CROEC Occitanie, Freddy Nicolas : « Nous avons quatre ans pour créer un modèle de fonctionnement régional équitable »
Freddy Nicolas, expert-comptable à Villefranche-de-Lauragais, a été élu président du nouveau conseil de l’ordre des experts-comptables (CROEC) d’Occitanie, créé le 8 décembre 2020 et issu de la réunion des CROEC de Montpellier (Languedoc-Roussillon) et Toulouse (Midi-Pyrénées). Il évoque, pour la rédaction de l’HJE, les défis à relever pour servir au mieux la profession.
Nota bene : Pendant deux ans, monsieur Pascal CASTANET est vice-président du conseil régional de l’Ordre d’Occitanie, président délégué en charge de la représentation territoriale de Montpellier.
Quelles sont vos premières impressions, suite à votre élection à la présidence du CROEC Occitanie ?
Freddy Nicolas : « Certes, je suis président, mais nous sommes avant tout un groupe de 36 élus. Il s’agit d’une belle équipe, composée de gens d’expérience mais aussi de personnes qui en ont moins. Nous avons un bon équilibre d’élus, ce qui va nous permettre de faire du bon travail. Cette élection nous donne la satisfaction de pouvoir défendre tous nos projets, et croyez-moi, nous en avons beaucoup. Nous exerçons un beau métier qui a un bel avenir et qui est exercé par de belles personnes. Maintenant nous avons du travail pour les quatre années à venir. »
Quels sont les défis liés à la réunion des deux Ordres ?
Freddy Nicolas : « Depuis la création de l’Ordre en 1945, les Ordres de Montpellier et Toulouse ont des fonctionnements différents. Même si la finalité est la même, nous avons des modalités d’application différentes, des mentalités différentes et des usages différents. C’est difficile à faire changer, même pour une profession évolutive, à l’affût de tout changement. Il faudra une période de mise au point et d’adaptation. Mais je suis très positif, car je sais que nous travaillons tous dans le même sens, pour le bien de nos clients et de la profession. C’est un point commun essentiel. Les premières semaines ont mis en avant nos différences de fonctionnement, des écueils, mais cela nous permet d’avancer, de nous remettre en cause et de remettre à plat nos fonctionnements respectifs. L’harmonisation oblige à faire preuve de créativité et à se poser les bonnes questions. Je suis également très positif parce que les Toulousains connaissent déjà les Montpelliérains. Nous avons eu des réunions communes avant même la fusion, notamment organisées par des prestataires informatiques. Il y a une confiance mutuelle et des affinités entre Pascal Castanet, président délégué, montpelliérain, qui prendra ma suite au bout de deux ans, et moi. Nous nous apprécions et nous nous côtoyons depuis de nombreuses années. A titre personnel, je me sens très proche de l’Occitanie Est, où j’ai déjà investi dans l’immobilier il y a dix ans. »
Quels sont vos projets pour le CROEC Occitanie ?
Freddy Nicolas : « Nous avons bâti notre campagne autour de 4 axes…
1 / Réussir la réunion des deux Ordres malgré les divergences de fonctionnement et fournir le même service en étant moins nombreux. De 48 élus au total (24 de chaque côté), tous bénévoles, nous sommes passés à 36 élus. Il va falloir faire avec, tout en étant efficaces.
L’une des solutions consiste à ouvrir les commissions non régaliennes à des experts-comptables qui n’ont pas été élus (jusqu’à présent, en Occitanie Est, les commissions permettant d’organiser les instances étaient réservées aux élus), en concertation avec le bureau. Les commissions permettent aussi de déceler des talents et les successeurs. Les commissions concernant le régalien (déontologie tableau, contrôle qualité) restent réservées aux élus car elles sont très techniques et stratégiques. Par exemple, on n’est légitime pour gérer les conflits entre confrères ou consœurs que si l’on est élu.
Nous sommes 36 élus. Notre bureau est composé de 10 personnes : un président et un vice-président président délégué, Pascal Castanet ; 3 vice-présidents de chaque côté, 1 trésorier et 1 trésorier adjoint.
