"De quoi Total est-elle la somme?", réquisitoire contre une multinationale
Souvent décriée par les organisations écologistes, la multinationale Total exploite, traite et distribue des produits issus du pétrole, tout en s'intéressant au gaz, à la production d'électricité, à l'énergie solaire et à l'industrie chimique. Dans l'ouvrage "De quoi Total est-elle la somme ?", paru chez l'éditeur Rue de l'Echiquier, le docteur en philosophie Alain Deneault, spécialiste des affaires publiques et également auteur du remarqué "La Médiocratie", décortique et dénonce les pratiques de ce groupe, et des multinationales en général.
Ne cherchez pas : dans cet ouvrage, vous ne trouverez aucun élément positif concernant la RSE – la fameuse responsabilité sociétale – de l’entreprise Total. Impossible.
Agissements douteux et impunité parfaite
L’auteur l’affirme en préambule, et c’est ce qui le guide tout au long de son argumentaire : “la multinationale a été mêlée à des affaires de vente d’armes, de travail forcé, de complicité de crimes, de corruption, de trafic d’influence ou d’évitement fiscal, entre autres accusations graves, témoignages compromettants et allégations sérieuses dont son histoire regorge”. Mais il note un paradoxe frappant : “Ces actes, souvent étayés, ont néanmoins été commis dans la légalité”.
“Comment est-ce possible ?”, serait-on tenté de demander… Réponse d’Alain Deneault : “Tantôt des circonstances anomiques les ont favorisés, tantôt des Etats complices les couvraient. Quand jadis l’état du droit français ne prévoyait aucune sanction (corruption à l’étranger, travail forcé, fixation des prix), ce sont les paradis fiscaux qui empêchaient l’accès à l’information (rétrocommissions au bénéfice de partis politiques français, abus de biens sociaux), les institutions judiciaires qui s’engouffraient dans la lettre de la loi, même lorsque son esprit se trouvait ouvertement violé (controverses portées au compte de filiales), ou bien c’est la République française elle-même qui prenait, à l’avantage de la firme, l’initiative de manœuvres qu’elle avait pourtant à charge de sanctionner (collusion avec des régimes dictatoriaux, guerres de conquête, dettes abusives au Sud)”.
L’auteur ne modère pas ses attaques… Force est de constater que ses propos concernent des événements vérifiables, datés, localisés, précis. Il se penche sur l’histoire de cette firme, à partir de mots-clés qui constituent les différents chapitres de son livre et recouvrent autant d’agissements opaques : comploter, coloniser, collaborer, corrompre, conquérir, délocaliser, pressurer, polluer, vassaliser, nier, asservir et régir. Chacun des chapitres fourmille de faits, de noms et de données.
“Le totalitarisme pervers”
Alain Deneault signe ici une somme, un livre-fleuve à l’image de la longue histoire de la firme Total, à réserver aux passionnés du monde de l’entreprise et aux personnes intéressées par les rouages de la justice, de la finance et de la géopolitique. L’auteur achève son ouvrage sur une analyse du pouvoir des multinationales, intitulée “le totalitarisme pervers”, qui laisse bien peu de place à l’optimisme quant à l’avenir. Un livre édifiant, qui ouvre les yeux sur des pratiques en partie inconnues du public.
Virginie MOREAU
vm.culture@gmail.com
“De quoi Total est-elle la somme ? Multinationales et perversion du droit” par Alain Deneault
Editeur : Rue de l’Echiquier
Collection : Ecosociété
23,90 euros.
