Droit

De quelle crise parle-t-on ? par Christian JOVIADO

 Elle est à toutes les sauces médiatiques, économiques et politiques. Elle sert non pas…

 Elle est à toutes les sauces médiatiques, économiques et politiques. Elle sert non pas de condiment, mais d’excuse et/ou de prétexte relatifs à des erreurs, à la non-concrétisation d’engagements, à la non-atteinte d’objectifs, au non-respect de priorités, à nos problèmes économiques…. On nous annonce, même, une inéluctable récession. Auparavant la faute incombait à la mondialisation et/ou à l’Europe. Il semblerait que nos courageux décideurs préfèrent désigner des boucs émissaires, que de plaider coupable ! A fortiori lorsqu’il s’agit d’entités. Il y a pourtant derrière ces paravents d’opacité des personnes physiques.Dans notre pays agathois, les politiques sont des hommes de terrain qui sont bien connus des populations de proximité. La plupart pratiquent une véritable concertation pour faire vivre la démocratie. Le flou, le manque de transparence, les mensonges, les affaires, viennent plutôt des hautes sphères du pouvoir. Quoique. Avant de chercher pourquoi nous en sommes arrivés là, quels sont les responsables, et comment s’en sortir, posons-nous la question : de quelle crise parle-t-on ?


— PREMIERE PARTIE —


  La crise de 1929


 On a beaucoup parlé, par comparaison, de la crise boursière de 1929. Ce krach s’est déclenché à la Bourse de New York (Wall Street) le jeudi 24 octobre. Il a marqué le début de la plus grande crise économique du XXème siècle, parce qu’il s’est répercuté sur l’économie réelle. C’est-à-dire, qu’il a engendré une diminution importante et durable de la production et de la consommation. Le krach, en soi, a été consécutif à une bulle spéculative, dont la genèse remonte à 1927. La bulle a été amplifiée par un nouveau système d’achat d’actions, à crédit, que Wall Street a mis en place en 1926. Les investisseurs pouvaient dès lors souscrire des titres avec une couverture de seulement 10 %. Autrement dit, ils pouvaient acheter des actions coûtant dix dollars, en ne les payant effectivement qu’un dollar. Plus les montants investis étaient importants, plus grands étaient les risques encourus. Il s’agit donc, en l’occurrence, de la conjonction d’une crise de couverture financière et d’une crise de risque. 


La crise de 1987 


La crise boursière d’octobre 1987, de nature différente à la précédente, s’est déroulée en deux temps. D’abord une vive remontée des taux d’intérêt à long terme, avec un pic le 19 octobre 1987. Jour où l’indice Dow Jones de Wall Street, sous la pression de cette remontée des taux, a perdu 22,6%. Il s’agit de la seconde plus importante baisse jamais enregistrée en un jour sur un marché d’actions, hormis le krach de la bourse islandaise de 2008. Contrairement à celui de 1929, ce krach n’a pas eu d’emprise sur l’économie réelle. Donc, pas de crise économique induite. Les taux à long terme se sont effondrés dès le lendemain. Et les marchés d’actions ont regagné progressivement le terrain perdu. En 1987, l’intervention des banques centrales, notamment de la Réserve Fédérale ou Fed (banque centrale des USA), a limité la crise aux seuls marchés financiers. Il s’agit donc d’une crise exclusivement financière. 


Les conditions du sauvetage 


En 1929, pour contrer les effets de la crise boursière, ladite Fed,  avait mené une politique monétaire restrictive. Le manque de ressources financières des ménages avait entraîné une très faible demande de crédit. Et ce manque de liquidités avait eu pour conséquence directe une asphyxie de l’économie. D’où la crise économique induite !

