PEZENAS - Cliographie, une performance artistique originale
« Kikou Yamata, une vie au fil de l’encre »: conférence historique calligraphique et musicale proposée…
« Kikou Yamata, une vie au fil de l’encre »: conférence historique calligraphique et musicale proposée par la Ville et en partenariat avec Les Amis de Pézenas le 9 Août au théâtre de Pézenas
Nous connaissions la calligraphie, étymologiquement la belle écriture. Ce soir-là, il s’agissait d’une clio-graphie. Il s’agissait d’écrire l’histoire… de façon originale, l’histoire de la vie et de l’œuvre d’une écrivaine franco-japonaise, Kikou Yamata. Pour cette clio-graphie, sont intervenus un historien, Matthieu Séguéla, une artiste calligraphe, Yukako Matsui, et un musicien Richard Dubugnon.
Cette soirée était l’initiative de Matthieu Séguéla, historien, esthète et japoniste éclairé. Un enfant du pays…. qui revient régulièrement au pays et apporte toujours avec lui une part de Japon où il réside. En 2014, il avait fait, au théâtre, une conférence inspirée de son livre « Clemenceau ou la tentation du japon ». En 2018, il avait enthousiasmé le public piscénois avec sa conférence sur « Le Japon de Pierre Soulages », complétée par l’exposition de l’artiste Nao Kaneko à l’Hôtel des Barons de Lacoste, et illustrée par des textes d’écrivains.
Cette année, Matthieu Séguéla, docteur en Histoire de l’Institut d’études politiques de Paris, enseignant chercheur à Tokyo et spécialisé dans les échanges culturels entre la France et le Japon, a présenté, images à l’appui, la vie de Kikou Yamata, une femme de lettres franco-japonaise, soulignant le rôle important que cette amie de Foujita et épouse du peintre suisse Conrad Meili avait joué dans les relations culturelles entre la France, la Suisse et le Japon.
Lors de cette soirée du 9 août 2019, Matthieu Séguéla était accompagné en deuxième partie par Yukako Matsui. Cette figure de la calligraphie japonaise a créé en 2010 son propre Atelier Shodo, pour y enseigner l’art de la calligraphie et y exposer ses œuvres. Elle est aussi illustratrice pour des livres et des expositions. Elle propose des performances calligraphiques traditionnelles ou abstraites qui dialoguent avec la nature et la littérature.
Au théâtre de Pézenas, Yukako Matsui a créé sur scène, avec grâce et concentration, cinq calligraphies originales correspondant chacune à un tableau c'est-à-dire un thème inspiré par la vie et l'oeuvre de Kikou Yamata. Trois de ces calligraphies étant réalisées au sol, celles-ci ont été captées par une vidéo et projetées en temps réeel sur grand écran afin que le public puisse mieux voir la progession du travail de l'artiste. Ouvrant les cinq tableaux, la première calligraphie correspondait à l'idéogramme de « zen » . Elle était inspirée par Pézenas car, par un facétieux hasard linguistique franco-japonais, le mot « zen » figure au centre du nom de la ville de Pézenas. La deuxième calligraphie a été tracée sur un kimono de soie et signifait « Fleur de chrysanthème », prénom de la femme de lettres Kikou Yamata. Avant de fixer les idéogrammes à l'encre, Yukako Matsui a effectué une courte danse traditionnelle japonaise appelée « Buyo ». Lors du troisième tableau ayant pour titre « Calligraphies mêlées », le court texte d'un haiku de Yosano Akiko traduit par Kikou Yamata a été calligraphié plusieurs fois sur la même feuille. Jusqu'à la transformer en œuvre abstraite tant les caractères mêlés enlevaient volontairement toute lisibilité à la calligraphie ce qui était le but recherché. Au haiku lu par Matthieu Séguéla a répondu un autre poème, « Encres et fumées », écrit par l'écrivain suisse Jean-Louis Kuffer.
La quatrième calligraphie a été mimée et réalisée au cours du tableau intitulé « Nuit japonaise ». Les ombres chinoises ont alors révélé au public la silhouette de l'artiste calligraphiant sur un long rouleau de papier. Enfin, le dernier tableau intitulé « calligraphie révélée » correspondait à un concept créatif réalisé pour la première fois au musée Soulages le 7 août 2018. Sur une toile, un idéogramme est tracé avec une colle invisible. Puis du sable noir est répandu sur la surface. En relevant la toile, le surplus de sable qui n'adhère pas tombe, révélant au public une calligraphie. A Pézenas, le sens de cette dernière, « Uruwashi » en japonais, signifiait « beauté, émotion » et résumait le sentiment général sur la manifestation.
Durant cette soirée, Yukako Matsui était magnifiquement accompagnée par Richard Dubugnon, un musicien et compositeur franco-suisse, originaire de Lausanne installé en France, un des rares compositeurs de sa génération à jouir d’une carrière internationale. Son rôle était d'improviser au rythme des calligraphies réalisées devant lui et d’adapter à la contrebasse les notes et mesures afin de mettre en valeur les lectures et les œuvres créées au cours de cette soirée.
« Une vie au fil de l’encre », un fil tendu entre la France, le Japon et la Suisse, une manifestation originale, et une performance artistique d’avant-garde qui obtint un énorme succès auprès d’un public venu très nombreux. Ce public enthousiaste est resté longtemps après pour admirer les œuvres d’art exposées sur la scène du théâtre, œuvres qui devraient ensuite être montrées dans des expositions au Japon. La gande calligraphie de « zen », elle, restera à Pézenas où elle doit être offerte par l'artiste au musée de la ville.
Nicole Cordesse