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Racines Sud Montréal, Cécile Lazartigues-Chartier : augmentez vos chances de business au Québec

A travers les différences de comportements entre Canadiens et Français, Cécile Lazartigues-Chartier, responsable de Racines Sud Montréal depuis presque cinq ans et conseil en interculturel via sa structure L’Art et la Manière, explique à l’HJE l’importance des formations interculturelles pour faire des affaires à l’étranger ou s’y expatrier.

Qu’est-ce qui vous a amenée à intégrer Racines Sud ?

« De nombreuses personnes d’Occitanie se sont expatriées dans le monde entier ; j’en fais partie. Personnellement, je suis de Montpellier et j’habite Montréal depuis vingt-quatre ans. J’entretiens avec vigueur le lien entre Montréal et Montpellier, car Montpellier est mon fief ; j’y ai fait une partie de mes études et ma famille y habite. Ancienne directrice de la communication pour des événements comme le Printemps des Comédiens ou le festival d’Avignon, je suis une grande voyageuse. J’ai vécu aux Pays-Bas, en Italie. J’aime la rencontre de l’autre. Je me vois comme un point de contact.

Je tente de mettre ma boîte à outils au service des gens à travers une formation interculturelle permettant de comprendre le Canada et le Québec. Cette formation s’adresse aux entreprises et personnes occitanes et héraultaises qui veulent y faire des affaires. J’accompagne des expatriés envoyés par leur entreprise, ou des personnes en VIE, en stage, qui veulent émigrer au Québec. Les intégrations réussies répondent souvent à un besoin de main-d’œuvre très qualifiée dans des créneaux techniques supérieurs : l’industrie (agroalimentaire par exemple), le service, la santé (infirmiers…). Leur réussite provient souvent de l’accompagnement avant le départ et après l’installation. »

Pourquoi un tel accompagnement est-il nécessaire ?

« Au Québec, tout le monde parle français, mais le rapport au temps, à l’argent et à la réussite n’est pas le même qu’en France. Il ne faut pas croire que parce que l’on parle la même langue, on peut bien se comprendre. La formation interculturelle consiste en premier lieu à déconstruire des paradigmes. Connaître la culture québécoise est primordial.

Par exemple, au Québec, on attend de vous que vous ayez du leadership, que vous soyez boss ou standardiste. Il faut apporter une plus-value à l’entreprise. Les diplômes sont nécessaires, mais pas suffisants. On embauche les gens sur leur potentiel et leurs bonnes idées.
Le tutoiement y est de rigueur au sein des entreprises. Mais il faut savoir que la proximité induite par le tutoiement n’est que linguistique, mais pas sociale ni amicale. Alors qu’en France, quand on tutoie, cela signifie que l’on est proches. Cette différence est très déroutante pour les Français. Il ne faut pas s’attendre à nouer des relations amicales avec ses collègues.
Autre point, au Canada, le rapport au succès ou à l’échec n’est pas celui de la France. Il s’agit d’un pays de conquête. Les gens qui ont survécu à l’époque l’ont fait à la force du système D, faisant des essais, commettant des erreurs… Les échecs d’entreprises font partie du parcours ; les dirigeants ne sont pas mal vus pour autant ; contrairement à la France.
Il faut aussi savoir que le Québec est un lieu de consensus. Je relie cela au fait que quand les Français sont arrivés pour coloniser, ils ont compris que la valeur fondamentale est la force du groupe ; en effet, la solidarité est plus que nécessaire quand il fait -40 degrés dehors. Ils ont intégré ce paramètre. Au début, quand on arrive de France, cet esprit de consensus est extrêmement…

…agréable en entreprise. Puis on a l’impression que rien n’avance, car personne n’ose poser de questions ni avancer des critiques, même constructives.
La façon directe française de poser des questions ou de s’exprimer est irrecevable. Or, les entreprises de l’Occitanie qui arrivent au Québec doivent avoir un message recevable par leur interlocuteur. Voilà pourquoi je conseille la méthode du sandwich, qui consiste à intégrer le point litigieux au milieu d’un discours très positif. Parce qu’elles ne maîtrisaient pas les codes, certaines entreprises ou personnes très performantes sont reparties sur un échec cuisant, sans comprendre pourquoi. De même, la gestion des employés québécois est très difficile pour un Français : je déconseille absolument de s’énerver devant un employé ou d’utiliser un langage « fleuri ». De même, en entreprise, le Québécois attend de son interlocuteur que ses demandes soient explicites.Autre écueil : au Québec, l’heure c’est l’heure ; on arrive à l’heure et on part à l’heure. Il ne faut jamais arriver en retard aux réunions, sinon les Québécois ne diront rien, mais vous mettront des points négatifs. Personne ne traîne dans les bureaux après 19h00, car les parents vont chercher les enfants à la garderie. En général, on finit de travailler à 17h00.
Le « 5 à 7 » (17h00 – 19h00) est considéré comme un sas socio-professionnel : on va au bar avec les collègues ou on profite d’une présentation professionnelle. Ce moment est dédié au réseautage (networking). La force des Québécois réside dans le réseautage, la mise en liaison. Ce n’est pas de la cooptation mais cela facilite souvent grandement les affaires. De 17h00 à 19h00, on retrouve des gens qui ont des centres d’intérêt commun, on peut vous présenter des gens. Toujours en matière de réseautage, le réseau social LinkedIn est très utilisé pour les connexions extrêmement puissantes qu’il permet. A partir de 19h00 débute la vie personnelle. Les gens profitent souvent de ce créneau pour se former grâce à des cours du soir dispensés dans les universités plusieurs fois par semaine. Au Québec, les gens ne sont pas attentistes ; ils se forment pour évoluer. Ils font aussi beaucoup de sport, sont engagés dans des associations… Donc paradoxalement, contrairement à la France, le présentéisme n’est pas bien considéré au Québec, car il signifie que vous n’avez pas de vie en dehors, et que vous n’êtes pas capable de gérer votre mission dans le temps imparti… »

