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« Les présidents et la guerre », par Pierre Servent, grande fresque mêlant politique et armée

Même dans la “ génération Bataclan ”, le patriotisme est de retour depuis les attentats. Reste à revisiter la stratégie. Commentateur inspiré du défilé du 14 juillet, Pierre Servent, labellisé École de guerre, offre au nouveau président un portrait tiré au cordeau des sept hommes qui, depuis 1958, ont enfilé la tenue de chef des armées. Décryptage.

Le Général : l’Algérie, la force de dissuasion et les « cons »

Au commencement était le Général. « Il n’a pas été sacré à Reims, mais à Londres », avec l’appel du 18 juin, « sa folle bouteille à la mer radiophonique ». Sa relation avec l’armée sera marquée par l’affaire d’Algérie et la dissuasion nucléaire. En mai 1958, surfant sur le climat insurrectionnel installé par les tenants de l’Algérie française, son retour sent le soufre, mais la pétaudière est telle que les Français applaudissent. Derrière le célèbre « Je vous ai compris » se cache le visionnaire convaincu que le temps de la colonisation appartient au passé. La paix, pour le Général, c’est la France dotée du feu nucléaire, mais libérée de ses colonies.

Le statu quo n’est plus tenable. La France, ce n’est pas la nostalgie. Une partie de l’armée ne digérera pas, ce sera le putsch de 1961. Les conscrits le feront échouer sur ordre – via les transistors ! – du Général, qui conclut : « Les généraux, au fond, me détestent. Je le leur rends bien. Tous des cons ». Il va alors donner aux locataires de l’Élysée la dimension nucléaire de la « force de frappe ». L’élection au suffrage universel de 1962 est faite pour donner au président « la capacité d’appuyer sur le bouton ». Résultat : le corps militaire sera reformaté et « nucléarisé ». Le Général ? Comme disait Churchill dans son impayable français, rien ne pouvait l’« obstacler ».

Les suivants ont enfilé le treillis, tous finalement avec délectation

Georges Pompidou (1969-1974), plutôt classé intellectuel dilettante, se révélera, à l’Élysée, capitaine d’industrie et sera fidèle à l’héritage en développant les trois composantes nucléaires : les sous-marins, les Mirage IV et les missiles du plateau d’Albion.

Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981) trouve la France trop crispée et croit pouvoir la transformer avec le sourire. L’armée est coupée en deux : celle du théâtre européen, celle des troupes d’outre-mer. Dans le Canard Enchaîné, les poncifs anti-militaristes sont illustrés par l’« adjudant Kronenbourg ». Le général Bigeard réclame qu’on mette un terme à « ce bordel ». Convoqué à l’Élysée pour se faire virer, ce centurion assumé en ressort secrétaire d’État. Il obtiendra des moyens pour améliorer la situation. Giscard assume sans complexe la fonction de gendarme du Tchad, de la Mauritanie et du Zaïre. Les Jaguar sont envoyés sur zone. C’est la limite de la diplomatie du sourire. Et quand la Légion saute sur Kolwezi, c’est le triomphe de « Giscard l’Africain ».

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François Mitterrand (1981-1995), « prince de l’équivoque », prétend avoir choisi d’être troupier pour être plus près du peuple, alors qu’il a raté la préparation militaire. Après la captivité et un passage à Vichy, il parvient à être classé en 1943 « vichysto-résistant ». Parvenu à l’Élysée, il a la guerre en horreur, mais il adore toutes les icônes gaulliennes qu’il avait foulées aux pieds. Il s’affichera sans complexe comme un monarque nucléaire et, entrant dans la coalition de la guerre du Golfe, il détiendra le record absolu des engagements extérieurs.

Jacques Chirac (1995-2007), c’est l’éternel sous-lieutenant d’Algérie. Il sera le fana mili qui, le 14 juillet 1996, annonce la professionnalisation de l’armée, la suppression du service militaire, ce « rite de passage pour les jeunes mâles ». La fin de la guerre froide justifiait cette décision qui anticipait le développement des OPEX, les opérations extérieures, mais s’est révélé une faute vis-à-vis du brassage social et de la nécessité de forger des citoyens.

Nicolas Sarkozy (2007-2012) a fait un service militaire dans les bureaux, où il a manié la serpillière et le seau plus que le fusil d’assaut. Il déteste le cérémonial, jusqu’à un jour passer en revue la Légion en jeans. Les képis blancs ne s’en sont pas remis. Il passe la Défense au rabot financier, fait une croix sur le second porte-avions. Son côté hyperactif l’attire vers les Ops, même s’il préférera toujours la police à la gendarmerie. Pourtant, il renforcera la présence française en Afghanistan et contribuera à la chute de Kadhafi.

François Hollande (2012-2017) est, aux yeux de Poutine, un « capitaine de pédalo » mal fagoté quand l’ex-colonel du KGB paraît toujours sanglé pour le combat. Mais, plus résolu à l’extérieur qu’à l’intérieur, « Flamby » cassera l’offensive djihadiste au Mali avec l’opération Serval. Malgré son goût très « synthèse du PS » de laisser vivre les conflits (les catholiques à l’état-major, les francs-maçons au cabinet du ministre), il a compris qu’un conseil de défense n’est pas une réunion comme les autres : il y a derrière des gens qui risquent leur peau.

Contre-emplois ou « pragmatisme à principes » ?

Rappelé pour faire la guerre en Algérie, le Général y a fait la paix aux forceps, Mitterrand le pacifique est entré en guerre dans le Golfe, Chirac le sabreur a supprimé le service militaire. Souvent à contre-emploi, nos chefs des armées ont finalement incarné l’une des meilleures définitions du gaullisme : « un pragmatisme à principes ».

Par Annelise FONDARY et Roland PASCAL (ExStrAPoL, experts/stratégies d’entreprises, affaires publiques, lobbying) pour RésoHebdoEco

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« Les présidents et la guerre », par Pierre Servent
Editions Perrin.

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