Sète s’orne d’une nouvelle sculpture
Sète s’orne d’une nouvelle sculpture Le 7 mars, La Traversée, l'œuvre miroir de Jean…
Sète s’orne d’une nouvelle sculpture
Le 7 mars, La Traversée, l'œuvre miroir de Jean Denant, a été inaugurée route de la Corniche à Sète.
L'artiste plasticien sétois Jean Denant a installé route de la Corniche, face à la mer, une découpe du trait de côte méditerranéen taillée dans une plaque d'inox poli, sur le mur d'un ancien blockhaus. Il aura fallu dix jours aux ouvriers chargés du chantier pour marteler le béton au millimètre et creuser l'ensemble du tracé destiné à recevoir cette découpe. Et deux ans à ce projet, qui est une commande publique de la ville de Sète, pour aboutir. Depuis quelques jours, l'horizon peut enfin se regarder, et les passants, inscrire leur fugitif reflet dans cette œuvre spéculaire.
Fidèle à sa technique de construction-déconstruction, usant du pinceau parfois, mais aussi du marteau et du burin sur des surfaces brutes comme le placo-plâtre, le polystyrène, le bois, et le béton, Jean Denant poursuit son exploration d'un “monde en chantier”. Proche des déconstructivistes, il propose une autre façon de percevoir et de penser le monde, en inversant les hiérarchies. Ainsi La Traversée, œuvre unidimensionnelle, propose-t-elle en même temps une perception en 3D et en mouvement.
Nominé au prix MasterCard 2011 et vainqueur du concours d'art contemporain de la CCIMP de Marseille l'an dernier, Jean Denant fait partie à 34 ans des artistes “qui montent”.
Le chemin (la traversée) de la Méditerranée texte poétique autour du projet Méditerranée pour la ville de Sète.
par Philippe Saulle (directeur de l'école des Beaux-arts de Sète)
Le long de la route qui mène du Théâtre de la Mer au quartier de la Corniche on devine un blockhaus, juste un seul pan de mur de béton envahi par les asphodèles ou coiffé d’agaves en fleur.
Un long mur brut, épais, qui a conservé les empreintes des planches de chantier, fait dans l’urgence, comme on l’a fait plus tard des immeubles aux périphéries des grandes villes. Il est à peine visible. Abandonné, méprisé, il a souvent servi de support d’affichages sauvages. Il guette la mer de ses yeux gris aujourd’hui aveugles. C’était sa fonction, au creux du Golfe du Lion, de surveiller la grande bleue.
Jean Denant installe un reflet de plusieurs mètres de long, fait d’acier poli fixé, incrusté même, dans ce mur du blockhaus, face à la mer. La redoute de béton que l’on aimerait bien voir disparaître semble dès lors percée d’un orifice, comme une mare de mercure dont la surface argentée cacherait d’antiques excavations.
Une découpe de la cartographie côtière méditerranéenne qui, dans le sens des aiguilles d’une montre, épouse les côtes de France, d’Italie, de Slovénie, de Croatie, de Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, d’Albanie, de la Grèce, de Turquie, de Syrie, du Liban, d’Israël, de la Palestine,d’Egypte, de Libye, de Tunisie, d’Algérie, du Maroc, d’Espagne. Cette carte muette de la Méditerranée, dont le dessin est la représentation mentale d’un immense paysage, reflète ici la réalité de son paysage.
Sur la promenade qui lui fait face, le passant se voit lui-même traversant le miroir du nord ou sud, ou l’inverse, sous la ligne bleue de l’horizon quand elle rejoint le ciel, selon les caprices du temps, bien sûr. Œuvre spéculaire qui nous intègre – de passage – dans ce reflet de Méditerranée, comme autant d’âmes l’ont peuplée et la peuplent encore. La mer au milieu du monde est un pays sans cesse traversé par les habitants de ses rivages. Voyages, migrations, exils ou routes mirifiques sillonnent ce pays calme et pourtant si dangereux. Et, le miroir, psyché probablement imaginé sur des rives volcaniques de la méditerranée, en Anatolie, sans doute dans de luisantes obsidiennes, inspire toujours d’immémoriales légendes et nos voyages intérieurs.