Situation inquiétante au niveau des effectifs du TGI de Montpellier

Au cours de l’audience solennelle de rentrée du tribunal de grande instance de Montpellier, les deux chefs de juridiction ont tiré la sonnette d’alarme quant au manque de magistrats et de fonctionnaires. L’activité, restée d’un bon niveau en 2017, risque ainsi de diminuer cette année. Parmi les autres sujets abordés figure la prochaine réforme judiciaire.

En termes d’effectifs, le tribunal de grande instance de Montpellier fait face à « la pire situation qu’ait connue la juridiction », prévient son président, Eric Maréchal, au cours de l’audience solennelle de rentrée du TGI. Celle-ci s’est tenue le 26 janvier dernier en présence de nombreuses personnalités issues des milieux politique et économique, de la police, de la gendarmerie et de représentants des autorités civiles, administratives et religieuses ainsi que des professions juridiques.

Un manque de 8 magistrats du siège au 1er juillet prochain

Pour les magistrats du siège, qui n’étaient que 47 au 1er janvier (pour un effectif prévu de 52), la situation va encore se dégrader avec 44 magistrats au 1er juillet prochain, soit un taux de vacance supérieur à 15 %. Eric Maréchal souligne : « La concentration des forces vives sur le pénal, les affaires familiales et les référés, conduit inéluctablement à réduire l’activité du pôle civil de la juridiction. L’effectif des 3 sections civiles qui se consacrent au traitement des litiges de construction, de copropriété, des questions de responsabilité civile ou d’exécution des contrats est réduit à 6 magistrats au lieu des 9 nécessaires ». On doit donc s’attendre à un allongement des délais de traitement.

Toujours seulement 15 parquetiers

De son côté, le parquet ne compte que 15 magistrats, alors qu’il devrait en réunir 23 pour être dans la moyenne nationale de 2,8 magistrats du ministère public pour 100.000 habitants, le ressort du TGI de Montpellier étant de 819.000 habitants. Christophe Barret, le procureur de la République, indique : « Je demande que nous ne soyons pas plus mal traités que les autres ». Il regrette : « la justice en France ne bénéficie pas des moyens à la hauteur de l’importance de sa mission ». L’Europe compte en moyenne 11,3 magistrats du ministère public pour 100.000 habitants et les dépenses annuelles moyennes pour la justice atteignent 146 € par habitant et par an en Allemagne, contre 72 € en France.

Déficit aussi pour le greffe

L’effectif réel du greffe se limitait au 31 décembre 2017 à 133 personnes, pour une localisation théorique de 145 emplois. La situation est également défavorable pour les tribunaux d’instance de Montpellier et de Sète. Le premier dispose d’un effectif réel de 24 greffiers (effectif théorique : 29) et le second de 5 (effectif théorique : 6). « Soutenue par des perfusions de vacataires, l’activité n’est maintenue que grâce à leur engagement quotidien dans des conditions de pression des flux et souvent d’urgences judiciaires », explique Eric Maréchal.

Un niveau d’activité toujours élevé au civil

Globalement, en 2017, le TGI a rendu 13.154 décisions civiles (contre 13.672 en 2016), alors qu’il a été saisi de 12.720 nouveaux dossiers (contre 13.833 en 2016), le nombre d’affaires en cours diminuant de 8.650 à 8.278 d’une année sur l’autre. La durée moyenne de traitement des affaires reste contenue à 7,4 mois. Le président du TGI commente : « La baisse des affaires nouvelles (- 1.113) n’est pas révélatrice d’une réelle baisse d’activité, mais résulte du « nouveau divorce », le divorce sans juge créé par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle (Loi J21), entré en vigueur le 1er janvier 2017 ». Dans ce contexte, le juge des affaires familiales a vu sa part relative dans les affaires nouvelles revenir de 36,1 % en 2016 à 25,7 % en 2017.

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Eric Maréchal, le président du TGI de Montpellier.

Faciliter l’accessibilité à la justice

Eric Maréchal rappelle les importantes avancées enregistrées en 2017 dans l’esprit de la loi J21. Ainsi, toujours pour le divorce, le coup d’envoi officiel à la Tentative de médiation familiale préalable obligatoire (TMFPO) a été donné au TGI de Montpellier le 27 octobre. La nouvelle procédure implique l’engagement de nombreux partenaires de la justice, dont les avocats, les notaires, les huissiers, l’ensemble des médiateurs familiaux associatifs et la Caisse d’allocations familiales. Parmi les autres nouveautés de l’année 2017, l’ouverture du Service d’accueil unique du justiciable (Sauj), intervenue au 1er septembre, facilite l’accès à la justice. Toujours pour améliorer l’accessibilité à la justice, s’impose le bon fonctionnement du Bureau d’aide juridictionnelle. Celui-ci a enregistré 19.406 demandes en 2017, le délai moyen de réponse étant de 36 jours. Autres outils importants, les 21 Points d’accès au droit du département et les 4 Maisons de la justice et du droit (MJD) dont celles de Lodève, Lunel et Montpellier-Celleneuve dans le ressort du TGI de Montpellier et celle d’Agde dans le ressort du TGI de Béziers. La future MJD de Montpellier Méditerranée Métropole à Lattes doit être inaugurée à la prochaine rentrée de septembre. « Elle devrait être la seule MJD créée en France en 2018 », observe Eric Maréchal. Par ailleurs, le Conseil départemental de l’accès au droit (CDAD) financera en 2018 l’ouverture d’un Point d’accès au droit au sein du tribunal de Béziers.

