L’esthétique urbaine de l’Ecole photographique de New York au Pavillon Populaire
Le directeur artistique du Pavillon Populaire, Gilles Mora, et Howard Greenberg, galeriste à New York, ont rassemblé 2 générations de photographes de rue connus sous le nom d’Ecole photographique de New York. Plus de 150 œuvres de 22 photographes reconnus forment l’exposition "The New York School Show", à voir jusqu’au 10 janvier 2021.
L’apport de la New York School
Baptisé Ecole de New York (New York School) – en référence à l’Ecole (picturale) de New York – en 1992 par la photographe Jane Livingston, à l’occasion d’une publication et d’une exposition à la Corcoran School of Arts de Washington, ce mouvement rassemble de façon informelle des photographes ayant pratiqué la photographie de rue de 1935 à 1965 aux Etats-Unis.
Le commissaire d’exposition et principal contributeur de l’expo The New York School Show à Montpellier, Howard Greenberg, directeur de la Galerie Howard-Greenberg à New York, se souvient avoir vu l’exposition initiale de Washington : « Mes yeux découvraient soudain, comme pour la première fois, ce qui était en effet un mouvement. Rien de tout ça n’avait été conçu ou prévu comme tel. Comme tout mouvement, il est né de l’enchevêtrement complexe de différents facteurs : la Photo League, les cours d’Alexey Brodovitch, l’influence de Walker Evans et Ben Shahn, l’ouverture d’esprit d’Edward Steichen, prêt à afficher de jeunes photographes sur les murs du MoMA, les magazines et la liberté de créer dans un environnement sans guerre ou oppression ».
Avec l’aide de Gilles Mora, il a ajouté à ce groupe d’autres photographes ayant des caractéristiques communes, pour arriver au nombre de vingt-deux.
Les photographes de la New York School apportèrent au genre documentaire une plus grande liberté dans la forme, rendue possible par l’invention du Leica et du film de petit format, de 35 mm, et les inventions technologiques de Kodak. Après 1945, l’apparition des films Tri-X et ASA 400 donna aux photographes la possibilité de faire des clichés de rue de jour comme de nuit, éclairés par une ampoule. Une petite révolution !
Expérimentant et repoussant les limites de la photographie, devenus des photographes de l’instantané, ces documentaristes captaient le réel : les scènes de rue, et même de plages. Ils livrèrent « une photographie véridique, expressive et personnelle, fondamentalement humaine, pratiquée par un groupe de photographes non alignés », selon Howard Greenberg. Et interrogeaient la nature humaine avec empathie et compassion, sans sentimentalisme aucun.
Deux périodes, une évolution
L’exposition distingue deux périodes, matérialisées par la couleur des murs sur lesquels sont exposés les clichés. La première période, de 1929 à 1943, présente une première génération de photographes sur un fond gris clair. Pour eux, c’est l’esthétique des corps dans la ville qui prime, plus que l’aspect documentaire en lui-même.
La seconde période, qui couvre 1944 à 1965, soit la seconde génération de ces photographes, est disposée sur des murs de couleur gris foncé. Ces photographes s’attachent à la sophistication graphique de leurs clichés ; ils sont proches de la mode, de la musique (créant parfois même des pochettes de vinyles) et de la peinture, et livrent des photographies d’ambiances.
Que voir au Pavillon Populaire ?
On se régale à contempler les clichés des 22 photographes, qui portent souvent des noms prestigieux. On admire les superbes portraits en noir et blanc de personnages chics ou très typiques par Lisette Model, qui fut la professeur de photo de Diane Arbus, artiste attachée aux physiques particuliers, aux marginaux, aux personnes différentes, qui sortent de la norme…. D’Arbus, l’exposition montre un seul petit cliché. On aurait tant rêvé voir sa célèbre photo des jumelles !
Mais on se console en admirant les jumelles photographiées par Louis Faurer en 1948. Avec leurs lunettes typiques de l’époque et leurs tenues identiques, ce sont des personnages bien singuliers. Tout comme le cliché Eddie, à la « trogne » particulière, du même Faurer. Parmi les 3 photographies de Robert Frank montrées dans l’exposition, son landau rempli de plantes interroge. La scène, incongrue, est saisie sur le vif. Et c’est bien l’une des caractéristique de l’Ecole de New York que de capter des instantanés de vie, au cœur des rues.
Les clichés de Dave Heath sur la solitude des villes, et notamment celui montrant une personne au sol sous une couverture, émeuvent. On apprécie particulièrement le sens inattendu du cadrage de Saul Leiter, le point de vue surprenant d’où il se place pour prendre ses photos. Notamment pour les œuvres Taxi (1957), Parapluie rouge (1955) ou Canopy (1958), qui dégagent elles aussi un sentiment de solitude.
Idem pour David Vestal, dont le point de vue en plongée ou plongée verticale notamment, interpelle. Une série photographique de Bruce Davidson porte sur le Brooklyn Gang, avec son lot de mauvais garçons. L’un des clichés montre des amoureux s’embrassant à l’arrière d’une voiture. La thématique du baiser amoureux est reprise par divers photographes, témoignant de la libération progressive des mœurs. On pense notamment au baiser à Times Square, signé Dan Weiner, ou aux amoureux des plages de Coney Island par Sid Grossman.
De cette époque de la street photography, que l’on ne peut s’empêcher d’envisager avec mélancolie, ne subsistent plus que Bruce Davidson et William Klein (qui mêla photos de mode et photos de rue). On remercie le Pavillon Populaire de nous avoir plongés de si belle manière dans cette période.
Virginie MOREAU
vmoreau.hje@gmail.com
Pavillon Populaire, Esplanade Charles-de-Gaulle, Montpellier – Tél. : 04 67 66 13 46.
> L’exposition The New York School Show est visible gratuitement jusqu’au 10 janvier 2021, du mardi au dimanche de 10h à 13h et de 14h à 18h.
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