Comité de défense anti-éolien industriel en mer - Compte rendu du meeting de Valras
Valras accueillait jeudi soir dans son écrin, le Palais de la Mer, quelques cent…
Valras accueillait jeudi soir dans son écrin, le Palais de la Mer, quelques cent cinquante participants venus écouter les arguments du Collectif intercommunal créé récemment pour faire échouer le projet d’une centrale éolienne en mer, au large du littoral ‘’Ouest de l’Hérault”. Ce projet s’il se réalisait serait une première en France !
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Quel est le contexte de ce mouvement d’hostilité ?
L’appel d’offres émanant du Ministère de l’Industrie s’inscrit dans le programme national ‘’Eole 2005”. Les objectifs du Gouvernement, en conformité avec le Protocole de Kyoto et les directives européennes induites, fixent une notable réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et une augmentation de la production des énergies renouvelables de 21% à l’horizon 2010 (15% actuellement). Aujourd’hui, la production d’électricité en France se répartit ainsi : 80% de nucléaire, 15% d’hydraulique, 5% de thermique, et l’éolien doit évoluer de – de 1% à 6% à la même échéance (source ADEME).
La Compagnie du Vent et le Groupe Shell, les seules entreprises ayant répondu à l’appel d’offres gouvernemental, ont informé depuis le printemps 2001 les Communes intéressées par leur projet dans lequel elles investissent 250 M€ à parts égales. Après avoir prospecté sur neuf sites depuis Sète jusqu’à Sérignan en passant par Marseillan où le sol basaltique fut jugé inadéquat ce binôme a repris contact, en 2004, avec les Collectivités de Portiragnes, Vias et Agde. « L’implantation du parc n’est pas définitive » aurait dit Marc Delacroix représentant de Shell WindEnergy. Nous attendons la décision de la Commission interministérielle pour réaliser l’étude d’impact, l’étude du sol, après quoi la demande de permis de construire sera demandée au Préfet. Ce n’est qu’à ce stade de la procédure que l’enquête publique pourra démarrer.
Cette situation pour le moins paradoxale est l’un des éléments qui aurait décidé les cinq élus et les trois responsables d’association à créer, début Avril, ce Collectif intercommunal. Ils l’ont déclaré lors de la conférence de presse du 11 mai : « la Commission interministérielle va prendre sa décision fin juin, alors que les études d’impact et du sol n’ont pas été réalisées et personne ne peut se prévaloir des effets induits par une réalisation analogue puisque il s’agit d’une première en France. » Aussi, ont-ils demandé par courrier l’appui des élus des six Communes littorales représentées, des Présidents des deux Communautés d’Agglomération, des Parlementaires de l’Hérault, des Fédérations du tourisme et de l’hôtellerie de plein air, des Comités de pêche, des Prud’homies, ainsi que des Associations de protection de l’environnement. Dernièrement ils ont ouvert une campagne de pétition qu’ils ont officialisée pendant cette réunion de Valras. Elle aurait déjà rassemblé, selon eux, un millier de signataires. Ce Collectif intercommunal s’est aussi prévalu de plus de 600 membres résultant de l’adhésion d’une quinzaine d’associations locales et d’élus de Vendres (majoritairement contre le projet), Sérignan (idem), Agde, Portiragnes, Béziers et Vias où, nous dit-on, 25 élus sur 27 auraient adhéré alors que le Conseil Municipal aurait voté contre à l’unanimité (?).
Quel projet génère cette opposition qui grossit et semble aussi déterminée ?
Situé à une distance de 5 km des côtes, vers les 20 m de fond, à cheval sur la ligne des trois milles nautiques, le parc éolien de 11 km2, est composé de 34 aérogénérateurs de 3MW de puissance. Ce sont des monopieux coniques, en acier, de 5 m de diamètre à la base et 4 m au niveau de la plate-forme sur laquelle une nacelle protége un poste de transformation et une génératrice d’électricité qui anime un rotor composé de 3 pales de 90 m de diamètre. La partie émergée de l’engin culmine à 120 mètres, c’est-à-dire à une hauteur équivalente à un immeuble de quarante étages. Avec une production annuelle de 300 millions de KWh, cette centrale permettra d’alimenter 110 000 personnes en électricité à Agde et ses environs.
Les atouts annoncés par Shell et la Compagnie du vent
Les porteurs du projet en professionnels émérites ventent ses avantages. Les 34 éoliennes produiront une électricité « propre et renouvelable, source de développement économique et contribueront à la protection de l’environnement ». De plus, disent-ils « l’attraction touristique de ces installations offshore est encore plus remarquable que sur terre ». En outre, « ce projet va créer plus de 450 emplois pour la construction et l’exploitation du parc éolien dont une dizaine d’emplois permanents ». Enfin, « ces éoliennes éviteront chaque année l’émission de 200 000 tonnes de gaz carbonique qui auraient été rejetés si cette électricité avait été produite par une centrale thermique ».
Face à de tels arguments et à un enjeu extrêmement important puisque planétaire, que répliquent les protagonistes ?
