Six conseils marketing pour bien commencer l’année

Psychologie sociale. Romain Bouvet est chercheur-enseignant à l’université Toulouse II Jean-Jaurès. Spécialiste des mécanismes d’influence, il collabore avec de nombreuses entreprises pour les aider à surmonter les obstacles qui freinent l’achat. Voici ses conseils…

1. Avoir une stratégie d’influence

Romain Bouvet : « Cela peut paraître évident, et pourtant… Combien de fois ai-je rencontré des clients qui me disaient avoir bien préparé leur produit, avoir reçu des tas de retours favorables de consommateurs potentiels, et le jour du lancement : rien, pas de vente ? Ils ont fait l’expérience de l’humain. Pourquoi ? Parce qu’Homo sapiens a cette particularité qu’il ne fait pas ce qu’il dit, et que même s’il est intéressé par quelque chose, il va avoir besoin d’être poussé à l’acte d’achat. Ce sera donc votre travail : injecter de la motivation. Car lorsqu’un client potentiel entre dans votre magasin ou vient sur votre page web, poussé par une motivation que l’on appelle interne, ou initiale, il ne faut pas s’imaginer que cela suffira. Il faut s’imaginer l’acte d’achat comme un toboggan : le consommateur a fait le premier effort, il a monté les marches de l’escalier, mais à partir de là, il faut un « nudge », une incitation qui sert à « pousser » la personne à transformer son intérêt pour un produit ou un service en acte d’achat. »

2. Eliminer les frictions

« C’est alors que vous allez être confronté à un gros problème : ce que l’on appelle en psychologie sociale la « réactance », autrement dit des frictions. C’est ce moment de recul qui va faire que, même si on en a envie, on ne va pas acheter. La réactance peut être causée par les « charges cognitives », un effort intellectuel ou un conflit interne du client qui entraîne des taux de conversion en baisse, et donc vous fait perdre de l’argent. Une charge cognitive est ainsi un indicateur extrêmement important en management. Par exemple, s’il y a conflit interpersonnel au sein d’une équipe dans une entreprise, c’est une charge cognitive, et on estime que celle-ci fait baisser la performance de 50 %. Et quand les salariés vont essayer de bien travailler pour regagner ces 50 %, ils seront épuisés mentalement. Pareil dans le marketing : si la personne qui visite votre site doit fournir un effort intellectuel supplémentaire, vous lui imposez une charge cognitive, et donc vous augmentez le risque qu’elle parte et ne revienne pas. »

3. S’obliger à la clarté

« C’est pourquoi votre présentation ou celle de votre site web doit être la plus claire possible. Pour rappel, une étude de 2008 menée par le chercheur Colin Clark a montré que chez 24 business angels anglais, le choix de s’intéresser à une société ou non était totalement aléatoire. La plupart des choix de soutenir une idée reposaient en fait… sur la beauté du discours du porteur de projet ! Donc, plutôt que de dire : « notre support répond très rapidement » – ce qui suppose une charge cognitive, puisque du coup, votre client se demande « en combien de temps répondent-ils ? 24 heures, 48 heures, un an ? » – préférez « nous répondons en 48 heures ». « Nos clients nous adorent » ? Non : « 856 entreprises adorent notre entreprise », etc. Les petits mots changent beaucoup de choses. Pour preuve, une start-up que j’ai aidée en changeant seulement quelques mots dans sa campagne d’e-mail marketing, est passée d’un taux d’ouverture de mails de 13 à plus de 30 % !

Une erreur qui me surprend toujours concerne les pourcentages. Si vous voulez être bien compris et attirant, il ne faut pas dire « 90 % de nos clients sont satisfaits de notre service, mais 9 clients sur 10 ». Pour ceux qui travaillent dans la livraison, avant l’achat, vous promettrez une « livraison entre une et trois semaines » car un et trois étant de petits chiffres, cela réconforte le client. Alors que quand il a acheté l’objet et attend d’être livré, celui-ci veut avant tout de la précision, donc à ce moment-là, préférez dire « de 7 à 21 jours ». Même chose avec les remises. « Quand vous présentez une remise sur un article, disons, à 159 €, entre « bénéficiez de 30 € de remise » et « bénéficiez de 20 % de remise », il faut toujours utiliser la première formulation, car 30 étant supérieur à 20, elle est plus attrayante. Mais si la remise n’était que de 8 € et de 20 %, il faudrait choisir les 20 %, car 20 est supérieur à 8. »

