Qui sont les dirigeantes d’entreprise ?
L’association Davos des PME* a organisé à Montpellier, le mardi 14 mars 2017, une rencontre-débat sur la thématique un brin provocatrice : Cheffes d’entreprise : où sont les femmes ? Martine Viguier, dynamique consultante socio-économique, et Noëlle Obegi, présidente du centre de ressources pour l’entrepreneuriat féminin, ont rappelé aux participants à cette rencontre que, selon différentes études, depuis une génération, seulement 30 % des créateurs d’entreprise sont des femmes, bien qu’il y ait autant de femmes que d’hommes chez les porteurs de projet…
Les rencontres-débats du Davos des PME se construisent autour des témoignages apportés par chacun des participants. Ils diffèrent en cela des traditionnelles conférences et permettent à tout un chacun d’exposer sa vision du thème abordé et de confronter ses connaissances. Question : si les femmes sont autant attirées par l’entrepreneuriat que les hommes, pourquoi une telle déperdition au moment de se lancer ? Les participants au débat – majoritairement féminins – ont ainsi dressé le portrait-robot de la femme qui a pour projet de créer ou reprendre une entreprise. Des freins et des atouts ont été mis en évidence.
Les freins à la création d’entreprise au féminin
Culturellement, madame « perd » son nom à son mariage. Cela a-t-il une influence sur son identité sociale et sur l’intégrité de l’image qu’elle a d’elle-même ? Il est fréquent de constater que la femme a un positionnement auto-dévalorisé : lorsqu’elle crée son activité, elle évoque souvent un « petit projet », une « petite entreprise », un « petit financement »… Aurait-elle un complexe de légitimité ? La femme en général minimise sa place dans l’entreprise : il y a une vraie question de confiance et d’estime de soi, estiment les participantes au débat, La créatrice, par sa sensibilité naturelle de mère, a une attitude prudente, voire inquiète, face au risque et à l’angoisse de se plonger dans l’inconnu ou l’instabilité de la création de structure.
De plus, la balance a du mal à s’équilibrer quand il faut choisir entre activité professionnelle et responsabilité familiale : la sécurité apparente du salariat dissuade in fine beaucoup de créatrices potentielles ; de même, l’isolement bien connu du chef d’entreprise ne pousse pas les femmes à assumer cette prise de risque. Sur un plan technique, la femme serait moins technophile que l’homme. Cela reste à prouver…
Contexte et clichés
Dans un contexte de responsabilité en entreprise, la femme peut avoir tendance à imiter les clichés de l’homme. Ceci au lieu d’exploiter ses propres qualités, par facilité. Elle se fond dans des comportements connus – ou pour s’imposer – en utilisant les mêmes méthodes.
L’augmentation du nombre de familles monoparentales a une forte influence. La disponibilité des mères dans un projet de création est insuffisante pour mener à bien un projet, et les moyens que la société civile et politique met à leur disposition sont très insuffisants ou peu accessibles. Certaines femmes peuvent se satisfaire d’un rôle moins exposé en soutenant leur conjoint. C’est un modèle assez courant dans notre société occidentale.
Les atouts confirmés par le débat
Quand une femme conduit une entreprise, elle est dotée d’une forte personnalité ; elle exploite des qualités
de diplomatie, voire de pugnacité, qui compensent la dimension plus « combattante » d’un homme conquérant dans un monde d’affaires. De nombreuses dirigeantes d’entreprises bénéficient d’un contexte plutôt favorable ou bien encore ont baigné dans une culture entrepreneuriale familiale. L’entrepreneuse est reconnue comme plus communicante et plus sociale. Elle honorerait mieux ses engagements, notamment financiers, selon les intervenantes. Une cheffe d’entreprise a une meilleure résistance par rapport à l’échec ou à la faillite car elle n’y met pas le même ego que l’homme, semble-t-il. De plus, les femmes échangent mieux entre elles, partagent plus facilement ce qui va ou ne va pas, donc seraient moins isolées que les dirigeants masculins.
Solliciter les réseaux
Pour encourager l’entrepreneuriat féminin ou l’aider à réussir, il est nécessaire de faire connaître les réseaux d’accompagnement :
– le réseau Femmes Chefs d’Entreprise (délégation Hérault),
– le CIDFF Hérault,
– le Club des Créatrices d’Entreprise (qui se réunit chaque deuxième mercredi du mois),
– le CREF, créé pendant la dernière guerre (qui se regroupe le dernier mardi du mois au Medef),
– le FGIF (fonds de garantie pour l’initiative de la femme).
Certaines publications peuvent être utiles également, comme Le Livre blanc de l’entrepreneuriat féminin.
Epilogue : les constats du Davos des PME
Le choix de la femme face au projet entrepreneurial est avant tout dicté par une recherche de sécurité. On constate une discrimination dans l’accès au crédit s’expliquerait, avant tout, par la faiblesse des montants des prêts demandés et l’autolimitation que s’appliquent les porteuses de projet. Le modèle de management féminin est souvent plus participatif, marqué par la diplomatie et des performances équivalentes à celles des hommes. En conclusion, il y a un réel souci dans la phase de lancement. La femme créatrice souffrirait d’un problème d’image que n’a pas le créateur. Pour réussir, elle doit briser le plafond de verre et s’imposer face à elle-même et face aux préjugés. Quand elle a cassé les codes, elle réussit aussi bien, voire avec des résultats financiers et/ou sociaux supérieurs.
Les nouveaux horizons…
Les nouveaux horizons que dessinent les nouvelles technologies et le digital ne vont pas particulièrement inciter à ce que cette cartographie change. La population féminine dans ces secteurs est curieusement en fort déficit et absente des formations spécifiques à ces métiers. Dans le même temps, le contexte tant psychologique que politique ne favorise pas l’expansion de l’entrepreneuriat féminin. Celui-ci ne se développera que par un changement profond des mentalités (évolutions culturelles, éloge des compétences féminines, meilleur partage des responsabilités familiales). Ce changement doit en premier lieu être porté par les décideurs politiques. A cette seule condition, on devrait permettre à la société économique française d’évoluer, de se moderniser et de se féminiser.
(Collectif Davos des PME)
* Davos des PME : pour « Dernier Avis de Vigilance des Organisations Solidaires des Petites et Moyennes Entreprises ». Les rencontres-débats sont généralement organisées à l’hôtel-restaurant Au clos de l’Aube Rouge, 115, avenue de l’Aube Rouge 34170 Castelnau-le-Lez. > Voir le site : http://www.davosdespme.org/
> Retrouvez la présentation de l’association Davos des PME sur www.heraultjuridique.com (Rubrique Entreprises – mot-clé : DAVOS des PME).