Sur les aspects touristiques les points de vue du Collectif sont développés par Didier Denestebe. Le tourisme représente aujourd’hui le levier économique majeur de nos Communes littorales. Il suffit pour s’en convaincre, si certains en doutent encore, d’écouter le Préfet et Directeur général de la Mission Littorale Languedoc-Roussillon. Aux Assises des acteurs du tourisme dernièrement au Cap d’Agde avec le Maire d’Agde, après avoir évoqué la baisse de fréquentation suite à l’envolée de 2001 et la forte concurrence internationale notamment du Maroc et de la Croatie, ils invitaient les professionnels du tourisme à réagir et à faire les efforts nécessaires pour maintenir un haut niveau d’attractivité. « Le développement des activités touristiques repose essentiellement sur le label qualité » rappelle Didier Denestebe. « Cela relève de la qualité de l’image de nos stations, sur la qualité de leur animation, sur celle de leur hébergement et sur la qualité de leur environnement ». « Peut-on risquer d’hypothéquer de tels atouts acquis après trois décennies d’efforts aujourd’hui fragilisés et le potentiel de développement que ces stations et leur environnement représentent, en laissant installer une zone industrielle comme toile de fond de notre littoral ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit : une armée de 34 géants d’acier qui barrent l’horizon sur une étendue équivalente à 2250 terrains de foot ou de rugby ! » C’est l’homme de terrain qui s’exprime : « La mer est un espace totalement vierge. Avant de l’aménager, il convient d’évaluer les effets induits par un changement radical à long terme de ce paysage. Deux chiffres sont significatifs : 42% de la clientèle de nos stations est attirée par le bord de mer et 35% par la beauté des paysages. Ne pas prendre en compte ces données relève de sérieuses carences d’analyse, et nous faire croire que cette métallisation de l’espace mer attirera des touristes c’est prendre les professionnels du tourisme et les populations locales pour ce qu’ils ne sont pas ! »
Quelques chiffres éloquents sont rappelés par Christian Joviado. Ils illustrent ce que recouvre le tourisme en termes d’activités économiques sur le littoral appelé ‘’Ouest de l’Hérault ‘’, un territoire délimité à l’ouest par le Grau de Vendres et à l’Est par le Cap d’Agde : « une offre de 30 millions de nuitées, une fréquentation de 300 000 touristes, 10 000 emplois directs et indirects et un chiffre d’affaires global de près d’un milliard d’euros ». Il cite le rejet du préfet des PO qui dans son courrier adressé au Directeur régional du Service Maritime et de navigation du LR stipule : « de tels projets auraient un effet désastreux sur la fréquentation touristique du département. » Et termine son intervention en affirmant que la forte fréquentation touristique de ce territoire représente une contrainte certaine pour l’aboutissement d’un projet de cette nature.
Sur la pêche et la plaisance, tour à tour, Jean-Paul Palacio et Christian Babel exposent leurs opinions. Cette zone industrielle, implantée aux trois milles nautiques serait, d’après eux, à la limite de la zone de pêche des petits métiers et au démarrage de celle des chalutiers. « Elle figera une entrave permanente à la navigation de pêche et de plaisance et sera une gêne constante pour la vision de la côte ». En l’occurrence, les pêcheurs et plaisanciers de Valras perdront leur repère, la fameuse tour qui serait désormais effacée par les volutes géantes de la mer !
De plus, ils ont rappelé les dix ans de bataille qu’a livré la ville de Valras pour faire aboutir son projet d’immersion de trois barrières de récifs artificiels en mer afin de multiplier les ressources halieutiques. Aujourd’hui, le dossier est gelé parce que l’épi le plus à l’Est empiète la zone de la future implantation des éoliennes. « Comment peut-on accepter qu’un projet national vienne compromettre l’aboutissement de dix années de travail ? Comment voulez-vous que réagissent ceux qui fondaient leur espoir sur cet important projet porteur d’avenir ? »
Tous deux s’insurgent contre l’imposition de ce parc éolien sans consultation préalable. D’autant que cet espace en mer balisé, sera une zone interdite à la navigation de plaisance et qu’il ne sera pas possible de secourir des personnes en danger notamment par hélitreuillage.
Sur les aspects environnementaux, c’est Claude Exposito qui officie. « Cette centrale éolienne n’a pas sa place à quelques kilomètres de deux réserves naturelles et de trois zones d’intérêt écologique, faunistique et floristique. A fortiori sur le bord littoral le plus dégradé du Golfe du Lion. D’autant que l’ancrage de ces pieux dans le sous-sol peut entraîner la fragilisation des strates argileuses qui protègent la nappe astienne ». Cette nappe s’étend sur 450 km2 et alimente en eau potable 20 Communes du département de l’Hérault. « Elle représente un milieu unique et continu qu’il faut à tout pris préserver de toute pollution » poursuit-il.
L’on ressent à travers les propos de Claude Exposito le leitmotiv des membres de ce Collectif : « préserver de cette industrie polluante, le dernier paysage naturel qu’il nous reste et ses ressources écologiques ! »
Ce projet permet-il de lutter contre le réchauffement climatique ?
