Le patrimoine, outil très contemporain de développement local
Le patrimoine se conjugue au présent, dans le cadre de projets de développement local. Témoignages lors d'une conférence organisée en novembre 2016 au Salon du patrimoine, à Paris.
Stériles, les vieilles pierres ? Ce n’est pas l’avis de nombreuses collectivités, qui, un peu partout en France, s’emploient au contraire à faire de leur patrimoine un outil de développement local. Ces démarches ont fait l’objet d’une conférence, intitulée « Les villes d’art et d’histoire, un chantier remarquable », qui s’est tenue le 5 novembre 2016, à Paris, lors du Salon du patrimoine, réunissant les professionnels et acteurs associatifs du secteur. Car le patrimoine, qu’il soit privé ou public, recèle des enjeux sociétaux et économiques très contemporains, ont montré les interventions de Patrick Vassallo, conseiller délégué au développement local de Plaine Commune, et Jean-François Escapil-Inchauspe, responsable du développement Grand Sud Ouest chez EDF.
Un chantier-école d’insertion
En Seine-Saint-Denis, Plaine Commune, établissement public territorial, regroupe neuf villes riches de patrimoine industriel et historique, à l’image de la cité-jardin de Stains ou de la cathédrale de Saint-Denis. Depuis 2005, plusieurs chantiers d’insertion y ont été menés, comme l’aménagement d’un local destiné à accueillir le public, « Mémoire de cité-jardin » dans la cité-jardin de Stains. « Nous avons fait le choix de raccorder développement local et patrimoine, pour développer une dynamique endogène », explique Patrick Vassallo. Pour sa politique de valorisation et d’animation de son patrimoine, Plaine Commune a obtenu le label « Ville et Pays d’art et d’histoire » du ministère de la Culture. Loin d’être une « cerise sur le gâteau », la démarche est centrale, estime Patrick Vassallo : il s’agit de faire société, de rapprocher des jeunes en difficulté du réseau d’acteurs économiques et culturels de la ville, et de mieux inscrire la population actuelle dans l’histoire de son territoire. Les chantiers d’insertion constituent un « outil » de cette politique. C’est ainsi qu’à Saint-Denis, un chantier-école s’est déroulé dans un chantier archéologique jouxtant la cathédrale. Les stagiaires ont participé à la construction de plusieurs équipements qui permettent aux visiteurs de déambuler dans le chantier : un belvédère, un cheminement à travers les fouilles et des panneaux pédagogiques de présentation. Ces chantiers préqualifiants, qui accueillent des stagiaires à très bas niveau de qualification, sont financés par plusieurs collectivités locales, avec dans certains cas, le concours de la Fondation du Patrimoine.
Quand le patrimoine d’EDF fait partie du paysage
Autre exemple du rôle que peut jouer le patrimoine dans des projets de développement locaux, ceux menés par EDF. L’entreprise possède un important patrimoine architectural, par exemple ses barrages hydroélectriques, qui font partie du paysage français depuis une soixantaine d’années. Au-delà de la valeur esthétique de certains d’entre eux, « on est sur le champ du sensible », rappelle Jean-François Escapil-Inchauspe, évoquant le cas de villages engloutis lors de la réalisation de barrages. C’est ainsi que, depuis trois ans, en Dordogne, EDF s’est attelée à la constitution d’une archive orale de témoignages de ceux qui ont vécu cet événement. Par ailleurs, suite à une longue période d’automatisation et de diminution du personnel présent dans les bâtiments de l’entreprise, « depuis une dizaine d’années, on s’est demandé comment se reterritorialiser et affirmer la présence d’EDF dans des vallées où nous sommes souvent les seuls industriels », poursuit le responsable. Parmi les mesures prises par l’entreprise figure, entre autres, une démarche patrimoniale. Il s’agit d’une « politique ambitieuse de tourisme industriel, en aménageant les espaces les plus emblématiques, lorsque c’est possible pour des raisons de sécurité. Nous avons réalisé des belvédères et des aménagements pour permettre la circulation des visiteurs dans les usines, sur les sites », décrit Jean-François Escapil-Inchauspe. Et, précise-t-il, « ce sont bien des projets de territoires. Nous ne les menons pas seuls. On se rapproche des associations et des acteurs du territoire pour s’intégrer dans une stratégie de développement touristique, de valorisation du territoire ». Aujourd’hui, avec 400 000 visiteurs par an sur ses sites, EDF revendique la place de troisième entreprise de France en nombre de visiteurs accueillis. « C’est le fruit de cette ambition de valoriser le patrimoine industriel », commente Jean-François Escapil-Inchauspe. Une politique menée depuis plusieurs années, en partenariat avec l’Association des Villes et Pays d’art et d’histoire.
Anne DAUBREE