Taux de réponse pénale en progression

Du côté du pénal, le nombre de plaintes reçues s’établit en 2017 à 85.437 (contre 86.783 en 2016) et celui des affaires poursuivables à 18.080 (contre 18.071 en 2016). La nette augmentation du nombre total de réponses judiciaires (15.958 en 2017 contre 15.629 en 2016) permet au taux de réponse pénale d’atteindre 88,3 % (86,5 % en 2016). Christophe Barret précise : « Parmi les réponses judiciaires, environ 7.500 ont relevé des procédures dites alternatives, la plupart grâce à l’intervention des 10 délégués du procureur ou de nos associations partenaires ». Plus de 8.000 procédures ont fait l’objet de poursuites correctionnelles ou criminelles, donc d’autant de décisions, examinées au cours de 582 audiences pénales. Les juges d’instruction ont été saisis de 309 affaires particulièrement complexes. Les juges des libertés et de la détention (JLD) ont rendu au total 2.238 décisions, les juges de l’application des peines (JAP) 3.035 décisions et les juges des enfants 2.928 décisions.

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Christophe Barret, le procureur de la République près le TGI de Montpellier.

La lutte contre le terrorisme, première des 8 priorités

Le procureur de la République insiste sur la lutte contre le terrorisme et la radicalisation dangereuse, priorité fondamentale : « La coordination avec l’autorité administrative et les services chargés du renseignement est indispensable. Nous nous préparons à certains retours depuis les zones de combat. Nous nous sommes aussi préparés en grandeur nature à la prise en compte d’une crise majeure, sur le plan judiciaire. Les interpellations qui ont eu lieu sur le ressort en 2017, et encore il y a quelques jours dans le Gard, démontrent qu’il faut être vigilants ». Deuxième priorité, la lutte contre les violences aux personnes, violences physiques ou sexuelles, notamment dans le cadre familial. « Le département de l’Hérault est l’un de ceux les plus touchés en France », affirme Christophe Barret. Il met aussi en avant les violences en détention, à l’encontre des surveillants comme des détenus ou de leurs familles.

Les 6 autres priorités portent sur les luttes contre les trafics (stupéfiants, armes, tabac, contrefaçons) « qui structurent toute la délinquance », les vols de masse (cambriolages), la délinquance des mineurs, la délinquance économique et financière, les atteintes portées aux représentants de l’autorité publique et la délinquance routière. « A ces 8 domaines prioritaires, j’ajoute encore un domaine prioritaire transversal : l’exécution des peines. C’est elle qui donne un sens à l’action judiciaire, car elle la légitime », insiste Christophe Barret.

2018, année de réformes judiciaires

Pour l’avenir, les deux chefs de juridiction mettent en avant le rôle bénéfique de la « mobilisation collective » et attendent beaucoup des réformes judiciaires annoncées pour 2018. Parmi les sujets sur le devant de la scène, figurent la réforme territoriale, le sens et l’efficacité de la peine, la simplification des procédures civiles et pénales et la numérisation. Concernant cette dernière, Christophe Barret indique : « Les marges de progression sont grandes, notamment pour les systèmes et la communication entre logiciels métiers. Je saisis cette occasion pour remercier l’université de Montpellier, son président et l’école Polytech, qui développent avec nous un prototype de système informatisé pour la mise en œuvre des milliers de réquisitions de contrôles d’identité et de visites des véhicules que nous établissons chaque année ».

Le Parlement se prononcera d’ici la fin du premier semestre 2018 sur la réforme de la Constitution qui, dans ses articles 64 et 65, concerne l’Autorité judiciaire. Avec, au cœur des débats, le futur statut du ministère public.


 

Installation de 4 magistrates

L’audience de rentrée du tribunal de grande instance de Montpellier a également été marquée par l’installation de 4 magistrates :

Sandrine Février-Fournié, précédemment vice-présidente au TGI de Béziers, est nommée vice-présidente chargée de l’application des peines, comme dans sa précédente affectation.

Caroline Salviejo-Serre, précédemment vice-présidente au TGI de Nîmes, est nommée vice-présidente. Elle retrouve ses fonctions spécialisées de juge des enfants, comme à Nîmes.

Geneviève Boussaguet-Orsero, précédemment substitute du procureur de la République près le TGI de Perpignan, est nommée juge non spécialisée. Elle rejoint le pôle pénal de la juridiction.

Claude Baby, précédemment vice-présidente du TGI de Montpellier et en retraite depuis le 31 décembre 2017, continue son activité juridictionnelle en qualité de magistrate honoraire, nouveau statut issu de la loi organique du 8 août 2016.

Par ailleurs, Christelle Orréa, installée également le 26 janvier et précédemment en charge de la direction du greffe du TGI de Gap, a pris officiellement, le 29 janvier, la fonction de directrice de greffe des services judiciaires.

 

 

Un nouvel accueil des justiciables d’ici fin août

D’importants travaux sont prévus au tribunal de grande instance de Montpellier de mars à août prochain, en vue d’accueillir les justiciables de manière adaptée et sécurisée et d’offrir aux greffiers et adjoints affectés à ce service des conditions normales de travail. Il est notamment prévu de remplacer l’actuelle banque d’accueil par un ensemble de banques d’accueil et des bureaux de confidentialité affectés au Service d’accueil unique du justiciable (Sauj). Un lieu d’accueil ouvert directement sur l’extérieur sera également réalisé. La conception de l’ensemble est confiée à l’architecte montpelliérain Jean Planès (agence Traverses).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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