Pas du tout, affirme Gérard Metge porte parole du Comité de défense. « L’éolien à cause de son intermittence doit être doublé d’une centrale thermique et non par l’hydraulique comme le prétend Monsieur Germa, PDG de la Compagnie du Vent. Comment voulez-vous que l’hydraulique régule la production d’électricité de l’éventuelle centrale éolienne du Libron, alors qu’il ne peut répondre habituellement aux pics a fortiori une année de sècheresse où les nappes sont très basses ? ». L’éolien ne fonctionne en moyenne que pendant 25% du temps, explique-t-il, « d’ailleurs lorsque le souffle est trop important, il doit être débrayé. Il faut compter que chaque kwh d’éolien produit, induit 3 kwh de thermique si l’on veut assurer la régulation de la production d’électricité afin de répondre à la consommation continue et permanente des usagers. » Ce qui signifie en clair que la quantité de CO2 économisée par l’éolien est trois fois moins importante que celle produite par le thermique pour le réguler. Ce sont précisément les Pays les plus producteurs d’énergie éolienne dans le Monde, l’Allemagne et le Danemark, qui génèrent le plus de GES. « Et que l’on nous dise pas que c’est la qualité et la quantité de vent de notre littoral qui fait surgir ces projets dits ‘’durables”, car notre bord de côtes est certainement le moins venté de tout le Golfe du Lion. »
« Quant au mécanisme financier institué par l’arrêté ministériel Cochet de 2001, il est inacceptable ! EDF doit acheter l’électricité produite par l’éolien trois fois plus cher que son coût de revient, poursuit-il, et ce sont les usagers d’EDF qui assument le différentiel à travers le règlement de la Contribution au Service Public d’Electricité » (la fameuse CSPE). En plus de l’aspect inesthétique de cette industrie lourde Gérard Metge fait ressortir l’impressionnant raccordement électrique que nécessite cette installation aussi bien en mer qu’à terre et la durée de travaux importants qui va geler pendant deux ou trois ans toute activité littorale.
Ensuite Pierre Bonn, présente les points de vue de la Fédération ‘’Vent de colère !’‘(200 associations adhérentes), dont il est le porte parole. On retrouve dans la succession des visuels qu’il commente les arguments des membres du Comité. Il démontre, notamment, que la production d’électricité n’intervient que faiblement dans l’émission de GES comparativement aux autres sources de ces effluents : le transport, l’industrie et le chauffage notamment. Que les pertes correspondantes en revenus et emplois sont très au-delà des miettes provenant de la taxe professionnelle dont les 75% sont financés par les contribuables. Que les dix emplois permanents annoncés ne représentent rien par rapport aux pertes occasionnées par le sabotage de tous les efforts consentis par les acteurs du tourisme qui ont fait de la France la première destination touristique au monde. « Et que dire de la perte de valeur des logements édifiés en bordure d’un paysage artificialisé, d’autant que les 10 000 à 14 000 MW que veut installer le lobby pro-éolien pour 2010 avec l’appui des verts ne parviendront pas à répondre à l’augmentation de la demande d’électricité. »On nous rabat les oreilles, dit-il, avec le retard de la France sur l’Allemagne. Or l’éolien allemand est un désastre écologique total (voir DER SPIEGEL n°14 du 29 mars 2004), et cela malgré l’importation massive d’électricité française. Et oui, la France exporte 13% de sa production. « Mieux que les avions renifleurs et le Crédit Lyonnais, extorquer au profit des multinationales de l’énergie, l’argent des habitants du pays contre des nuisances et des gaz à effet de serre , tout en sabotant le tourisme, est la formidable arnaque qu’a réussi Cochet, de Jospin à Raffarin ! »
« Savez-vous ce que va coûter aux français le programme ‘’Eole 2005” ? 20 milliards d’euros environ », affirme Gérard Metge qui prolonge le propos de Pierre Bonn afin d’amorcer la conclusion de cette réunion riche en information et pour le moins convaincante, si l’on en juge les commentaires post réunion. « Tout ceci nous conforte dans l’idée qu’il faut militer pour le développement durable et la diversification des énergies renouvelables. Ceci dans un équilibre résultant d’un choix défini par les élus et les populations locales entre : le solaire, la géothermie, l’hydraulique, la biomasse, le ferroutage, le biocarburant, la gestion de l’eau, l’arrêt des gaspillages, ….
« En l’occurrence, la destruction d’un paysage et la lourde menace qui pèse sur la fragile économie de notre territoire littoral mérite, a minima, que tous les élus concernés en débattent sérieusement, l’enjeu est de taille ! » faisait remarquer Michel Royo.
De toute façon, au-delà de l’installation de cette zone industrielle au large du littoral, les participants à cette réunion ont eu raison de venir écouter ceux qui sont apparus comme des citoyens responsables préoccupés par l’intérêt des populations locales. « Soyons conscients, disait l’un d’entre eux en aparté, que l’avenir énergétique est probablement l’un des trois défis majeurs de ce siècle avec la gestion de l’eau et des ressources alimentaires liés, ensemble, à la croissance économique et à la démographie.»
Mais ceci est un autre débat !