Urssaf contre Uber : l’horizon s’éclaircit pour la plateforme de VTC
La plateforme de VTC Uber a remporté une première manche dans le contentieux qui l'oppose à l'Urssaf d'Ile-de-France. Retour sur la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS), qui a annulé le redressement de cotisations pour vice de procédure.
Rares sont les décisions des tribunaux des affaires de sécurité sociale qui sont relatées dans les quotidiens nationaux. Le jugement rendu par le TASS de Paris, le 14 décembre 2016, dans le litige opposant Uber France à l’Urssaf d’Ile-de-France, fait partie de ces exceptions. Sans doute à cause du montant du redressement opéré par l’Urssaf. Sans doute aussi à cause de la notoriété du cotisant épinglé. Mais, également, par l’intérêt de la motivation du jugement.
Les faits ayant déclenché le contentieux peuvent sembler pour le moins classiques : au début de l’année 2014, les services de police ont contrôlé un chauffeur VTC exerçant en tant qu’autoentrepreneur pour le compte d’Uber France. Les renseignements communiqués à l’Urssaf ont permis à l’organisme de recouvrement de s’apercevoir que l’intéressé ne déclarait aucun revenu. Des actions menées ensuite dans le cadre du Comité opérationnel départemental antifraude (CODAF) des Hauts-de-Seine ont permis de relever des cas similaires. Dès lors, fin 2014, l’Urssaf a organisé des auditions de chauffeurs et mené un contrôle inopiné au siège d’Uber France (sans avis de contrôle, en avril 2015, et avec un avis de contrôle en juin 2015), le personnel administratif étant entendu.
A la suite de ces investigations, l’organisme de recouvrement a requalifié les contrats de « partenariat » des chauffeurs en contrats de travail, dressé un procès-verbal, le 10 septembre 2015, relevant le travail dissimulé, qui a été transmis au parquet, et enfin, adressé une lettre d’observations, le 17 septembre 2015, pour un montant total de plus de 4 millions d’euros de redressement de cotisations. Après des échanges contradictoires et la saisine de la Commission de recours amiable, l’affaire est arrivée, fin 2016, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris pour aborder les irrégularités de procédure de contrôle invoquées par la plateforme.
Pour sa défense, Uber France a en effet invoqué la nullité du redressement en relevant deux arguments. Tout d’abord, la lettre d’observations aurait dû être signée par le directeur de l’Urssaf conformément aux dispositions de l’article R. 133-8 du code de la Sécurité sociale. Sur ce point, le jugement du TASS de Paris donne gain de cause à Uber France : dès lors que le contrôle de l’Urssaf n’a pas été conduit dans le cadre de l’article L. 243-7 du code de la Sécurité sociale, mais dans le cadre des dispositions de lutte contre le travail illégal édictées par les articles L. 8211-1 et suivants du Code du travail ; la lettre d’observations devait respecter le formalisme prescrit par l’article R. 133-8 du code de la Sécurité sociale et être donc signée par le directeur de l’organisme de recouvrement.
Autre argument, les droits de la défense n’ont pas été respectés au cours de la vérification puisque ni le nombre, ni l’identité, ni le compte rendu des auditions des chauffeurs par les agents de l’Urssaf n’ont été communiqués à la société. Là encore, le TASS de Paris donne gain de cause à la plateforme, constatant que le principe du contradictoire n’a pas été respecté par l’organisme de recouvrement.
Certes, ce jugement a été frappé d’appel par l’Urssaf. Toutefois, personne ne devrait se plaindre de cette décision ! Certainement pas ceux qui prônent la transparence et le dialogue au cours de la procédure de contrôle. « Ennemie jurée de l’arbitraire, la forme est la sœur jumelle de la liberté », avançait le juriste allemand Rudolf von Jhering, au XIXe siècle. Avant de s’intéresser au fond du litige, n’est-il pas logique de s’intéresser au respect de la procédure?
François TAQUET, avocat,
spécialiste en droit du travail et protection sociale