4. Jouer sur les émotions positives

« Mais tout votre plan marketing n’aura aucune utilité si vous ne vous demandez pas avant sur quels leviers émotionnels vous allez appuyer chez votre client. Et ce qui marche le mieux, ce sont les émotions positives. Particulièrement si vous, ou votre marque, est reconnue comme « sympa ». Cela va sûrement vous surprendre, mais par exemple, dans le recrutement, après vingt ans de tests en laboratoire et en situation réelle, les résultats des recherches menées en psychologie sociale disent tous la même chose : dans la décision de recruter quelqu’un, le facteur le plus important n’est pas sa compétence, son cursus, son apparence ou même sa capacité à l’écoute active… mais le fait qu’il semble sympathique ! Parce qu’on aime les gens « sympas », parce qu’ils génèrent automatiquement de la confiance. J’ai ainsi un ami entrepreneur qui a réussi à faire 4 M€ de chiffre d’affaires uniquement grâce à sa personnalité, parce qu’il a un côté « cool » qui lui permet de créer des opportunités en donnant confiance aux gens ! C’est pourquoi je pense que la psychologie est indispensable dans tous les process de l’entreprenariat, mais que cela reste encore largement ignoré. Ce qui vaut dans les relations sociales vaut aussi dans le marketing : ainsi, les bannières publicitaires sur Internet et les communications agressives marchent de moins en moins. Au contraire, une étude de Harvard a ainsi montré que les émotions positives montrées dans les publicités rapportaient vraiment aux marques en termes d’intentions d’achat, et qu’elles permettaient de prédire une plus grande fidélité du client à la marque. »

5. Valoriser le consommateur

« Ce qu’il faut surtout comprendre, c’est que nous sommes dans un monde de plus en plus narcissique. On appelle ça le marketing du « moi, moi, moi », car les gens pensent avant tout à se satisfaire… et tant mieux pour les marketeurs ! Aussi, ce qui marche très bien pour injecter de l’émotion positive, c’est d’utiliser le prénom de la personne – ce que Coca-Cola a par exemple très bien exploité avec ses bouteilles et ses canettes « personnalisées » : la technique a fait un carton ; la campagne de pub a été partagée plus de 10 millions de fois sur les réseaux sociaux. Donc, quand vous vous adressez à vos clients ou à vos prospects, appelez-les par leur prénom. De même, quand vous parlez des gens, incluez-vous y, en transcendant toujours le « ils » en « nous » : ne dites pas « les gens croient, ils ou elles pensent que… » mais « nous croyons, nous pensons que… ». « Commencez votre essai gratuit de 30 jours » ? Pas mal, mais on peut mieux faire : « Commencer MON essai gratuit de 30 jours ». Grâce à ce simple changement, mon client a gagné 90 % de conversion ! Mais il y a une chose à prendre en compte : l’évolution de plus en plus rapide de la mentalité du consommateur. Seulement trois ans ont passé, et déjà le consommateur de 2016 ne ressemble plus à celui de 2013. Auparavant, il était un explorateur, il parcourait Internet à la recherche d’informations ; alors qu’aujourd’hui, il vit en interaction avec Internet. Il s’est habitué notamment à des sites et des services plus travaillés, plus ergonomiques. Donc désormais, lorsqu’il va sur un site qui est moins élaboré, il est frustré, et cette frustration se manifeste de plus en plus rapidement, d’où un risque plus grand qu’il quitte votre site d’e-commerce. »

6. Utiliser la vidéo

« Une vidéo sur votre site web peut avoir un énorme impact dans la conversion ! Parce que la vidéo est le contenu préféré de la majorité des internautes, elle permet de rendre votre message vivant, plus facile à mémoriser, et génère une image positive de votre marque. Mais attention à ce qu’elle ne soit pas trop longue : elle doit durer 30 secondes ou une minute maximum, car l’attention du spectateur décroît vite après ce délai. »

Propos recueillis par Simon CASTERAN

pour RésoHebdoEco

www.resohebdoeco.com

romain bouvet 1Un expert de la psychologie d’entreprise. Management, marketing, cybercriminalité, emprise sectaire… Romain Bouvet est un psychologue multicartes. Lorsqu’on rencontre Romain Bouvet, une chose frappe d’emblée : sa fébrilité. Parlant à toute vitesse, les yeux fixés sur son auditeur tout en ayant l’air de penser à mille choses à la fois, le jeune chercheur en psychologie devient pourtant un autre homme dès lors qu’il s’adresse à un public. Que ce soit devant une audience de jeunes start-uppers venus l’écouter parler des meilleures techniques de marketing pour « hacker sa croissance » ou devant le public, plus diversifié, de sa conférence « Comment utiliser la manipulation mentale pour devenir un excellent gourou ? Devenez riche en exploitant la crédulité humaine », Romain Bouvet se mue alors en vulgarisateur patient, au débit calme et aux exemples non seulement bien posés, mais aussi souvent drôles. Une recette qui réussit et attire. Quand il n’enseigne pas à l’université Toulouse II Jean-Jaurès, dont il est sorti diplômé d’un doctorat en juin 2014, Romain Bouvet conseille les entreprises dans leurs stratégies de marketing et d’influence, qu’il s’agisse de grandes entreprises comme le Cnes, Nutrition & Santé, de start-up ou encore de grandes écoles comme l’Enac, après avoir travaillé pour TBS et l’Inca. Avec quatre autres chercheurs en psychologie, il a créé fin 2016 The Good Science (thegoodscience.net), une société de conseil en psychologie sociale qui propose aux entreprises des formations en e-learning ou comprenant de l’enseignement en présentiel à partir des enseignements de la psychologie et des neurosciences, afin d’aider les professionnels dans des domaines aussi divers que le marketing, le management et la lutte contre la cybercriminalité.

S. C.

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