Hamon, alors ministre délégué en charge de l’ESS, avait été à l’origine de la loi ESS du 31 juillet 2014. Mais aujourd’hui encore, « beaucoup ignorent le succès de l’ESS », constate Nicolas Hulot, dont l’intervention a été suivie de celles de Christophe Itier, récemment nommé haut-commissaire à l’ESS et à l’innovation sociale, et de Géraldine Lacroix, directrice du département économie et cohésion sociale à la Caisse des Dépôts (CDC).
Le défi du changement d’échelle
Aujourd’hui, l’ESS emploie 2,37 millions de salariés, en croissance de 5 % par rapport à 2008. Cela représente 14 % de l’emploi privé. Elle compte près de 164 077 entreprises, en hausse de 1 % par rapport à 2008. En revanche, l’ESS est très inégalement répartie en fonction des secteurs : elle représente 60 % des emplois dans l’action sociale, 57 % dans les sports et loisirs, 30 % dans les activités financières et d’assurance, 26 % dans les arts et spectacles, et 11 % dans le secteur de la santé. Autre spécificité, 85 % des entreprises de l’ESS comptent moins de dix salariés. Au niveau statutaire, les sociétés commerciales de l’ESS sont à 60 % des SAS (sociétés par actions simplifiées) et à 13 % des SARL (sociétés à responsabilité limitée).
Pour Nicolas Hulot, le moment est donc venu de « changer d’échelle ». Pour ce faire, le ministre promet qu’une feuille de route aura été élaborée avec les acteurs du secteur avant la fin de l’année. Avec deux ambitions principales. D’une part, édifier un « pacte de consolidation et de croissance » rassemblant des mesures d’ordres fiscal et réglementaire destinées à donner plus d’autonomie aux entreprises de l’ESS et à leur permettre d’expérimenter plus facilement.
D’autre part, il veut mettre en place un « accélérateur d’innovation sociale » voué à repérer et accompagner des projets socialement innovants. Cet outil devrait être prêt « dans les semaines à venir », promet Christophe Itier, chargé d’impulser et de mettre en œuvre la politique du gouvernement en matière d’ESS. « Soyons offensifs », avance le haut-commissaire pour expliquer la démarche qu’il entend suivre. Par exemple, pour favoriser l’accès des entreprises de l’ESS à la commande publique, Christophe Itier ne vise pas l’obtention d’une part réservée à ce secteur, mais plutôt une augmentation des critères d’exigence en matière sociale ou sociétale dans les appels d’offres. Cette démarche aurait également le mérite d’avoir un effet d’entraînement sur les autres entreprises.
La Caisse des Dépôts en soutien
Dans son action, le ministère va notamment s’appuyer sur la Caisse des Dépôts, déjà très engagée dans le projet d’« accélérateur d’innovation sociale ». A la base, l’investisseur institutionnel mène une politique active en direction de l’ESS, précise Géraldine Lacroix. Annuellement, 140 millions d’euros sont fléchés pour soutenir le développement de l’ESS, notamment « en aidant les têtes de réseaux à structurer les écosystèmes », illustre Géraldine Lacroix. Autre type d’intervention, « nous rendons l’expérimentation possible » poursuit-elle. Exemple, la contribution financière à l’opération Territoire zéro chômeur, qui consiste à embaucher en contrat à durée indéterminée (CDI) des chômeurs de longue durée, sur des missions qui ne remplissent pas les critères de rentabilité d’une entreprise classique, mais qui correspondent aux besoins de chaque territoire.
La Caisse des Dépôts développe également des produits financiers spécifiquement conçus pour financer la création et la croissance des entreprises de l’ESS. Et enfin, en juin 2016, l’investisseur institutionnel a lancé un fonds ESS, le NovESS, avec d’autres acteurs comme le Crédit Coopératif et BNP Paribas. Déjà doté de 60 millions d’euros, ce fonds a pour objectif de « soutenir la transition et le changement d’échelle de l’ESS ». Il cible prioritairement des projets de grande envergure, avec des investissements compris entre 1 et 5 millions d’euros. En octobre, NovESS a réalisé son premier investissement (de 2,5 millions d’euros) auprès d’Enercoop, fournisseur d’électricité verte, doté de 50 000 clients, pour accompagner son développement.
Anne DAUBREE
Le guide des bonnes pratiques de l’ESS. Gouvernance, développement durable… Le Guide des bonnes pratiques de l’ESS du Conseil supérieur de l’ESS se veut un outil méthodologique pour aborder les obligations qui s’appliqueront à toutes entreprises de l’ESS à partir de 2018. Il est accessible sur le site https://guidedesbonnespratiques.com.