Droit — France

Attentats du Bataclan : le début du procès vu de l'intérieur par Me Catherine Szwarc

Le procès des auteurs présumés des attentats du 13 novembre 2015 a débuté à la cour d'assises spéciale de Paris la semaine dernière. L'avocate montpelliéraine Me Catherine Szwarc, qui représente des victimes, livre sa vision personnelle du début du procès…

Cinq heures du matin, le boulevard du Jeu de Paume est vide. Montpellier, ma belle ville, est fraîche et calme. Le train du 8 septembre 2021 me transporte au procès des attentats du 13 novembre 2021. J’y rencontrerai Claude Lienhard, professeur émérite et avocat au barreau de Strasbourg, fondateur de l’association INAVEM, devenue France Victime. Nous défendrons ensemble des victimes de l’attaque du Bataclan.

L’engagement au service des victimes

D’une seule plume, notre message pour débuter ce long procès d’une nuit d’horreur, de ce que l’un des accusés a nommé « le convoi de la mort », sera le suivant : “Enfin l’heure de la justice sonne ! Comprendre pourquoi. Savoir comment. Décrypter les trajectoires criminelles. Dire les yeux dans les yeux que l’arme du droit, la force du procès répondent à la violence barbare ! Montrer que les victimes, leurs proches et leurs avocats sont au rendez-vous de ce jour et des jours qui suivront, dans la durée et l’effectivité de l’audience de la cour d’assises spécialement composée ancrée, au cœur de la cité judiciaire à Paris. Pendant plusieurs mois, fidèlement, nous partagerons avec vous l’audience et tout ce qui fait lien autour. Il y aura beaucoup de comptes rendus et d’opinions émises. Modestement, à notre place, à hauteur de prétoire, nous témoignerons de notre ressenti avec notre subjectivité, notre vécu et notre expertise”.

Ambiance tendue

Chacun de notre côté, nous devons rejoindre le palais. Métro Pont Neuf pour moi. Paris est placée sous haute sécurité. Pour accéder au palais puis à la salle d’audience, des gendarmes, lourdement armés, des fourgons, six barrages, des contrôles, montrer son accréditation, carte d’avocat, portiques, cartable et sac au scanner. Ce dispositif rappelle la menace permanente. Restriction de liberté obligatoire, acceptée par tous pour une sécurité espérée.
La presse française et internationale, garante de l’écho, grouille hors du palais et dans la salle des Pas Perdus.

De nombreuses victimes sont venues. Elle attendent, calmes, tristes et dignes. Leur badge est suspendu à un cordon rouge (si elles refusent les questions de la presse) ou un cordon vert (si elles acceptent de répondre). Signe de bien-traitance des victimes.

La salle d’audience, remplie de robes noires, s’agite. Des discussions, des éclats de voix, parfois des retrouvailles.
Les accusés s’installent dans les box par ordre alphabétique. Ils ont une attitude grave. En les regardant, je pense aux morts, aux blessés, à ces centaines de victimes qui partageaient de part et d’autre des moments de détente et de bonheur, violemment interrompus.

Juger des hommes, analyser des faits, des actes. Pour ce “procès hors norme”, s’appliquer à “respecter la norme”. Ce propos introductif du président de la cour sera suivi des interrogatoires d’identité des accusés, puis de l’appel des victimes pour leur constitution de parties civiles. Deux questions agitent les bancs : la recevabilité de la constitution de partie civiles des personnes morales (le Bataclan, la Ville de Paris), et la distinction entre les victimes et les témoins malheureux (les personnes situées à l’intérieur du Stade de France, le policier hors service arrivé après les faits seraient des témoins…). Débat technique mais éprouvant pour ceux qui se voient contester le statut de victime.

Beaucoup de victimes traversent la salle et viennent jusqu’à la barre. Elles viennent chercher des réponses, la justice. Et sur nos bancs, nous savons qu’aucune peine, si lourde soit-elle, ne calmera leur douleur. L’injustice absolue de leur sacrifice restera intacte, car cette injustice est irréparable. Le moment est pesant.

Quand Salah Abdeslam s’exprime

Dans le box des accusés, pour l’instant, seul Salah Abdeslam s’est exprimé, au décours des questions d’état civil :
Nom et prénom ?
« Il n’y a pas de divinité autre qu’Allah, et Mohamed est son prophète ».
Profession ?
« Combattant de l’Etat islamique ».

Il reprendra la parole pour tenter de légitimer son combat et faire de la salle d’audience un auditorium personnel, en espérant trouver un écho.

Sur l’invitation du président de rester dans le sujet : « Mais vous êtes égoïste, vous ne voulez pas m’entendre alors que d’autres sont intéressés ».

Puis à l’occasion d’un malaise de Karkach, il accusera d’être traité « comme un chien », revendiquant un « droit au respect », dans le « pays des droits de l’homme » où la « présomption d’innocence » est la règle.

Une grande farce ? Non, une tuerie

S’il n’y avait 130 morts, plus de 900 blessés, toutes les familles brisées, on pourrait penser à une grande farce. Mais la réalité pue le sang et la mort. La souffrance et les larmes sont présentes. Des nombreux bancs réservés aux victimes monte par moment un souffle, des cris éparses se détachent, des grondements communs étouffés. Mélange de douleur, de colère, et d’incompréhension.

La première semaine prend fin sur les longues heures de lecture du rapport par le président et ses assesseurs, l’exposé des tueries, des investigations, des charges… Suspension jusqu’à lundi.
Un homme traverse la salle, s’immobilise devant les box, regarde fixement les accusés. Il a un ruban rouge autour du cou.

Je m’engouffre dans le métro !

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