Quels sont les inconvénients à vivre au Québec pour un expatrié ?

« Le Québec n’est pas l’eldorado ; il y a forcément des choses qui nous manquent, comme refaire le monde entre amis et débattre. Les collègues ne font pas de choses ensemble en dehors ; ils ne s’invitent pas les uns les autres. Je regrette que les nombreuses obligations (formation, sport, activités…) laissent peu de place pour la spontanéité. Les sphères intime, sociale et professionnelle se mélangent rarement : on ne passe pas spontanément chez les gens ; ce serait considéré comme trop intrusif. Vous le voyez, si l’on n’a pas les clés et les codes du pays, la bonne volonté ne suffit pas pour s’intégrer. Au niveau humain, après la fameuse lune de miel du début, on peut plonger très bas. Travailler à l’étranger est exigeant ; on n’a pas de confort. »

Un dernier conseil aux futurs expatriés ?

« J’en ai plusieurs. Je conseille de faire du bénévolat quand on arrive au Québec. D’abord parce que c’est ultra valorisé dans le CV. Mais aussi parce que, dans un milieu sécurisé, cela permet de faire des erreurs relationnelles (comme faire la bise, être en retard) sans que ça prête à conséquence. Cela permet de capter de façon inconsciente les interactions, de maturer tout cela et de se constituer un réseau dans un milieu qui nous plaît (sport, médical…). Cette base permet de tisser des amitiés. Mais il faut savoir que nouer des amitiés prend du temps au Québec ; la confiance se bâtit et prend du temps. La plus grosse erreur serait de vivre au Québec dans un milieu franco-français (être en colocation avec des Français, manger de la nourriture française, regarder des films français) et d’espérer s’intégrer sur le plan professionnel. »

Quelle question doit-on se poser avant de valider son projet d’expatriation ?

« Quelle est la vraie raison pour laquelle vous avez envie de vivre au Québec ? Est-ce pour l’argent, le mythe de l’américanité selon lequel tout est possible, la proximité avec la nature, le temps que vous pensez dégager pour votre vie de famille ? Est-ce pour effacer le passé et recommencer sur une page blanche ? Est-ce pour montrer aux autres que vous pouvez réussir ? Est-ce pour vous éloigner de souffrances ? Pourquoi cette question ? Tout simplement parce que la raison qui pousse à passer le pas est un des éléments facilitateurs ou non de bonne intégration. »

Quel mot définit le mieux le Québec ?

« L’espace. Les maisons y sont très spacieuses, la nature immense. Et surtout, il y a de l’espace dans la tête pour avoir des idées. Au Québec, lorsque vous annoncez votre projet aux autres, on vous demande quoi, quand, comment, pourquoi… On ne vous décourage pas. Le Québec est l’espace des possibles. »

Propos recueillis par Virginie MOREAU
vmoreau.hje@gmail.com

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Racines Sud, au service des (futurs) expatriés

Racines Sud se présente comme le réseau des Occitans expatriés dans le monde. Fondé et dirigé par Emmanuelle Darras, il est présidé par Pierre Deniset, président de Kaliop et président d’honneur de Digital 113. Les membres expatriés du sud de la France accompagnent les entreprises dans des démarches d’implantation à l’international avec des partenariats et des contacts enrichissants. Les membres sont invités à des rencontres ou autres types d’événements organisés dans leur pays d’expatriation. Si vous êtes un expatrié d’Occitanie, en adhérant à cette association, vous bénéficierez également de réductions sur votre couverture santé, vos frais de déménagement, votre déclaration fiscale auprès de partenaires tels que Crystal Finance, AGS déménagement, ou Heyme… Si vous n’êtes pas encore parti, les contacts de Français à l’étranger de Racines Sud, ainsi que leurs partenaires, vous accompagneront dans ce processus. Ils vous aideront également à nouer des liens avec les Occitans sur place. > Soutenue par la Région Occitanie et la Métropole de Montpellier, Racines Sud a été créée sous la forme d’une association régie par la loi de 1901 en février 2006.

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