Conseil d'Etat et tribunal des conflits : analyses de la jurisprudence de décembre 2017
Le Conseil d'Etat a publié le 25 janvier sur son site les analyses de la jurisprudence du Conseil d'Etat et du tribunal des conflits rendue en décembre 2017. L'essentiel des décisions…
Les décisions
Actes. Le Conseil d’Etat juge qu’il appartient au seul président de la République de nommer le président de la commission prévue au dernier alinéa de l’article 25 de la Constitution. Il précise qu’il ne peut en principe procéder à cette nomination sans qu’ait été émis l’avis des commissions permanentes compétentes des deux assemblées dans les conditions prévues par l’article 13 de la Constitution, sauf dans le cas où, comme en l’espèce, cette formalité s’avérerait impossible. CE, 13 décembre 2017, Président du Sénat, n° 411788, A.
Actes. La décision par laquelle le bureau du CESE statue sur la recevabilité d’une pétition dont il est saisi en vertu du troisième alinéa de l’article 69 de la Constitution et de l’article 4-1 de l’ordonnance du 29 décembre 1958 a le caractère d’une décision administrative susceptible d’un recours pour excès de pouvoir. CE, 15 décembre 2017, M. B…, n° 402259, A.
Autorités de régulation. Appliquant les règles dégagées dans la décision d’Assemblée Société Fairvesta International GMBH et autres aux lignes directrices d’une autorité de régulation, le Conseil d’Etat juge que ces dernières sont susceptibles de recours pour excès de pouvoir et fixe les conditions de ce recours. CE, 13 décembre 2017, Société Bouygues Télécom et autres, n°s 401799, 401830 et 401912, A.
Bioéthique. Le Conseil d’Etat précise divers aspects du régime juridique applicable à la décision de limiter ou d’interrompre des traitements dont la poursuite traduirait une obstination déraisonnable lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, notamment s’il s’agit d’un mineur. CE,6 décembre 2017, Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés, n° 403944, A.
Bioéthique. Au regard de la finalité poursuivie par le législateur d’éviter la remise en cause de l’éthique qui s’attache à toute démarche de don d’éléments ou de produits du corps humain, le juge administratif n’exerce pas de contrôle de conventionnalité in concreto sur la mise en œuvre des dispositions législatives relatives à l’anonymat du don de gamètes. CE, 28 décembre 2017, M. M…, n° 396571, A.
Données à caractère personnel. L’utilisation par un employeur d’un système de géolocalisation pour le contrôle de la durée du travail de ses salariés n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût-il moins efficace. CE, 15 décembre 2017, Société Odeolis, n° 403776, A.
Etrangers. Le Conseil d’Etat précise les conditions dans lesquelles une décision d’extradition peut être prise à l’égard d’une personne réclamée après qu’un arrêt de la CEDH a constaté que l’exécution d’une première décision d’extradition de cette personne emporterait violation de l’une des stipulations de la convention. CE, Section, 22 décembre 2017, M. R…, n° 408811, A.
Fiscalité. Sanctions. Le législateur ayant – par l’article 1734 ter du CGI, déclaré conforme à la Constitution et jugé compatible avec les stipulations des articles 6 et 1P1 de la convention EDH – entendu limiter le contrôle exercé par le juge, pour chaque sanction prononcée, à un plein contrôle sur les faits invoqués, manquement par manquement, et sur la qualification retenue par l’administration, il n’appartient pas au juge de contrôler in concreto la proportionnalité du montant de l’amende contestée devant lui. CE, 4 décembre 2017, Société Edenred France, n° 379685, A.
Police. Contrôle aux frontières. La menace renouvelée que constituent l’activité et le niveau élevé de la menace terroriste en France justifie la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures de la zone Schengen pour une durée fixée d’emblée à six mois. CE, 28 décembre 2017, Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers et autres, n° 415291, A.
Urbanisme. Le Conseil d’Etat précise les conditions d’entrée en vigueur et de maniement de l’article L. 600-9 du code de l’Urbanisme, notamment en appel. Il juge en outre que des éléments postérieurs à l’acte en litige peuvent être pris en compte pour apprécier le caractère « danthonysable » de vices de forme ou de procédure. CE, Section, 22 décembre 2017, Commune de Sempy, n° 395963, A.
