Création de sites Web : éviter le piège des contrats « one shot »
Ces dernières années, les contentieux relatifs aux contrats de location financière se sont multipliés dans le domaine du développement de sites Internet. Ces contrats dits « one shot » sont destinés, notamment, aux artisans et aux petits commerçants.
Nombreuses sont les victimes des pratiques de ces contrats « one shot », par le biais desquels un prestataire propose ses services de création de sites Web à un client, financés par un contrat de location financière.
Ces contrats prévoient que les loyers correspondant à la réalisation de la prestation sont payés par le client à une société de leasing chargée du recouvrement de ceux-ci. La fréquence de l’inexécution ou de l’exécution partielle des prestations convenues avec le développeur contraint les artisans et commerçants à rechercher des solutions permettant de se dégager de leur engagement de paiement, au vu de la complexité du montage contractuel mis en place.
La difficulté provient essentiellement du fait que ces contrats « one shot » reposent le plus souvent sur la signature concomitante et frauduleuse du contrat de prestation, du contrat de financement et d’un procès-verbal de réception attestant de la bonne fourniture par le prestataire des prestations convenues, alors même que celles-ci n’ont pas encore débuté.
Si différents arguments sont fréquemment invoqués devant les juridictions saisies (interdépendance des contrats, cession des droits de propriété intellectuelle, divergence d’objet des contrats, dol, clause abusive1, etc.), rares sont les décisions rendues en faveur des clients.
L’horizon a semblé s’éclaircir à la suite d’un arrêt rendu le 28 février 2013 par la cour d’appel de Paris, qui a prononcé la résolution d’un tel contrat aux torts du prestataire. Dans cette affaire, le client avait adressé plusieurs courriers au prestataire pour invoquer des malfaçons et exposer que le site ne fonctionnait pas de manière satisfaisante, avant de justifier l’arrêt des prélèvements et sa demande de résiliation du contrat. A la suite de l’arrêt des prélèvements, la société de location financière avait assigné le client afin que soit constatée la résiliation de plein droit du contrat aux torts du client et d’obtenir sa condamnation à paiement. La cour d’appel avait prononcé la résolution du contrat.
Pourtant, la Cour de cassation vient de casser l’arrêt ainsi rendu2 : selon elle, en se déterminant ainsi sans apporter de précisions suffisantes sur les malfaçons et dysfonctionnements ainsi invoqués ni sur leur degré de gravité, la cour d’appel ne l’a pas mise en mesure d’exercer son contrôle.
Quelques recommandations
Par conséquent, les recommandations à destination des artisans et commerçants susceptibles de succomber aux sirènes des contrats « one shot » habilement présentés par des commerciaux indélicats restent plus que jamais d’actualité :
• ne pas signer, concomitamment au contrat de prestation de service, un procès-verbal de réception attestant, de manière anticipée, de la conformité à ses besoins d’un site dont le développement n’a même pas encore débuté ;
• penser à établir un cahier des charges afin de spécifier ses besoins, qui servira de base à l’appréciation de la conformité des développements réalisés ;
• ne pas s’engager au titre d’une hypothétique prestation d’hébergement ou de référencement de son site Internet sur une durée trop longue, afin de rester en mesure de mettre régulièrement en concurrence les différents prestataires
du marché ;
• prendre soin de coucher par écrit les non-conformités et réclamations adressées au prestataire et, le cas échéant, faire constater par huissier de justice le défaut de conformité.
Autre préconisation, dans la mesure du possible, négocier auprès du prestataire le versement du solde des prestations une fois la période de garantie du site Internet expirée, celle-ci intervenant en principe plusieurs mois après la date de livraison du site. Il convient également de s’assurer de rester titulaire du nom de domaine du site Internet, y compris lorsque celui-ci est réservé par le prestataire… et enfin, de faire jouer la concurrence en sollicitant au minimum deux devis différents.
Viviane GELLES,
avocat au barreau de Lille
1 – CA de Paris. Pôle 2. Ch. 2. 06/03/2015. RG n° 13/20879.
2 – C. cass. Ch. Com. 05/04/2016.