Santé — Lunel

Lunel : la Maison des Possibles, un lieu d'accueil et d'accompagnement autour de l'autisme

A Lunel, 55 bénévoles animent la Maison des Possibles, qui, depuis 2018, ouvre ses portes aux personnes atteintes de troubles du spectre de l'autisme et à leur famille. Rencontre avec Rachel Couillet, à quelques semaines du 2 avril, journée mondiale de la sensibilisation à l'autisme…

Photo : Sonia Melan, Christophe Dugast et Rachel Couillet © Virginie Moreau.

Selon l’OMS, “l’autisme est un trouble envahissant du développement (TED), caractérisé par un développement anormal ou déficient, manifesté avant l’âge de trois ans, avec une perturbation caractéristique du fonctionnement dans chacun des trois domaines suivants : interactions sociales réciproques, communication, comportements au caractère restreint et répétitif”. L’autisme est reconnu comme un handicap depuis 1996. Ce trouble neuro-développemental a de nombreuses déclinaisons, souvent difficiles à vivre. Rachel Couillet indique en préambule : “il n’y a pas de mode d’emploi dédié au handicap autistique, car ses formes sont très variables”.

Face au manque de structures dédiées à l’autisme, des familles déménagent d’Ile-de-France, des Vosges, de Bretagne ou de l’Aude pour Lunel, afin que leur enfant puisse être accompagné à la Maison des Possibles. C’est dire l’importance de ce lieu ressource né dans l’idée de Rachel Couillet et d’un groupe de personnes concernées par l’autisme, handicap parfois visible et parfois invisible.

Des familles désemparées

Son fils et elle souffrent de troubles du spectre de l’autisme. Il y a quelques années, alors que son fils était déscolarisé et présentait des troubles du comportement, son autisme a été diagnostiqué. La jeune maman a alors dû se battre et mener de nombreuses démarches pour trouver des solutions pour son enfant. Elle a rencontré de nombreuses familles désemparées, dans la même situation. Elle-même en burn-out, Rachel Couillet a fini par être diagnostiquée également. Pour vaincre son isolement, elle participait à des cafés rencontres pour adultes autistes. Mais cela lui a vite semblé insuffisant.

Renseignements et accompagnement

Elle a donc décidé de créer un lieu où les personnes ayant des troubles du spectre de l’autisme, des troubles du neurodéveloppement ou en recherche de diagnostic et/ou leur famille peuvent trouver des renseignements, un accompagnement, suivre des ateliers… ou être orientées vers le type de bilan spécifique nécessaire pour diagnostiquer l’autisme.

Les “bénéficiaires” y sont reçus à partir de 3 ans (le diagnostic étant de plus en plus précoce, ce qui accroît les chances pour l’avenir), mais l’on croise aussi des enfants, des adolescents, des adultes et des seniors dans les salles et le jardin. Car le soutien peut être nécessaire à chaque âge de la vie. “Chacun peut être accompagné. Certains adultes apprennent à lire et écrire pour gagner en autonomie, lire les courriers administratifs, poursuivre leur vie à domicile…” Et surtout, un système de pairs aidants a été développé, ce qui signifie que les personnes qui fréquentent ce lieu s’entraident en fonction de leurs possibilités. Certains ados accompagnés, qui ont développé des compétences sur place, se professionnalisent et se forment à l’accompagnement de personnes plus handicapées qu’eux. Ils deviennent éducateurs ou animateurs…

“Nous sommes contactés par des crèches, des services de protection maternelle et infantile qui ont détecté de premiers signes du handicap, nous orientons les familles vers un médecin, un neuropsychiatre, des associations. Et beaucoup plus de familles d’enfants de 0 à 5 ans qu’auparavant viennent vers nous pour nous demander des coordonnées de professionnels. Rares sont les personnes qui connaissent l’existence de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), par exemple. Nous les en informons, car le manque d’informations ajoute des freins à l’accès aux études, aux prises en charge spécifiques”.

Briser l’isolement, développer l’autonomie

“Nous proposons du répit aux familles, de l’accueil de personnes, de la formation pour les aidants. Pendant que les parents-aidants se forment, leurs enfants vont en atelier occupationnel ou éducatif avec des professionnels. Les parents reçoivent s’ils le souhaitent des formations de guidance parentale avec un psychologue. Le fait que les enfants suivent des ateliers en journée peut permettre aux parents aidants de libérer du temps pour retrouver un emploi qu’ils ont souvent dû quitter pour s’occuper de leur enfant. La Maison des Possibles permet des moments de partage entre les familles. C’est crucial car l’autisme crée un isolement très important. Je constate que nous recevons beaucoup de mamans solos, parfois elles-mêmes en situation de handicap”, analyse Rachel Couillet, qui ajoute : “Nous aidons les familles à formuler leur projet de vie et à le mettre en place”.