Quelques décisions à mentionner aux Tables
Acte. Une décision non formalisée de l’administration accordant un avantage financier révélée par les circonstances de l’espèce crée des droits au profit de son bénéficiaire et ne peut dès lors être retirée si elle est illégale que dans un délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. CE, 13 décembre 2017, Centre communal d’action sociale d’Aimarguesc/ Mme B…, n° 393466, B.
Aide sociale à l’enfance. A la suite du rejet de la demande de mainlevée du placement à l’ASE par le juge des enfants, un département ne peut utilement se prévaloir de l’âge vraisemblable de l’intéressé et de ce qu’une OQTF a été prise à son égard pour contester la décision du juge administratif lui ordonnant de prendre en charge l’intéressé. CE, 27 décembre 2017, Département de la Seine-et-Marne c/ M. D…, n° 415436, B.
Asile. Les stipulations de l’article 1 F de la Convention de Genève n’exigent pas que soient établis des faits précis caractérisant l’implication du demandeur d’asile dans des agissements excluant le bénéfice de la protection. CE, 4 décembre 2017, Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), n° 403454, B.
Asile. Permis de conduire. L’échange d’un permis de conduire étranger dont la durée de validité est expirée, appartenant à un réfugié, contre un permis français n’est possible que si l’intéressé s’est trouvé empêché d’en obtenir le renouvellement par le risque de persécutions auquel il est exposé dans son pays. CE, 4 décembre 2017, M. A…, n° 406700, B.
Bioéthique. Au regard de la gravité du risque, des mesures pouvant raisonnablement être mises en œuvre et de l’absence de données relatives à une contre-indication plus courte, le Conseil d’Etat juge que le ministre des Affaires sociales et de la Santé n’a pas adopté une mesure discriminatoire illégale en substituant à la contre-indication permanente au don de sang existant antérieurement pour tout homme ayant eu des rapports homosexuels une contre-indication de douze mois après le dernier rapport sexuel avec un autre homme. CE, 28 décembre 2017, D… et Association Mousse et autres, n°s 400580 414973, B.
Contrats. Le Conseil d’Etat admet la légalité des « clauses d’interprétariat » d’un marché public imposant le recours à un interprète pour exposer les droits sociaux dont disposent les travailleurs et les règles de sécurité qu’ils doivent respecter sur le chantier. CE, 4 décembre 2017, Ministre d’Etat, ministre de l’intérieur c/ Région Pays de la Loire, n° 413366, B.
Contrats. Une réticence ou une fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré de nature à avoir changé l’objet du risque ou à en avoir diminué l’opinion pour l’assureur constitue un vice d’une particulière gravité justifiant que le juge écarte, en application de la jurisprudence Béziers I, un contrat d’assurance conclu dans le cadre d’un marché public CE, 6 décembre 2017, Société Axa Corporate Solutions Assurances, n° 396751, B
Enseignement supérieur. Dans les formations en tension, le tirage au sort des candidats à une première année de licence ou à une première année commune aux études de santé ayant obtenu le même classement ne peut intervenir qu’à titre exceptionnel pour départager un nombre limité de candidats. CE, 22 décembre 2017, Association SOS Education, association Promotion et défense des étudiants, association Droit des lycéens, n°s 410561 410641 411913, B
Environnement. L’auteur d’un recours tendant à l’annulation de la décision préfectorale approuvant un plan de prévention des risques technologiques peut utilement invoquer l’irrégularité de procédure résultant de la méconnaissance des modalités de concertation définies par le préfet, mais ne peut utilement exciper de l’illégalité de la décision par laquelle le préfet a fixé ces modalités. CE, 6 décembre 2017, Ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer c/ ARUSS Gaz Touraine et autre, n° 400735, B.
Fiscalité. Les cessions, par un club de football professionnel, des immobilisations incorporelles que sont les contrats de joueurs, revêtent un caractère habituel et doivent être prises en compte dans le calcul de la valeur ajoutée pour la détermination de la cotisation minimale de taxe professionnelle. CE, 6 décembre 2017, Ministre des finances et des comptes publics, n° 401533, B.
