Qui donc s'est trompé de question ?
Dans les derniers jours qui ont précédé le vote, tous les ténors officiels du…
Dans les derniers jours qui ont précédé le vote, tous les ténors officiels du OUI mettaient en garde les Français : ne vous trompez pas, la seule question à laquelle vous devez répondre est « êtes vous pour ou contre le projet de constitution », ne faites pas de votre prise de position un vote de contestation de la politique intérieure française, il n’y a pas de lien entre les deux choses.
Dimanche est passé là-dessus avec le résultat que l’on sait. Et les mêmes de nous dire que la victoire du NON est la victoire de la peur du lendemain, du repli sur soi, du refus des différences, bref du refus de l’Europe.
Forts de leurs certitudes ils se sont lamentablement plantés, mais ils n’ont rien appris. Ils sont toujours aussi persuadés que les partisans du NON étaient des ignares, incapables de réflexion donc incapables d’apprécier le texte qui leur était proposé.
Faisons donc comme si.
Puisque seuls les tenants du OUI pensaient à l’Europe avec un grand E et à la place de la France dans cette Europe là, ils auraient du, au lendemain de ce vote « catastrophique », de ce vote «honteux », avoir une démarche ou une réflexion concertée envers la communauté européenne afin d’essayer de limiter la casse.
Au lieu de cela que voit-on ?
La droite du OUI dit avoir compris les enseignements de ce vote. Elle reconstitue un gouvernement (alors qu’il y a belle lurette que Raffarin ne faisait plus recette) et jure, croix de bois croix de fer, qu’elle va éradiquer le chômage…
N’est-ce pas, ce qu’elle refusait aux opposants, établir un lien entre politique intérieure et législation européenne ?
La gauche du OUI, elle, se prépare à transformer ce vote «sanction » en apothéose pour 2007 alors qu’elle honnit les renégats qui ont osé ne pas marcher droit…
Tout simplement surréaliste : d’un côté, elle menace de sanctions et de faire tomber des têtes et de l’autre, elle compte sur ces mêmes têtes pour arriver au pouvoir…et cela toujours sans qu’on puisse établir un seul lien entre politique intérieure et constitution européenne.
La seule explication plausible est que, pour tous ceux-là, le vote de la constitution devait leur permettre de se bien positionner pour la présidentielle à venir; le coup a foiré, ils se recentrent sur l’hexagone, l’Europe est désormais bien loin de leurs préoccupations.
Et pourtant l’Europe est toujours là
Thierry Coursin, le 27 mai dernier, en réponse à un de mes articles, écrivait « que demain les défenseurs du NON ne s’affranchissent pas de leur responsabilité quand se poursuivront…les délocalisations…quand tomberont les protections sociales et que la flexibilité de l’emploi sera devenu l’alpha et l’oméga du marché du travail ».
A croire que les délocalisations, le démantèlement des acquis sociaux et la flexibilité ne sont pas déjà la règle. La seule différence c’est que, aujourd’hui encore, ces pratiques sont le fruit de règles, certes inscrites dans des décrets d’application mais susceptibles d’être remises en cause si les majorités parlementaires évoluent, alors que si la constitution est adoptée, le texte impliquant toutes ces dérives aura force de loi et ne pourra être remis en cause qu’après avis de la commission et vote unanime des 25 chefs d’Etat doublé d’un vote unanime des 25 pays européens…C’est-à-dire jamais…
Quand à s’affranchir des responsabilités, (même si les tenants du NON s’emploient déjà à élaborer un contre projet) il ne faudrait pas se tromper de rôle : C’est aux parlementaires européens (et Français en l’occurrence) à porter et défendre la position qu’a prise le pays. A défaut, ils ne rempliraient pas le mandat dont ils sont porteurs et redevables. Dans ce cas, la logique, ou la simple honnêteté, leur imposerait, (même si cela ne figure pas dans les textes),
de se démettre de leur fonction.
Monsieur Coursin me demandait aussi d’ « expliquer…pourquoi les marchés boursiers » avaient « à ce point grimpés (la) dernière semaine dans la perspective de la victoire du NON ? » et sa réponse étaient que le NON brisait toute « évolution sociale », satisfaisant ainsi « les intérêts de la finance internationale ». Le connaissant, je crois qu’il ne pensait même pas ce qu’il écrivait. Ma réponse est plus simple : d’abord les marchés ne se sont pas « envolés » et, s’ils se sont bien tenus, c’est que les intervenants savent bien que, contrairement à ce qui nous a été dit, pas plus le NON que le OUI français ne remettent en cause la politique néolibérale menée par l’Europe (le traité de Nice est toujours la règle au moins jusqu’à ce que tous les Etats se soient prononcés)…Les marchés n’ont pas l’habitude de se faire mal à l’avance…
En revanche, la victoire du NON a vu une baisse sensible de l’euro par rapport au dollar. Peut-être bien parce que le président français de la Banque Européenne, le bien nommé Trichet, peut voir sa politique rigide de non intervention remise en cause par les Etats membres. Soit dit en passant, à quelque chose malheur est bon : si la réévaluation de fait du dollar par rapport à l’euro va alourdir notre facture pétrolière (mais on n’a pas vu diminuer les prix à la pompe avec un euro fort et un dollar faible), nos entreprises vont retrouver des marges de manœuvre à l’exportation, ce qu’un euro surévalué (avec la bénédiction de New York) leur interdisait.
Le passé demeure, seul importe l’avenir
« C’est seulement sur ce point que je voulais faire porter ma réaction » écrivait encore mon contradicteur. Technique qu’on apprend à la maternelle de la politique : on dit qu’il n’y a que la suite qui nous intéresse, mais on a balancé quelques vacheries auparavant. Alors permettez, pour ceux que cela intéresse, que je fasse le point.
T. Coursin écrit que j’étais « de tous les combats » de la construction européenne « pour les défendre et les promouvoir à l’échelle d’Agde et dans le Parti Socialiste, jusqu’à la rupture avec Régis Passerieux…Il (je) change d’opinion et c’est son (mon) droit »
Je tiens à préciser, s’il en doutait, que je ne renie rien de ce que j’ai pu faire ou dire. J’ai effectivement rompu avec R. Passerieux, et c’était mon droit, lorsque j’ai estimé qu’il s’éloignait de plus en plus de la réalité du terrain (comme les dirigeants en place de l’actuel PS) et que les actions qu’il entreprenait ne correspondaient pas au mandat qu’il avait reçu. J’ai par la même occasion, pour rester en conformité avec les statuts de ce parti, posé ma démission du Parti Socialiste dont j’avais été le secrétaire local. Ma lettre de démission est restée sans réponse, mais j’ai été démissionné par la suite pour m’être opposé au candidat officiel.
Rompre avec des hommes ne veut cependant pas dire rompre avec ses idées.
En ce qui concerne mes convictions européennes, je n’en ai pas changé. J’ai effectivement accompagné la construction européenne avec mon vote chaque fois que l’occasion m’en a été donnée. Mais il y a des limites à tout : Pour moi, le texte de la constitution qui nous a été présenté comportait beaucoup trop de risques de dérives ultralibérales pour que je puisse me satisfaire des quelques « avancées » sociales qui n’ont aucune chance d’aboutir.
Pour finir je poserai cette seule question aux socialistes du OUI : où est passé votre rêve d’Etats-Unis d’Europe, d’une Europe politique et sociale avant que d’être une Europe économique ? Vous l’avez complètement escamoté. J’y crois toujours…Qui a changé ?
Antoine Allemand
Qui est-ce ? – Fiche TrominosCap : https://www.herault-tribune.com/?p=p04&action=view&Tr_Id=18