Elle détaille : “Il faut savoir que certaines personnes autistes peinent à se rendre dans les lieux de droit commun, parce que le volume sonore ou la luminosité les perturbent. Je trouve très bien les initiatives de certains centres commerciaux de tamiser les lumières et d’apaiser l’environnement sonore. Mais nous avons fait le choix de nous adapter. D’ailleurs, maintenant, nous pouvons porter des casques antibruit dans la rue sans que l’on remarque que nous sommes en situation de handicap, puisque désormais tout le monde porte des casques audio en ville ! “

Rachel Couillet complète : “Pour briser l’isolement, nous avons instauré des mises en situation, notamment pour les déplacements. Nous habituons les personnes à se déplacer en toute sécurité dans la rue, d’abord accompagnées, puis en autonomie. Pour cela, nous nous appuyons sur la médiation animale, avec l’aide de notre chienne. Nous effectuons des entraînements à l’autonomie. Nous accompagnons les personnes autant de fois que nécessaire avant qu’elles finissent par être capables d’aller acheter leur pain seules. Le fait que la Maison des Possibles soit située en milieu ordinaire, en centre-ville de Lunel, et pas au fond d’une forêt à 30 kilomètres d’une ville, rend ces petits déplacements sécurisés possibles. Les commerçants de Lunel nous ont identifiés et se montrent très bienveillants et compréhensifs envers nous. Nous faisons aussi de l’accompagnement sur les habilités sociales, de l’accompagnement à l’emploi…”

Faciliter l’accès aux soins et aux droits

Certaines personnes atteintes de troubles du spectre de l’autisme présentent des particularités de communication et sensorielles qui les éloignent du parcours de soins, les professionnels de santé et les administrations n’étant pas forcément formés à l’accueil et la prise en charge d’autistes. Résultat, “beaucoup de personnes arrivent à la Maison des Possibles sans droits ouverts ni médecin référent. Nous leur facilitons l’accès, nous les accompagnons les premières fois qu’elles doivent se rendre dans ce genre d’endroit. Evidemment, nous choisissons toujours le lieu le plus proche, pour éviter l’anxiété du déplacement. Par exemple, une maman autiste est arrivée ici sans avoir eu accès aux soins ni à un médecin depuis cinq ans. Nous l’avons accompagnée trois fois chez le médecin, puis chez l’ophtalmo et l’opticien. Désormais, elle sait s’y rendre seule sans danger ni crainte”, illustre Rachel Couillet.

Un accompagnement administratif est également proposé, notamment pour remplir le dossier de MDPH. Face à la problématique du manque de places et des listes d’attentes en établissements spécialisés, la Maison des Possibles, qui se voit comme “un tremplin”, offre des solutions en attendant, pour que les personnes continuent à progresser. L’accompagnement éducatif et thérapeutique est adapté. “Nous travaillons avec un réseau de professionnels formés à l’autisme, dans le secteur médical, paramédical, thérapeutique, avec une équipe pluridisciplinaire opérationnelle dans l’Hérault et le Gard implantée autour au plus près des personnes. Il est important qu’il n’y ait pas de rupture dans le parcours”, détaille-t-elle.

La Maison des Possibles accompagne 120 adhérents lunellois, héraultais et gardois de manière hebdomadaire et d’autres vivant plus loin durant les vacances, de manière ponctuelle.

Améliorer le diagnostic

Bien que de nombreuses avancées aient été effectuées ces dernières années en termes de diagnostic dès la petite enfance des troubles du spectre de l’autisme, Rachel Couillet révèle qu’il y a un taux important de diagnostics tardifs chez les femmes adultes autistes car “les diagnostics se basent sur les échelles de garçons”.

Des périodes charnières difficiles

Rachel Couillet identifie des moments particulièrement difficiles dans la vie des personnes atteintes de troubles du spectre de l’autisme : “la transition entre l’enfance et l’âge adulte, celle après 60 ans, celle du passage en établissement occupationnel, l’entrée en emploi accompagné, le début du vieillissement… Il y a beaucoup de manques lors de ces temps de transition”. Le vieillissement des familles aidantes est également souvent problématique.

Des subventions et l’espoir

En 2022, la Maison des Possibles de Lunel a bénéficié d’une subvention de 15 000 euros liée à un appel à projets de la CPAM dans le champ de l’accès aux droits et aux soins des personnes en situation de handicap ; d’une subvention de 15 000 euros de la DREETS Occitanie dans le cadre du plan régional d’insertion des travailleurs handicapés ; d’une aide au fonctionnement de 8000 euros de la part du Conseil général de l’Hérault, et d’une subvention de 2 000 euros de la part de la Ville de Lunel. Rachel Couillet commente : “Gérer la partie budgétaire n’est pas simple. Il n’est pas facile d’être à l’affût des appels à projets thématiques, spécifiques. Nous avançons dans ce domaine avec l’association PAARI (Personnes Autistes pour une Autodétermination Responsable et Innovante), dont je suis coprésidente”.

Pour l’avenir, l’ambition est de créer quelques postes salariés et de démontrer que la Maison des Possibles est un dispositif innovant et reproductible ailleurs. “C’est notre axe pour 2023. Nous sommes aidés pour cela par l’asso PAARI”, conclut Rachel Couillet.

Autre espoir, que les personnes autistes qui le souhaitent puissent vivre dans des habitats inclusifs et adaptés, en pleine ville – la Maison des Possibles a d’ailleurs des partenariats avec des SCI lunelloises, qui lui indiquent quand des logements sont vacants. Rachel Couillet formule également le vœu que le public soit davantage sensibilisé et le personnel médico-social de plus en plus formé aux spécificités de l’autisme.

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