Elia Pagliarino, passeuse d’histoires, se raconte à la Galerie Annie-Gabrielli

A la Galerie Annie-Gabrielli, à Montpellier, se tient jusqu’au 17 mars prochain une exposition diffusant une plaisante atmosphère d’étrangeté. Sous l’intitulé "Contes sauvages", elle rassemble des dessins, céramiques et résines laissant une large place au trait et à la poésie de l’imaginaire.

Préservation de la mémoire

Au centre de l’espace d’exposition, des vases ovales en céramique peinte, appelés Balises, abritent des textes évoquant des lieux proches ou plus lointains, des histoires vécues et des métiers anciens ou traditions voués à disparaître à plus ou moins longue échéance. Pour les créer, Elia Pagliarino s’est basée sur des lectures, des documentaires, voire des discussions avec des personnes ayant vécu dans des lieux particuliers ou ayant exercé un vieux métier. Elle a préservé ces témoignages d’une époque, couchés sur le papier, dans les écrins de céramique. Dans bien longtemps, qui sait si un archéologue ne les exhumera pas du sol ? Les Balises sont surmontées de bouchons prolongeant les histoires. « Ils ne sont pas purement décoratifs. J’ai choisi un bouchon en verre en forme de boule pour
la Balise sur Auroville, car il a la même forme que le Matrimandir, bâtiment central de cette ville utopique indienne, qui la symbolise. Et pour la Havane, le bouchon est en forme de canne à sucre, culture primordiale à Cuba », explique-t-elle.

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Une “Balise”. © photo : V. Moreau.

Odes à la tolérance

Pour leur part, les dessins ou Contes sauvages figurant aux cimaises de la galerie évoquent la société actuelle, racontant une humanité de la différence et invitant à la tolérance, puisque des créatures hybrides, aux corps humains et aux visages animaux, les peuplent. « Le fait d’avoir passé une grande partie de mon enfance dans un établissement accueillant des personnes handicapées physiques ou mentales m’a donné un autre regard sur la normalité », analyse Elia Pagliarino. Ses Contes, emplis de fantaisie et riches d’enseignements, lui permettent d’évoquer la vie actuelle – notamment le transgenre – de façon biaisée. Et l’on ne peut s’empêcher de penser à la Psychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim…

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Un “Conte sauvage”… © photo : V. Moreau.

Alerte sur les manipulations diverses

Aux cimaises figurent également des vitrines, sortes de cabinets de curiosités. Elles présentent des Espèces en cours d’apparition, adaptées à l’époque contemporaine et résistantes, destinées à remplacer celles en voie de disparition. Ces nouvelles espèces à venir, selon l’artiste, résultent de mystérieux croisements entre animaux, végétaux, êtres humains, minéraux et technologies. « J’y questionne notre relation à la nature et la façon dont on la manipule. Au vu des rapports alarmistes sur la disparition prochaine de nombreuses espèces, j’ai ressenti le besoin d’en créer d’autres, avec une apparente rigueur scientifique mais une grande part d’imagination, pour garder une certaine dose d’optimisme. » 

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“Espèces en cours d’apparition” © photo : V. Moreau.

Enfin, des sculptures en résine peinte, nommées Subams pour Sujets Utopistes Brevetés Résolument Modernes, aux formes humanoïdes, gardent des expressions et visages humains, mais évoquent le clonage par leurs formes répétitives. L’artiste y dénonce aussi à sa manière les risques du transhumanisme, mouvement très en vogue actuellement, qui consiste à transformer l’être humain pour améliorer sa santé ou augmenter ses performances.

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Un “Subam” © photo : V. Moreau.

Sciences et art, rapport au temps et histoire de l’art

Dans ses œuvres, Elia Pagliarino – fortement intéressée par l’anthropologie, l’ethnologie ou encore la biologie, et inspirée par les analyses du paléoanthropologue Pascal Picq – effectue de nombreux croisements et passerelles entre art et science. Et selon qu’elle aborde le passé, les temps actuels ou le futur et ses prémices, l’artiste varie les supports, même si le dessin demeure une constante, qu’il soit sur papier, céramique ou résine. « Pour moi, le choix de tel ou tel support pour traiter tel ou tel sujet est totalement intuitif. Rétrospectivement, il se trouve que j’utilise un support par période temporelle traitée », indique-t-elle. Cette aisance vis-à-vis des techniques lui vient de sa formation en arts appliqués. Nulle barrière pour cette artiste touche-à-tout, qui s’autorise même une allusion réussie à des tableaux des peintres Hendrick Golzius et Francisco de Goya dans son Loth et ses filles.

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L’humour pour combattre la noirceur

« Mes œuvres incitent à la réflexion, mais contiennent assez souvent une pointe d’humour, car je préfère aborder les sujets sérieux par le biais de l’humour, du décalage et de la poésie, plutôt que de créer des œuvres sombres et alarmistes. Mon but est de provoquer un plaisir esthétique et de la découverte chez le spectateur ; pas de l’affoler. Le monde est suffisamment dur pour ne pas avoir besoin d’en rajouter », estime Elia Pagliarino…

 

Pour contacter l’auteur de cet article : vm.culture@gmail.com

Informations pratiques

> Galerie Annie-Gabrielli
33, avenue F. Delmas (avenue de Nîmes) – Montpellier.
Tel. : 06 71 28 53 24.
www.galerieanniegabrielli.com

> Exposition visible du mercredi au samedi, de 15h à 19h.

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