Nous réfléchissons avec l’équipe de Montpellier à une organisation équilibrée pour maintenir le maillage territorial. Le but est de réunir ces 2 régions en instaurant l’équité entre les 2 territoires rassemblés. Une équité en nombre : le bureau, c’est 5 personnes provenant de l’ex-Toulouse et 5 venant de l’ex-région de Montpellier. En instaurant un équilibre parfait, nous pensons également aux mandatures suivantes. Pour que l’équilibre soit pérenne sur les exercices suivants, nous créons dès à présent un modèle de fonctionnement équitable pour les 2 anciennes régions. Notre volonté est que nos confrères de toute l’Occitanie (73.000 km2) se sentent parfaitement représentés et qu’ils aient envie de participer à la vie de nos instances et de s’investir pour les mandats suivants. Je suis élu pour quatre ans, mais il est prévu que dans deux ans, je cède ma place au vice-président du conseil régional d’Occitanie, président délégué, Pascal Castanet (Montpellier). Un président délégué toulousain l’assistera. Cette présidence alternée devrait permettre que les confrères se sentent concernés et impliqués. La présidence alternée doit être le nouveau modèle en Occitanie. Si un président restait trop longtemps, ce ne serait pas forcément bon, car il serait assimilé à son ex-région de provenance. Et cela pourrait créer un sentiment d’injustice de la part de certains confrères, qui n’auraient alors peut-être pas envie de participer aux commissions. Or, nous tenons à ce que de nouvelles personnes entrent dans les commissions non-régaliennes. Par exemple, la commission communication – j’en ai fait partie durant quatre ans à Toulouse – doit être ouverte et ne doit pas se tenir qu’entre élus. Nous devons tenir compte du vécu des 1.850 experts-comptables que nous représentons.
2 / Accompagner la profession dans les changements à venir.
La numérisation des cabinets, de façon déontologique, est une obligation, car la profession d’expert-comptable est réglementée. Nous allons continuer les Journées numériques qui ont lieu depuis quatre ans à Toulouse et Montpellier. Il s’agit de journées d’ouverture à la connaissance et d’information sur les risques de piratage menées par des experts en cybersécurité de la police judiciaire. Ces Journées numériques sont ouvertes aux experts-comptables, bien entendu, mais aussi aux collaborateurs des cabinets, car les gestes de cybersécurité doivent être un réflexe pour tous. Nous sommes formés à la lutte antiblanchiment, mais il faut former aussi nos collaborateurs. Nos clients peuvent être victimes ou acteurs du blanchiment, et chaque salarié ou expert-comptable doit être à même de le déceler. Ces formations ne s’adressent donc pas uniquement aux 1.850 experts-comptables d’Occitanie, mais aussi à leurs salariés. »
3 / Accroître l’attractivité de la profession et de ses métiers
Les cabinets ne seraient rien si nous n’avions pas des collaborateurs à nos côtés. Nous devons assurer et renforcer l’attractivité de nos métiers auprès des jeunes, en présentant la profession dans tous les établissements d’enseignement pour montrer la réalité de notre travail. Je donne des cours depuis douze ans aux futurs experts-comptables. Il faut expliquer qu’il y a une place pour chacun, à chaque niveau de diplôme. Nous recrutons continuellement ; nous avons besoin de jeunes. Notre travail a énormément évolué ; nous ne sommes plus un métier de paperasse. On numérise, on utilise les bons outils. Notre travail est passionnant. Et c’est un secteur où il n’y a pas de chômage. Nous avons même du mal à recruter. Si on intéresse les jeunes, si on les fait participer, si on les fait évoluer et qu’on les dirige vers plus de responsabilités, on les garde au sein de nos cabinets. Un cabinet d’expert-comptable, c’est une famille. Personnellement, je suis entré en cabinet avec seulement un bac + 2 en poche. J’avais suivi un cursus entreprise-banque, et je suis entré en cabinet pour parfaire mon CV. J’ai découvert la réalité du métier d’expert-comptable, qui est le conseil du chef d’entreprise et se trouve au centre de l’économie. On me faisait participer aux entretiens avec les clients. Et je me suis dit que ce métier était pour moi. J’ai repris mes études tout en gérant le bureau secondaire où j’étais, et j’ai ensuite obtenu mon diplôme et racheté l’antenne où j’exerçais. Etant sportif, j’ai appris à ne jamais abandonner et à aller jusqu’au bout de ce que j’entreprends. Avec mon associée, nous sommes 14 personnes au cabinet, dont beaucoup de masters et de licences. Je tiens donc à faire passer le message que même si l’on ne va pas au bout du diplôme d’expert-comptable, on peut trouver sa place au sein d’un cabinet. »
4 / Défense du diplôme et de la marque expert-comptable
Dans l’exercice de ma profession, j’ai suivi 2 directions. La formation en tant que contrôleur de stages, animateur de journées de stage obligatoires, puis pendant quatre ans contrôleur principal de stages, en ma qualité de vice-président. Mais il faut savoir que je suis rentré à l’Ordre des experts-comptables par la commission Répression de l’exercice illégal de la profession. Cela fera douze ans que j’y suis : quatre ans en tant que non élu, quatre ans en tant que président de cette commission en région, puis comme membre de la commission nationale de la répression de l’exercice illégal.
