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Montpellier : un garage condamné devient une galerie éphémère

Les 11 et 12 mars derniers, une dizaine d’artistes ont participé à une exposition de street-art éphémère dans un garage voué à la destruction.

Au numéro 29 de l’avenue Georges Clemenceau, à Montpellier, un garage automobile voué à la destruction, a été prêté le temps d’une soirée par le Groupe Tandem. L’organisation souhaitait “faire vivre les lieux avant leur transformation”, et a accueilli les œuvres d’une dizaine d’artistes de street-art.

Un art durable sur une scène éphémère 

L’organisateur, Tom Schneider, est avocat de profession et passionné de street-art. Si ces deux activités semblent à première vue éloignées, un lien les unie : “En tant qu’avocat spécialisé dans le droit de l’urbanisme, je suis en contact avec des promoteurs, des architectes, précise Tom Schneider. J’ai le réseau qui me permet de trouver des lieux comme celui-ci car les expositions que j’organise se déroulent toujours dans des lieux qui vont être détruits. Une idée qui s’inscrit dans les codes du street-art. Pour cette exposition, il s’agit d’un ancien garage automobile, parfois il peut s’agir de maisons de particuliers, comme ça va être le cas prochainement pour une exposition située à Carnon…”

©️ Manon Pichon, œuvre de ©️Little Lewis
©️ Manon Pichon, œuvre de ©️Little Lewis

Un genre accessible

Pour l’organisateur, proposer une exposition gratuite et libre, à travers son agence artistique Hypernovart, contribue aussi à rapprocher le public et le street-art : “Le street-art est accessible, contrairement à la peinture qui peut parfois être un art un peu abscond. A Montpellier, une belle place est accordée au street-art, un art qui est en train de s’ouvrir de plus en plus”. Sur place, des artistes locaux étaient justement présents pour exposer leurs œuvres.

Parmi eux, Arkane, artiste montpelliérain de renom. Pour lui, l’accessibilité de cet art est une évidence : “Une œuvre de street-art est présentée aux yeux de tous, de manière universelle, quelle que soit la catégorie sociale de la personne qui la voit”. Accéder à cet art est pourtant bien différent du côté des artistes. “Le graff, c’est un univers fascinant que j’ai découvert dans des magazines quand j’avais 10 ou 12 ans. Je peignais et je dessinais déjà bien, mais j’ai mis plus de 10 ans avant de savoir tenir une bombe, ajoute l’artiste. C’est une exécution très différente. Le street-art demande beaucoup de persévérance”.

©️ Manon Pichon, œuvre de ©️ Pomme de boue
©️ Manon Pichon, œuvre de ©️ Pomme de boue

Pour autant, ces difficultés n’ont jamais été des freins pour les artistes présents. Surtout pas pour le duo ukrainien Pomme de boue : “Il y a quatre ans, on ne connaissait rien à la mosaïque, alors nous avons débuté avec de petits formats. Rapidement, nous avons augmenté les dimensions de nos œuvres et, pour des raisons de place, nous avons commencé à les coller en ville. C’est comme ça que nous avons gagné en popularité. Pour nous, la difficulté ce n’est pas se lancer mais de parvenir à s’arrêter !”. 

Un avis sur les débuts que partage Fikas, street-artiste originaire d’Aniane. “Se tromper parce qu’on peint sur les murs ce n’est pas une crainte, confirme-t-elle. Au contraire, je trouve qu’en peignant sur les murs on est très libre, qu’on se sent moins jugé que sur toile”.

Street-art versus art mural

Chacun a son propre avis sur cet art bien particulier. Ces considérations, bien qu’individuelles, sont cependant marquées par les différentes époques. Pour CSSJPG, artiste maniant le collage et les constructions artistiques, “le street-art est un geste créatif qu’on peut partager”. Il ajoute : “Il y a 11 ans, on se questionnait sur le sens de ce travail mais aujourd’hui l’interdisciplinarité est reconnue, et l’expertise des artistes plus établie. Je travaille avec beaucoup d’acteurs différents qui viennent me voir et j’ai parfois beaucoup plus un rôle d’animateur. Il faut garder à l’esprit que la peinture murale existe depuis toujours. Les trompe l’œil, et même les gargouilles étaient des formes de street-art en soit !”.

Malgré les évolutions sociétales, les divergences d’opinion persistent, et font apparaître deux niveaux de reconnaissance de la part du public. “On a ouvert une culture qui était considérée initialement comme du vandalisme, souligne Arkane. C’est pour ça qu’aujourd’hui il y a un vrai conflit interne dans le street-art, entre les graffeurs et les street-artistes. Les graffeurs demeurent pour beaucoup de personnes des vandales tandis que les street-artistes, eux, accèdent parfois à un statut de star, je pense par exemple à Banksy. C’est paradoxal parce que les graffeurs sont beaucoup dans le lettrage et écrivent leur nom très visiblement pour qu’on les reconnaisse !”.

©️ Manon Pichon, œuvre de ©️ Fikas
©️ Manon Pichon, œuvre de ©️ Fikas

Une division que Fikas confirme : “Oui, le street-art, au début, c’était du vandalisme, du graffiti, le mouvement était porté sur la revendication. Des artistes plus conventionnels se sont ensuite joints au mouvement et le street-art s’est mué en une forme d’art contemporain. Aujourd’hui, on peut voir des fresques gigantesques de street-art en ville. Mais il faut comprendre que le street-art est avant tout une culture, à laquelle beaucoup d’artistes n’adhèrent pas forcément. C’est pour ça qu’à mon sens, il y a une vraie distinction à opérer entre le street-art, qui correspond à une culture globale, et l’art mural, qui désigne plutôt l’art pictural en dépit d’une adhésion à la culture du street-art”.

Un art politique ?

Le fait que street-art ne soit pas nécessairement la représentation d’un symbole ou d’un message politique, en revanche, fait consensus. “On essaie avant tout de faire quelque chose de beau, pourquoi pas de provoquant, mais une création reste un objet qu’on doit vendre et qui doit plaire”, indique Pomme de boue en évoquant son travail. Même son de cloche pour Arkane : “Pour moi, il s’agit d’une recherche esthétique et poétique, de montrer des choses qui émeuvent, même s’il reste vrai que le domaine peut être politisé”.

La subtilité, d’après CSSJPG, c’est effectivement de considérer que le street-art est politique au sens étymologique du terme : “Au sens grec des affaires de la cité, le street-art est un art politique car manifeste d’une expression créative sur la place publique. De toute façon, une proposition artistique est une revendication”.

Informations pratiques

Informations sur les prochaines expositions de Tom Schneider : www.hypernovart.com

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