Procès Charlie Hebdo : chronique de Me Szwarc, avocate montpelliéraine (jour 6)

Me Catherine Szwarc, avocate montpelliéraine, participe actuellement, devant la Cour d'assises spéciale de Paris, au procès des tueries terroristes qui ont décimé notamment la rédaction de Charlie Hebdo du 7 au 9 janvier 2015. Elle livre, jour après jour, ses impressions dans ce procès où comparaissent 11 accusés (3 terroristes étant encore en fuite).

9 septembre 2020

7h30 – J’ai déjà transpiré et fait au moins 10 000 pas ! Le métro avec les yeux dans mes pensées, ce n’est pas possible ! Saint-Denis au lieu d’Asnières, arriver à la Fourche puis reprendre Saint-Denis au lieu d’Asnières, s’arrêter à Guy-Moquet pour faire demi-tour, courir dans les escaliers, monter puis descendre, prendre le métro en sens inverse, revenir à la Fourche, courir dans l’escalier, monter puis descendre, revenir au point de départ pour prendre la bonne ligne dans le bon sens.
Ma voisine tremble, un homme vient de descendre à l’arrêt. Son sac est ouvert. « Il m’a volé mon téléphone portable ! ». Elle pleure.
9h30 – L’audience accueille la parole des victimes survivantes, blessées physiquement (et psychiquement). L’avocat d’un des accusés estime qu’il faudrait synthétiser les paroles des victimes… Le président est clair : ce sera « non » ! Disons que la procédure doit être respectée !
Description des corps, du sang, de la douleur, des morceaux d’os, de matière, qui jonchent le sol et les corps… Les journalistes de Charlie Hebdo viennent difficilement jusqu’à la barre avec une canne. Ils racontent la douleur, les séquelles, les dégâts physiques causés par les armes de guerre, la colère, la tristesse. Les dangers du stalinisme, le fascisme, le nazisme, l’islamisme. L’acceptation par une gauche qui ferme les yeux, la responsabilité de Plenel, la mauvaise foi intellectuelle. Le mensonge à des générations, Jean-Paul Sartre.
La vie des journalistes combattant pour la liberté, dans un bunker sécurisé, entouré de policiers, avec 6 portes pour arriver au bureau, chacune codée, espacées de sas, des portes énormes blindées. Une salle anti-lance-roquettes. Et surtout aucun journaliste pour dénoncer la situation, de ceux qui combattent pour la liberté, en France, à Paris.
La liberté fait donc partie des victimes. Elle est bien malade, blessée au plus profond, et peut être même dans le coma, confiée à des médecins aveugles.
Les journalistes victimes parlent encore des responsabilités politiques et de certains intellectuels qui ont créé un climat. Un climat qui rend possible ce qui est arrivé. Ont-ils aussi du sang sur les mains? « Tout ça pour ça ». Pour un dessin ? Ce n’est pas un simple dessin. C’est la liberté d’expression et l’expression de la liberté.
Charlie Hebdo n’est pas mort. Les terroristes n’ont pas tué le journal.
Marc Weitzmann me rejoint dans la salle d’audience et m’offre Un temps pour haïr avec sa dédicace. Je le lirai cette nuit.
Cette journée d’écoute sera clôturée par l’audition de Zineb, organisatrice du pique-nique pendant le ramadan au Maroc. Elle fournit à la Cour son explication détaillée, pédagogique, de l’islamisme, de ses dangers, et des menaces de mort et d’insultes qu’elle reçoit chaque jour parce qu’elle exprime et vit la liberté.
La beauté, la jeunesse, l’intelligence et la détermination dans un magnifique tailleur noir, installées sur des talons aiguilles de 10 cm. Elle peut incarner la liberté. Mais elle part entourée d’un service de sécurité !
Une journée d’ensaignement et d’enseignement. Il est 19h30.
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