En 1987, menées par la Fed, les banques centrales ont communiqué publiquement qu’elles assureraient le refinancement d’urgence des banques et des sociétés émettrices d’actions. Ainsi ont-elles écarté le risque systémique qui menaçait l’ensemble des marchés financiers. Dès le 20 octobre 1987 Alan Greenspan, nouveau président de la Fed, injecte massivement des liquidités. Traduction. Les banques accordent au plus grand nombre de particuliers, des prêts d’accession à la propriété. Elles répondent ainsi aux vœux du Président, George Bush père, qui souhaite que chaque américain devienne propriétaire de son logement. Et, en contrepartie, pour reconstituer leurs fonds propres, les banques ont la possibilité de s’approvisionner sur le marché interbancaire ou être refinancées, au taux directeur, auprès de la Fed. Laquelle peut, dès lors, jouer sur le volume de monnaie en circulation et sur son coût. Et ce faisant, Greenspan, quels que soient la situation conjoncturelle, la politique budgétaire, et le niveau du dollar, continue à injecter pléthore de liquidités. Il obtient, ainsi, des résultats au-delà de ses espérances. Un succès qui se révèlera pestilentiel pour l’économie réelle des USA, et par contamination pour certains autres Etats dans le Monde. Voilà l’origine de la crise que nous avons connue, effectivement, en 2007/2008.


 La crise des bulles


Le système qui a permis le surendettement des ménages peu solvables, a été appelé les ‘’subprimes’’. De quoi s’agit-il ? Lorsqu’il est facile d’emprunter, l’endettement se développe, d’autant que les banques et les marchés se sentent rassurés. Les premières pensent pouvoir recourir à la banque centrale en cas de problème. Greenspan ne s’était-il pas engagé à ne pas les laisser tomber ? Les fonds empruntés peuvent dès lors se concentrer, volontairement ou non, sur un seul secteur de l’économie. C’est cet excès de liquidités, se focalisant sur le Net, qui a créé la ‘’bulle Internet’’. On se rappelle ses conséquences : la lourde chute des marchés financiers en 2001. Coïncidence. Une date doublement historique pour les USA, et pour le Monde entier. On vient d’en commémorer le dixième anniversaire, le 11 septembre. La Fed devait réagir pour anticiper l’onde de choc provoquée par ce drame cruellement subi. Greenspan, soi-même, a donc, une nouvelle fois, injecté des liquidités. Et cette fois, c’est dans le secteur immobilier que s’est constituée la ‘’bulle’’. Entre 2002 et 2006, la croissance moyenne de l’économie américaine s’est accrue de 5,4% alors que celle de l’immobilier a dépassé les 15%. 


La crise du risque


Lorsqu’une banque américaine accorde un prêt à un client, sa décision dépend non pas de la situation financière et économique de ce dernier, mais de l’estimation de la valeur du patrimoine qu’il va acquérir. L’incidence est de taille ! Parce que dans ce processus, lorsque la valeur de l’immobilier progresse, les emprunteurs augmentent leur capacité d’endettement. Et cet accroissement potentiel leur permet d’obtenir d’autres prêts : à la consommation, pour l’achat d’une voiture, pour financer des études, pour payer des vacances, etc.… Or les prêts immobiliers ont été accordés, à taux variable (échéances progressives), dès lors que la valeur vénale du bien convoité couvrait le montant de la créance. Précisons qu’en France, le prêt principal accordé dépasse rarement les 75% du montant de l’achat, et la charge d’emprunt ne dépasse jamais les 30% des revenus du ménage. C’est ce qui se pratique, par exemple, dans les établissements de crédit de notre pays agathois. Par ailleurs, ces derniers octroient leurs prêts en fonction de la solvabilité de l’emprunteur. Tâche difficile qui relève, non pas des seuls revenus du ménage, mais plutôt d’éléments irrationnels. Notamment, l’histoire de l’emprunteur, son train de vie, la fiabilité de ses engagements, … Critères que l’on parvient à rationaliser méthodiquement, par la rigueur de l’approche, la pertinence de l’analyse et la compétence professionnelle en matière d’évaluation des risques. L’expérience joue aussi un rôle primordial, bien évidemment. D’autre part, il faut savoir qu’en cas d’échéances impayées, la procédure judiciaire mise en œuvre par tout créancier à l’encontre de son débiteur, aboutit à la vente du logement saisi, objet du prêt. Et ce, à la barre du tribunal, c’est-à-dire : aux enchères publiques. Le logement est vendu au plus offrant. Or, aux USA, le marché de l’immobilier s’est retourné au printemps 2007. Pourquoi ? Parce que les prix s’étaient amplifiés de manière excessive, et que la Fed avait, en conséquence, augmenté ses taux pour lutter contre une poussée inflationniste. Le stock des maisons invendues s’est accru et le nombre de logements mis en chantier a, simultanément, énormément baissé. Du coup, les ménages sont devenus insolvables car, si leur dette n’a pas bougé, la valeur de leur patrimoine s’est effondrée. Et dans ce type de prêt à risque et à taux variable, on l’a vu, quand la valeur de la maison baisse, le montant du remboursement des échéances augmente. Par contrecoup, les banques se sont retrouvées avec une catastrophique dépréciation de leurs actifs inscrits au bilan, tandis que les emprunteurs, du jour au lendemain, se sont retrouvés à la rue. Voilà le résultat du pari insensé du président de la Fed qui a utilisé l’endettement des ménages comme moteur de la croissance ! On retrouve ici la conjonction de plusieurs crises : crise de marché (effondrement du marché de l’immobilier) crise de l’endettement privé (choix institutionnel de l’endettement comme moteur de la croissance), crise de risque (pléthore de prêts accordés sans une suffisante appréciation du risque) crise économique et sociale (ménages ruinés et banques en difficulté financière).


