Droit à l'erreur : du nouveau en 2018 ?

Revu et corrigé, le projet de loi « pour un Etat au service d'une relation de confiance », destiné à améliorer les relations entre les usagers, les entreprises et l'Administration, sera discuté en 2018. Si le « droit à l'erreur » est bien inscrit dans le texte, le principe est déjà intégré par la loi et la jurisprudence.

Le conseil et l’accompagnement de l’administration plutôt que la sanction. Promesse de campagne du candidat Macron, le droit à l’erreur dans les démarches administratives revient à l’ordre du jour, après un projet avorté cet été. Le projet de loi « pour un Etat au service d’une relation de confiance », porté par le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, doit être discuté d’ici au printemps 2018.

Il consacre donc un « droit à l’erreur » ayant vocation à s’appliquer de manière transversale à toute l’administration. Le principe est simple : permettre de ne pas être sanctionné systématiquement, en cas de manquement. Une personne qui établit une mauvaise déclaration et/ou une déclaration incomplète ne sera pas sanctionnée la première fois, si elle est de bonne foi. Il reviendra à l’administration de prouver que l’usager est de mauvaise foi, selon le principe de l’inversion de la charge de la preuve. Si l’oubli ou la fausse déclaration est répété dans le temps, la bonne foi ne pourrait plus être invoquée. Si ce droit à l’erreur peut éviter la sanction pécuniaire au contribuable, les intérêts de retard seraient en revanche appliqués (mais divisés par deux, en cas de déclaration rectificative spontanée). Les retards et omissions sont exclus du champ d’application du dispositif.

Mais ce droit à l’erreur reste limité du fait d’une série d’exceptions : santé publique, environnement, sécurité des personnes et des biens, sanctions relatives au droit européen.

Déjà présent dans notre droit

Si les mesures annoncées semblent intéressantes à première lecture, une analyse un peu plus approfondie montre que les propositions n’apportent finalement que peu d’avancées significatives pour les entreprises.

En effet, en matière fiscale, pour être sanctionné d’une amende, il faut l’accomplissement conscient d’une infraction, et il incombe déjà à l’administration de le démontrer. L’administration précise déjà clairement que les omissions ou inexactitudes que peuvent commettre les contribuables dans leur déclaration sont présumées involontaires. Dès lors, quels que soient les impôts, droits, taxes ou redevances en cause, les majorations prévues par l’article 1729 du CGI ne peuvent être appliquées « que si l’administration établit le caractère délibéré de l’omission ou de l’inexactitude ». De même, selon l’article 195 A du Livre des procédures fiscales (LPF), « en cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la TVA et des autres taxes sur le chiffre d’affaires, des droits d’enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l’administration ».

De la même manière, la jurisprudence impose à l’administration de caractériser la mauvaise foi du contribuable. Déjà, en 2012, la Cour administrative d’appel de Paris a déchargé des pénalités des entreprises contrôlées dans deux décisions : « l’administration, qui n’allègue pas que les irrégularités invoquées auraient déjà été constatées au cours d’un précédent contrôle, ne peut être regardée comme apportant la preuve de la mauvaise foi de la société » (arrêt n° 10PA04155, 31 mai 2012), ou encore, « en se bornant à invoquer l’absence de pièces justificatives de recettes concernant l’exercice clos le 31 décembre 2001 (…) l’administration n’apporte pas la preuve, dont elle a la charge, de la mauvaise foi de la requérante » (arrêt n° 10PA04626, 14 juin 2012).

De même, en matière sociale, concernant l’Ussaf, un droit à l’erreur sur les déclarations sociales a été établi par le décret 2016-941 du 8 juillet 2016. En effet, sauf en cas d’omission de salariés dans la déclaration ou d’inexactitudes répétées du montant des rémunérations déclarées, aucune majoration ou pénalité n’est appliquée si les conditions suivantes sont remplies (CSS art. R 243-10) : si la déclaration rectifiée et son versement régularisateur sont adressés au plus tard lors de la première échéance suivant celle de la déclaration et du versement initial ; si ce versement régularisateur est inférieur à 5 % du montant total des cotisations initiales. De plus, l’employeur qui demande une remise n’a plus à établir sa bonne foi (CSS art. R 243-20).

 

Nicolas TAQUET, juriste, et B.L.

 

Entreprises : les autres mesures

Parmi les autres dispositions prévues par le nouveau texte pour les entreprises, on relèvera :

– l’extension du « rescrit », qui existe en matière fiscale et sociale, « à d’autres administrations », notamment celle des douanes. Concernant l’Urssaf, le dispositif a déjà été étendu et simplifié par décret du 25 octobre 2016. Les entreprises, mais aussi leurs conseils (avocats, experts-comptables) peuvent formuler une demande sur un point précis de la réglementation, et un rescrit de branche a été instauré.

– le « droit au contrôle à blanc » : les entreprises auront la possibilité de réclamer des contrôles des administrations pour s’assurer qu’elles respectent les procédures. Les conclusions seraient opposables à l’administration qui les a émises. Une démarche similaire a été lancée en 2013 sur le plan fiscal ;

– la généralisation de la médiation dans les Urssaf (elle est déjà prévue dans le cadre des CPAM, et à l’Urssaf de Paris). La mesure vise à prévenir les litiges en amont, alors qu’existent des commissions de recours amiable, dont il aurait été plus judicieux de revaloriser le rôle ;

– la limitation dans le temps de la durée des contrôles pour les PME : une expérimentation sera menée pendant quatre ans, dans deux régions (Hauts-de-France et Auvergne – Rhône-Alpes), pour limiter la durée cumulée des contrôles sur une même entreprise, à neuf mois sur une période de trois ans.

Et l’inspection du travail ne sanctionnerait plus automatiquement l’entreprise qu’elle contrôle, pour certains manquements, mais pourrait donner un simple avertissement, dès lors qu’il n’y a pas d’intention frauduleuse.

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