Les discriminations au travail ne diminuent toujours pas

Depuis une quinzaine d’années, un arsenal juridique, porté par la Halde puis par le Défenseur des droits, a vu le jour afin de lutter contre les discriminations au travail. Si ces actions ont permis d’améliorer la jurisprudence, il faut pourtant bien constater que les résultats ne sont toujours pas au rendez-vous.

En matière d’intégration sociale, le fait d’avoir un travail est un point important. Cependant, l’accès au travail reste fortement marqué par les discriminations ; ce phénomène s’est aggravé en temps de crise économique. Le Défenseur des droits – institution indépendante chargée de défendre et de promouvoir les droits des citoyens – a réalisé plusieurs études sur les discriminations à l’embauche. Son constat est inquiétant : les discriminations liées à l’origine se produisent « souvent », voire « très souvent ». Selon le 10e baromètre sur la perception des discriminations à l’emploi réalisé avec l’Organisation internationale du travail (OIT), plus d’un tiers des actifs interrogés mentionnent des discriminations liées au sexe, à l’âge, à la grossesse ou la maternité, à l’origine, aux convictions religieuses, à la santé ou au handicap, subies au cours des cinq dernières années… lors de la recherche d’emploi (18,5 %) ou plus encore au cours de la carrière professionnelle (29 %).
Les trois motifs de discriminations liées à l’origine sont l’apparence physique, la religion et le patronyme. Parmi les réclamations adressées au Défenseur des droits quant à l’emploi, l’origine reste le premier motif de saisine pour discrimination. Un autre facteur récurrent de discrimination à l’embauche est celui de l’aspect physique. Une enquête menée en 2014 auprès de 1 000 demandeurs d’emploi mettait en évidence l’importance de la conformité à certaines normes socialement admises exigée par les recruteurs. On y retrouve certains codes vestimentaires, facilement modifiables, mais aussi des caractéristiques physiques. Ainsi, la discrimination à l’embauche liée à l’obésité est fréquemment rapportée.

Les discriminations au cours de la carrière

Autre constat, comme à l’embauche, les inégalités de traitement au cours de la carrière affectent majoritairement les femmes (avec un taux global de 41 %, contre 28 % pour les hommes, selon le baromètre). Cette proportion monte à plus de 50 % lorsqu’elles ont moins de 35 ans et sont mères de jeunes enfants. Parmi les réclamations traitées par le Défenseur des droits – dont plus de la moitié en matière d’emploi, en 2016 – le cas le plus répandu consiste à ne pas reprendre à un poste similaire à celui qu’elle occupait auparavant une femme qui a bénéficié d’un congé maternité ou parental. Les peines encourues par l’entreprise sont pourtant plus nombreuses et plus lourdes.

Les autres motifs de discrimination les plus fréquemment rencontrés dans l’emploi sont l’état de santé et le handicap. Le rapport annuel d’activité 2016 du Défenseur des droits explique ainsi que « l’absence d’aménagement du poste de travailleur handicapé, qui s’applique également au handicap psychique, constitue une discrimination qui affecte la carrière de nombreux salariés ou agents publics ». De plus, il est fréquent que la personne en situation de handicap soit aussi victime de harcèlement moral. Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, rappelle que des cas similaires se rencontrent également dans la fonction publique.

Une législation qui évolue

La loi définit une discrimination comme une inégalité de traitement fondée sur un critère interdit par la loi (sexe, âge, etc.), et dans un domaine visé par la loi (emploi, accès à un service, etc.). Le nombre de critères prohibés ne cesse d’augmenter. Si l’Union européenne ne retient que huit critères de discrimination, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) en retenait déjà dix-huit lors de sa création en 2004, et son successeur, le Défenseur des droits, en retient actuellement vingt-deux. En rajoutant des critères prohibés, l’institution tient à s’adapter aux situations particulières. On assiste donc à un renforcement juridique permanent en matière de lutte contre les discriminations. D’ailleurs, depuis sa création en 2011, le Défenseur des droits a reçu un nombre croissant de réclamations d’année en année (5 200 saisines en 2016, contre 3 130 en 2012). Cependant, les voies de recours sont encore trop peu mobilisées. Une très faible fraction des victimes de discrimination engage une action. En cas de discrimination à l’accès à l’emploi, le taux de non-recours atteint 93 %.

Face à la gravité et à l’ampleur de ce phénomène, une forte mobilisation des pouvoirs publics s’avère donc nécessaire, notamment pour promouvoir les droits. Selon Jacques Toubon, « la faiblesse des politiques publiques de lutte contre les discriminations […] n’est pas étrangère à la méconnaissance des réalités et à l’ignorance des procédures ».

Dans son programme présidentiel, Emmanuel Macron s’est, en tout cas, engagé à renforcer la lutte contre les discriminations, notamment à l’accès à l’emploi et au logement. Les contrôles inopinés devraient être développés et les partenaires sociaux seraient aussi mobilisés.

Raphaël AUDEMA et B. L.

 

Les Français au travail. De septembre à décembre 2016, la CFDT a mené une enquête appelée Parlons travail auprès de 200 000 travailleurs, sur leur rapport au travail par rapport à son contenu, son organisation, mais aussi ses évolutions et son accord avec la vie personnelle. Les 20,4 millions de données ainsi collectées ont été analysées et les résultats ont été publiés le 16 mars dernier. Parmi les grands enseignements de l’enquête, on note que si 77 % des sondés affirment aimer leur travail, 74 % souhaitent plus d’autonomie que d’encadrement et 73 % voudraient participer davantage aux décisions importantes de l’entreprise. En dépit de cet enthousiasme, un répondant sur deux juge sa charge de travail excessive. Et la CFDT constate que 13 % des femmes ont subi du harcèlement sexuel au travail, et que 21 % disent qu’elles ont déjà été traitées de façon hostile en raison de leur sexe. Parmi les autres discriminations observées, 15 % des répondants ont été traités avec hostilité à cause de leur âge, 10 % du fait de leur apparence physique et 4 % en raison de leur origine.

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