Fiscalité. Pour l’application de l’exonération des plus-values réalisées à l’occasion de la transmission d’une branche complète d’activité (I et II de l’article 238 quindecies du CGI), le transfert d’immeubles essentiels à l’activité en cause peut être regardé comme complet, en l’absence d’apport en pleine propriété, dès lors qu’il garantit à son bénéficiaire, pour une durée suffisante au regard de la nature de l’activité transmise, le libre usage de ces immeubles aux fins de l’exploitation de cette activité. CE, 8 décembre 2017, M. K…, n° 407128, B.
Fiscalité. Une société qui n’a pas expressément renoncé au bénéfice du régime des sociétés mères peut exercer cette option dans le délai de réclamation prévu à l’article R. 196-1 du LPF. CE, 20 décembre 2017, Société Worms et Cie, n° 414974, B.
Fiscalité. Dans le cas où la charge d’entretien d’un enfant mineur est partagée entre les parents vivant en concubinage et qu’aucun d’entre eux ne justifie en avoir la charge principale, cette charge est réputée également partagée et ouvre droit, pour chaque parent, à une majoration du nombre de parts de quotient familial égale à la moitié de celle à laquelle ouvrirait droit un enfant dont ce parent assumerait la charge d’entretien à titre exclusif ou principal. CE, 20 décembre 2017, M. T…, n° 397650, B.
Fiscalité. L’absence d’apport en pleine propriété d’immeubles ne fait pas obstacle à ce que le transfert des éléments essentiels d’une activité soit regardé comme complet au sens de l’article 238 quindecies du code général des Impôts, dès lors qu’il garantit à son bénéficiaire, pour une durée suffisante au regard de la nature de l’activité transmise, le libre usage de ces immeubles aux fins de l’exploitation de cette activité. CE, 8 décembre 2017, M. K…, n° 407128, B.
Fiscalité. Procédure. Le moyen tiré de ce que les dispositions commentées par une instruction fiscale seraient incompatibles avec les objectifs d’une directive régissant seulement les opérations intéressant des sociétés d’Etats membres différents, soulevé par un contribuable n’ayant intérêt à demander l’annulation de cette instruction qu’en tant qu’elle concerne les situations purement internes, est inopérant. CE, 20 décembre 2017, M. K…, n° 414935, B.
Fiscalité. TVA. Les recettes résultant de la refacturation, par une société holding tête de groupe, de prestations de conseil à ses filiales ayant réalisé les prises de participation qui faisaient l’objet de ces prestations, pour respecter le principe selon lequel les transactions entre sociétés liées doivent s’effectuer selon les conditions normales de marché, correspondent à des opérations ouvrant droit à déduction dès lors qu’elles constituent pour la société holding tête de groupe la rémunération d’une activité économique occasionnelle et qu’une personne assujettie à la TVA pour une activité économique exercée de manière permanente doit être considérée comme assujettie pour toute autre activité économique exercée de manière occasionnelle. CE, 13 décembre 2017, Société Lagardère SCA, n° 397580, B.
Fonction publique. Responsabilité. L’étendue de la responsabilité de l’administration qui a laissé un fonctionnaire sans affectation au-delà d’un délai raisonnable s’apprécie en tenant compte des démarches qu’il appartient à l’intéressé d’entreprendre, eu égard tant à son niveau hiérarchique qu’à la durée de la période pendant laquelle il a bénéficié d’un traitement sans exercer aucune fonction. CE, 6 décembre 2017, Ministre des affaires étrangères et du développement international c/ M. P…, n° 405841, B.
Permis de conduire. Le Conseil d’Etat précise les modalités de restitution de points en cas de commission d’une infraction ayant entraîné le retrait d’un point. CE, 4 décembre 2017, Ministre de l’intérieur c/ Mme D…, n°402423, B.