Une spirale d’effets induits


Les victimes de cette crise sont les ménages américains et notamment les plus pauvres. « Cette situation peut-elle nous arriver à nous, Français, habitant Agde, Bessan, Florensac, Marseillan, Pinet, Pomérols, Vias, …», s’interrogent certains déposants qui craignent pour leur épargne déposée en banque. Les premières perdantes sont les banques américaines à cause de la perte de leurs créances. Elles ont été obligées de mettre en vente les maisons qu’elles avaient saisies, à cause de la détérioration de leur bilan. Plus elles ont vendu de maisons, et plus elles ont tiré le marché de l’immobilier vers le bas. Plus les prix ont baissé, plus elles ont enregistré de pertes. La contagion a gagné, ensuite, la sphère financière. C’est ce que l’on appelle l’effet domino. Par le biais d’un système appelé ‘’titrisation’’. Il s’agit d’un montage financier qui permet à une entreprise, banque ou institution financière (le cédant) de réorganiser son actif financier. C’est à dire : céder un lot d’actifs financiers (créances ou prêts), transformé en titres négociables, sur les marchés financiers. En l’occurrence un portefeuille de subprimes. Cette technique a débuté, aux USA, dans les années 70. Avec la croissance du marché hypothécaire, elle a connu une forte évolution, en Europe, depuis la fin des années 90. Elle s’est étendue par la suite à plusieurs types de créances, notamment les crédits à la consommation et les crédits commerciaux. Ainsi, légalement, les établissements financiers ont pu essaimer dans l’économie, via des tiers, le risque qu’ils ont pris en distribuant ces prêts (ou crédits) spécifiques. Certaines institutions financières spécialisées (monoliners) qui apportent leur garantie à tout emprunteur contre le paiement d’une prime, et certaines agences gouvernementales américaines (Government Sponsored Enterprises) qui finançaient le marché immobilier ont été, elles aussi, impactées par cette spirale vers le bas. Certaines ont été nationalisées par l’état américain en 2008. Globalement, la crise de l’immobilier aux USA a provoqué chez tous les acteurs américains des pertes telles qu’ils n’ont pu honorer leurs engagements. C’est un problème d’une autre nature auquel ont été confrontés les acteurs européens.

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 Devant la longueur et la technicité de cet essai de vulgarisation, nous en publions une partie cette semaine. La suite vous sera proposée la semaine prochaine. Son but essentiel est de rendre accessible, à tout un chacun, la complexité de ce qui est appelé singulièrement ‘’la crise’’. Celle-ci inquiète, notamment, nos concitoyens du Pays agathois qui nous ont interrogés sur cette problématique. Essayons ensemble de comprendre les mécanismes qui l’ont fait naître. Elle a démarré aux Etats-Unis d’Amérique et s’est propagée dans le reste du Monde, dont en Europe et notamment en France. D’où l’inquiétude d’aucuns. D’autant que son ampleur est considérable car elle a frappé tous les acteurs économiques, au point qu’elle catalyse des forces pour construire un nouveau projet de société. A l’UE de le porter. A la France, concernée au premier chef, de relever le défi. Nous verrons si la campagne présidentielle va en tracer l’ébauche. 

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