Expositions — Montpellier

Montpellier, expo : la peinture figurative n'a rien d'éphémère au 10 place de la Comédie

La galeriste Clémence Boisanté revient à Montpellier avec une exposition éphémère consacrée à la peinture figurative actuelle, en écho à l'expo événement "Immortelle" qui se tient au MO.CO. Onze peintres et une céramiste y ont été conviés…

Longtemps galeriste à Montpellier, puis passée à la direction artistique du Réservoir et de la Serre, Clémence Boisanté affiche sa volonté de créer désormais trois expositions par an. La première, intitulée Ephémère et qui se tient sur la place de la Comédie, reflète son goût pour la peinture figurative pratiquée par des peintres nés entre 1970 et 1986. Cette génération s’est dirigée vers la peinture à une période où l’on proclamait la mort de la peinture, a fortiori figurative, au profit de la vidéo ou de l’art conceptuel.

Le paysage en majesté

On relève plusieurs affinités entre les artistes au fur et à mesure que l’on découvre les œuvres présentées. D’abord la représentation du paysage. Premier coup de cœur de l’exposition, les tableaux de Benjamin Defossez, réalisés à l’acrylique et recouverts de nombreuses couches de vernis, où la galeriste relève “un fort questionnement de la matière”. Des œuvres oniriques où les personnages, quasi fantomatiques, font des apparitions au milieu de paysages naturels. On voit ici une personne en lévitation au bord d’un lac, là un étrange rituel initiatique dans un étang, ou une silhouette en robe blanche évoluant dans la végétation, suivie par une forme confuse. Le mystère est de rigueur et la fascination opère. C’est également le cas dans les paysages de Karine Hoffman, à la dominante jaune, où des objets instillent par leur seule présence décalée un sentiment d’étrangeté et suscitent la réflexion. Ces espaces vides et isolés témoignent d’un regard particulier sur le monde.

abel pradalie
abel pradalie

Autres paysages, ceux d’Abel Pradalié, odes à la nature, à la végétation, aux collines et aux grands espaces, où parfois un humain vient puiser son énergie. Une peinture vibrante, par touches franches, où la peinture est utilisée comme une matière sculptée. Abel Pradalié signe également un beau diptyque revisitant le mythique Déjeuner sur l’herbe de Manet. La matière y est plus léchée, plus lisse, domptée, mais renaît, plus sauvage, dans les arbres. Pour sa part, Fabien Boitard signe un grand coucher de soleil proche de l’abstraction, et retranscrit la délicatesse des fleurs d’amandier, tandis qu’Olivier Masmonteil barre ses paysages de traits de couleur venant délimiter des zones, cloisonnant les espaces, introduisant ainsi des éléments disruptifs pour le regard. Des fleurs, des oiseaux, parsèment les tableaux d’Hervé Ic, “à l’ambiance relativement japonisante dans le traitement du végétal”, analyse Clémence Boisanté. Le peintre travaille aussi sur les lumières artificielles, qui scandent l’une des toiles, lui insufflant une vie nouvelle.

Par Olivier Masmonteil © Virginie Moreau
Par Olivier Masmonteil © Virginie Moreau

L’humain au centre

D’autres tableaux font la part belle à l’humain. Les Amérindiens hiératiques, représentés à cheval dans des forêts enneigées par Yves Gobart, opèrent une transition entre l’omniprésence des paysages et l’arrivée de la figure humaine que l’on retrouve chez Dorothée Clauss. Ses portraits de ses contemporains “à la figuration douce et délicate” présentent une touche académique et une belle technicité. Une scène poignante attire plus particulièrement le regard : une femme, portant un bracelet de maternité, semble pleurer son enfant, prostrée dans le petit lit de l’absent. L’artiste s’empare aussi de l’étrangeté en représentant une femme le dos plaqué sur un bureau.

Par Dorothée Clauss © Virginie Moreau.
Par Dorothée Clauss © Virginie Moreau.

Fabien Boitard se joue des codes et de l’histoire de l’art en revisitant La jeune fille à la perle de Vermeer. Il s’agit cette fois d’une jeune fille sans la perle, l’artiste ayant découpé dans le tableau la zone où devrait figurer le bijou.

Thibault Franc présente plusieurs de ses dessins, sortes de prises de notes reflétant son attrait pour l’histoire de l’art, un message écologique et des clins d’œil politiques. “Ce sont en quelque sorte des cadavres exquis posés sur le papier, l’artiste procédant par associations d’idées”, commente la galeriste. Tandis que Grégory Fostner livre des caricatures acides de l’humain, au visage animal. Ses bouledogues et beagles, habillés, reflètent un point de vue désabusé sur l’animal social qu’est l’Homme.

Par Grégory Fostner © Virginie Moreau
Par Grégory Fostner © Virginie Moreau

A l’étage, les dessins de Mohamed Lekleti illustrent le caractère de plus en plus engagé de l’artiste. “Je trouve important de présenter à Montpellier cet artiste montpelliérain de qualité, trop peu vu ici mais qui expose beaucoup en France et à l’étranger” souligne la galeriste.

On peut aussi voir des sérigraphies réalisées par la maison d’édition Anagraphis : Erro, Segui… des artistes plusieurs fois exposés par la galeriste.

L’intime en céramique

Sortie de la Villa Arson en juin 2022, la jeune céramiste Léonore Chastagner présente son univers à part à l’étage de la galerie. Ses pièces relèvent de l’intimité : ses tee-shirts soigneusement pliés et petits intérieurs minimalistes reflètent ce vers quoi elle tend : l’ordre. Sa pratique du modelage, sorte de méditation du geste, met en valeur le quotidien dans sa belle simplicité. Ses mains ou jambes en grès ou faïence concentrent le regard sur le geste, figent le mouvement.

Par Léonore Chastagner © Virginie Moreau
Par Léonore Chastagner © Virginie Moreau

Et après ?

Si cette exposition porte le nom d’Ephémère, elle démontre que les peintres figuratifs savent marquer le temps de leur empreinte sensible. Ils transmettent des messages, témoignages et ressentis précieux à l’ère numérique.

Par la suite, en dehors des trois expositions annuelles prévues, Clémence Boisanté a pour projet de rassembler des amateurs d’art et des artistes “autour de moments plus intimistes – rencontres, dîners – pour approcher au plus près les créateurs et partager avec eux un moment privilégié”. Des moments qui, à n’en pas douter, seront appréciés par les collectionneurs…

Informations pratiques

L’exposition Ephémère est à voir du mardi au samedi, de 11h à 13h et de 14h30 à 19h, jusqu’au 6 mai 2023 inclus, au 10, place de la Comédie, à Montpellier.

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