Procédure. Le pourvoi en Cassation contre une ordonnance de référé suspendant une décision administrative n’est, en principe, pas privé d’objet par l’intervention de la décision prise en exécution de l’injonction de réexamen prononcée par ce juge. CE, 28 décembre 2017, Min. de l’environnement, de l’énergie et de la mer c/ société Gazonor, n° 406147, B.
Responsabilité. Le défaut de surveillance ou de vigilance d’un détenu ne peut être retenu qu’à la condition qu’il résulte de l’instruction que l’administration pénitentiaire n’a pas pris, compte tenu des informations dont elle disposait, les mesures que l’on pouvait raisonnablement attendre de sa part pour prévenir le suicide. CE, 28 décembre 2017, M. M…, n° 400560, B.
Responsabilité. Sont invocables en appel de nouveaux chefs de préjudice, dès lors qu’ils se rattachent au même fait générateur que ceux invoqués en première instance. L’appelant ne peut majorer ses prétentions que si le dommage s’est aggravé ou s’est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu’il attaque. CE, 18 décembre 2017, M. G…, n° 401314, B.
Santé publique. L’absence de vaccination d’un enfant et l’inscription de mentions mensongères portées sur son carnet de santé par un médecin constituent des faits de nature à caractériser une faute au regard des articles R. 4127-40, R. 4127-3 et R. 4127-32 du code de la Santé publique. CE, 22 décembre 2017, M. T…, n° 406360 406589, B.
Travail. Le litige par lequel l’employeur demande l’annulation du refus d’autoriser le licenciement d’un salarié protégé ne saurait être privé d’objet en raison de ce qu’il aurait cessé, en cours d’instance, de faire obstacle au licenciement, soit parce que l’administration l’aurait abrogé en accordant l’autorisation sollicitée, soit en raison de la fin de la période de protection du salarié. CE, 22 décembre 2017, Société Allis, n° 399804, B.
Travail et emploi. Le licenciement d’un salarié ayant refusé la modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’accord prévu au I de l’art. L. 2254-2 du code du Travail n’est pas contraire aux articles 4, 8 et 9 de la Convention internationale du droit du travail n° 158 concernant la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur. CE, 7 décembre 2017, CGT-FO et Syndicat CGT Goodyear Amiens et autres, n°s 408379, 408450, B.
Tribunal des conflits
> Télécharger les analyses du TC de novembre 2017 en pdf Les décisions
Contrats. Le titulaire d’une convention conclue avec une collectivité publique pour la réalisation d’une opération d’aménagement ne saurait être regardé comme un mandataire de cette collectivité, sauf s’il résulte des stipulations qui définissent sa mission ou d’un ensemble de conditions particulières prévues pour l’exécution de celle-ci que la convention doit en réalité être regardée comme un contrat de mandat, par lequel la collectivité publique demande seulement à son cocontractant d’agir en son nom et pour son compte. TC, 11 décembre 2017, Commune de Capbreton, n° 4103, A.
Police administrative. La juridiction administrative est compétente pour se prononcer sur la créance détenue par l’Etat sur une personne privée au titre des frais afférents à une intervention en mer exécutée dans le cadre d’une mission de police administrative. TC, 11 décembre 2017, Agent judiciaire de l’Etat c/ sociétés MPC Münchmeyer Petersen Steamship GmbH & Co KG et la société Triton Shiffahrts GmbH & Co KG, n° 4107, A.
Travail. La juridiction judiciaire est compétente pour connaître de la demande d’annulation d’une attestation de l’inspecteur des impôts établissant le bénéfice net servant au calcul des participations des salariés aux résultats de l’entreprise. TC, 11 décembre 2017, Société Esso SAF c/ Ministère de l’action et des comptes publics, n° 4104, A.
Autre décision
Prestations sociales. La juridiction judiciaire est compétente pour connaître d’une demande tendant à la réparation d’un préjudice imputable à une faute commise par la MDPH dans l’instruction et la transmission d’une demande de prestation, en l’espèce le complément à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, et dont le contentieux relève de cet ordre de juridiction. TC, 11 décembre 2017, M. A… c/ La Maison départementale des personnes handicapées de l’Hérault (MDPH 34), n° 4105, B.