Procès Charlie Hebdo : chronique de Me Szwarc, avocate montpelliéraine (jour 1)
Me Catherine Szwarc, avocate montpelliéraine, participe actuellement, devant la Cour d'assises spéciale de Paris, au procès des tueries terroristes qui ont décimé notamment la rédaction de Charlie Hebdo du 7 au 9 janvier 2015. Elle représente un chef d’entreprise confronté aux frères Kouachi juste avant la tuerie. Partie civile dans ce dossier de terrorisme, elle livre, jour après jour, ses impressions dans ce procès où comparaissent 11 accusés (3 terroristes étant encore en fuite).
Jour 1, mercredi 2 septembre 2020
6h00. Suis-je prête ? Ordinateur, valise, robe, iPad, téléphone, chargeur, disque dur externe, crayon, ordonnance de mise en accusation, amandes, pommes…
7h00. Un homme masqué me croise… Ah oui ! Le masque ! Il en sera question peu après. Marcher masqué, vivre masqué. Mais plaider masqué, être jugé masqué… Les règles sanitaires contre les règles du procès équitable. Qui voudrait être jugé masqué par un tribunal masqué ? Dans la procédure orale, la voix, le corps et le dossier doivent prendre leur part. Alors, on a débattra de ce point masqués…
7h11. Je m’engouffre dans le métro direction Asnières Gennevilliers, arrêt Porte de Clichy, sortie 3.
Je progresse dans le tribunal : sécurité, policiers, armes, gilets pare-balles, bergers allemands tenus en laisse. Un policier caresse son chien, ils se regardent. L’affection, comme une pause dans le brouhaha de la sécurisation et le déminage des lieux.
8h00. Entrée dans les salles d’audience, barrage, pièce d’identité, carte d’accréditation, carte d’avocat. Évidemment on a oublié mon « W » alors en urgence, il faut monter, descendre, discuter, obtenir une correction…
C’est le jour de la rentrée des classes. H. doit être devant l’école. il aura trouvé son nom dans les listes, et repéré sa classe. L’audience avance, un rythme lourd.
Appel des accusés dans leurs cages de verre installées de part et d’autre de la cour, quelques questions. Leurs réponses sont juste compréhensible. Une pauvreté dans l’expression. Parties civiles, témoins et experts appelés à leur tour. Personne n’est là, il y a seulement les avocats. Plus tard, je verrai au fond de la salle Riss et Peloux, calmes, attentifs.
La défense présente une demande de supplément d’information ; elle veut le report de l’audience. Irrecevable. L’occasion d’échanger quelques joutes et, pour moi, de rappeler la souffrance des victimes et le nécessaire respect exigé. Poser des limites fortes immédiatement.
Puis la longue et fastidieuse lecture du rapport avec la chronologie des faits, les qualifications retenues, la synchronisation des attentats, les charges… À la lecture, Charb est appelé François au lieu de Stéphane, une forte émotion et des larmes submergent sa maman. Elle sort en titubant de douleur…