Je suis un fervent défenseur du diplôme d’expertise comptable, qui est difficile à obtenir, et qui est garant d’une image et d’un savoir-faire importants. J’ai moi-même passé la plupart des UV en candidat libre. Reconnu par les chefs d’entreprise, il est gage de notre savoir-faire et de notre déontologie. Il faut donc se battre pour garder cette marque expert-comptable. Les chefs d’entreprise ne doivent pas se laisser berner par les sirènes d’ « illégaux » non inscrits à l’Ordre, pas assurés, sans déontologie, qui leur font prendre d’énormes risques.
J’invite les chefs d’entreprise à aller sur le site de l’Ordre des experts-comptables, sur l’annuaire national de l’Ordre, et à remplir les nom et prénom de la personne qui se présente à eux en tant qu’expert-comptable, pour vérifier qu’il le soit bien. Les chefs d’entreprise sont à la merci des « illégaux ». Leurs tarifs sont les mêmes que les nôtres, mais sans garantie. En douze ans à la commission Répression de l’exercice illégal de la profession, j’ai vu des dossiers affolants de détournements de fonds, de blanchiment et des bilans de complaisance qui ont conduit à des redressements énormes. Les chefs d’entreprise sont alors désemparés. »
Quelles sont les premières dates importantes de votre calendrier en tant que président ?
Freddy Nicolas : « Tous les jours sont importants quand on est président ; on est en permanence au service de la profession. Plus globalement, c’est compliqué car toutes les dates sont tronquées au vu de la crise sanitaire. J’ai eu un rendez-vous en visio avec le sous-préfet à la relance. Une relance que nous espérons la plus rapide possible. Je serai présent à la rentrée solennelle de la cour d’appel de Toulouse en présentiel le 15 janvier. Dans l’Occitanie Est, les rentrées solennelles seront toutes en visio. Si elles se font finalement en présentiel, j’y assisterai évidemment avec Pascal Castanet. Il est important que l’on nous voie tous les deux. Il y aura aussi les vœux du tribunal de commerce à Toulouse le mardi 19 janvier en présentiel.
La première date extrêmement importante pour la profession est la prestation de serment, en février vraisemblablement. Nous réfléchissons à la meilleure façon d’organiser cette traditionnelle journée d’accueil des nouveaux confrères, compte tenu de la pandémie. Nous ne savons pas si et quand elle pourra avoir lieu en présentiel. C’est une merveilleuse journée en temps normal. Il y en aura une à Toulouse, une à Montpellier. Autre date primordiale : l’assemblée générale unifiée, qui se déroulera sans doute en octobre. La première se tiendra à Toulouse, siège du CROEC Occitanie, et en 2022 elle sera organisée à Montpellier, siège de la représentation territoriale. Nous ferons une alternance : une à Toulouse, une à Montpellier. Durant l’année, nous ferons aussi des réunions à mi-chemin entre Toulouse et Montpellier, pour arranger les élus. »
Quelle est la place de Montpellier ?
Freddy Nicolas : « Nous avons créé la représentation territoriale (RT) de Montpellier le jour même des élections et de la nomination du bureau. Le président délégué en charge de la RT, Pascal Castanet, a été nommé dès le premier conseil régional. Nous ne voulons perdre aucun confrère et aucune consœur en raison de la réunion des deux Ordres. Ce serait trop grave. »
Comment allez-vous régler les problématiques liées au manque de proximité ?
Freddy Nicolas : « Nous allons doubler tout le régalien. Jusqu’à présent, la proximité était assurée dans les deux CROEC grâce aux associations départementales et aux chambres départementales, avec lesquelles nous sommes en étroite collaboration. On s’appuiera encore plus sur elles pour faire le relais sur le terrain. Et, comme je vous le disais, nous allons ouvrir les commissions non régaliennes aux non-élus. J’invite les jeunes à venir dans les instances sans attendre. Ils sont nos forces vives. Car nous avons besoin d’expérience mais aussi de créativité. »
Quelles sont les perspectives pour 2021 ?
Freddy Nicolas : « Pour l’instant, sur le plan économique, même si certains secteurs (restauration, sport, événementiel) sont plus touchés que d’autres, beaucoup sont sous perfusion grâce au Prêt Garanti par l’Etat (PGE), au chômage partiel et aux aides… Je sens les entrepreneurs très décidés à s’en sortir. Ils sont à notre écoute. Notre rôle a été très important dès le début de la crise. Plus les années passent, plus nous sommes sollicités et mis en avant : pour la mise en place du Pas, lors de la crise sanitaire… Je pense que nous n’avons pas encore vu tous les dégâts économiques de cette crise sanitaire. J’essaie de freiner sur l’utilisation du PGE. 2021 est une année incertaine économiquement, mais les experts-comptables seront là pour soutenir leurs clients. »
Propos recueillis par Virginie MOREAU
vmoreau.hje@gmail.com