HERAULT - « Faire Bloc » par Christophe Euzet
Comment vivez-vous cette étrange période ?L’Assemblée Nationale ne peut plus se réunir normalement. Seuls les…
Comment vivez-vous cette étrange période ?
L’Assemblée Nationale ne peut plus se réunir normalement. Seuls les Présidents de groupes et un député de plus par groupe sont autorisés à siéger. Nous fonctionnons donc, comme beaucoup de gens, en télétravail. Pour la partie qui concerne le volet parlementaire, nous nous réunissons en audioconférences. Pour la circonscription, je suis en contact étroit avec les services de l’Etat, les maires ainsi que les entrepreneurs et les administrés. Je m’emploie à faire passer les informations, mais également à faire remonter les préoccupations. Le lien est maintenu, même si tout est plus compliqué.
Tout cela a l’air irréel…
C’est vrai, car nous sommes confrontés à un danger qui ne se voit pas. Nous sommes confinés chez nous et comme coupés du monde, mais on commence à matérialiser les choses : des gens que nous connaissons, avec qui nous travaillons, sont touchés ou disparaissent. Tout devient alors très réel. Par contre, je m’inquiète des réalités très différentes que vivent ceux qui, comme moi, sont confinés et ceux qui, du fait de leur fonction, « tiennent le front » depuis presque un mois. A l’issue, ils n’auront pas du tout le même regard sur la crise, et il faut y penser.
Que voulez-vous dire ?
Que ceux qui sont sur le front et dans l’action des dernières semaines en sortiront épuisés, alors que tous les autres auront mené une introspection profonde, détachée des problèmes matériels liés à l’urgence. Les uns et les autres vont, assurément, en venir à la conclusion que rien ne sera plus jamais comme avant. Mais, peut-être pas aboutir aux mêmes conclusions. Il est important que nous soyons au soutien, à ce moment-là, de ceux qui auront continué à travailler « normalement ». Nous pourrons leur faire part, également, de ce que nous a suggéré cette période « hors du monde » dans notre façon de le voir de l’extérieur. De manière à ce que nos nouveaux regards sur le monde soient en phase. On sait qu’après un conflit, il y a un monde d’écart entre ceux qui reviennent de la guerre et ceux qui l’ont vécue loin du front… Et je crois que le conflit va durer. Il est possible qu’il dure même, par vagues, très longtemps.
Il ne reste qu’à attendre la fin de la pandémie pour ceux-là?
Il reste surtout à respecter toutes les consignes de protection et à faire bloc. C’est la meilleure façon de nous préserver et de les aider. Tout le monde est mobilisé pour nous sortir de là… Nos soignants en première ligne. Tous ceux qui nous alimentent. Tous ceux qui orchestrent la bataille et ceux qui la mettent en musique. Les aider au mieux, c’est respecter les contraintes qui nous sont imposées. C’est un mal provisoire nécessaire.
Mais il y a des polémiques sur plusieurs sujets…
Les polémiques sont légitimes en démocratie. La vérité est une exigence. On voit bien que tergiverser n’apporte rien de bon dans la parole publique. J’ai le sentiment que le discours tenu actuellement est un discours d’honnêteté. Des erreurs peuvent être faites. Des stratégies peuvent être contestées. On verra tout ça après. Mais il y a des moments, je le redis, où il faut faire bloc. Sur une mêlée à 5 mètres, quand le ballon est introduit, tout le monde doit pousser à fond dans le même sens, en mobilisant l’intégralité de ses forces, pour défendre la ligne. Ce n’est qu’après qu’on peut, éventuellement, refaire le match.
Est-ce à dire ?
J’échange beaucoup dans le cadre du télétravail, je réponds à toutes les sollicitations qui me sont adressées, mais aussi, bien sûr, je parle beaucoup avec les gens qui me sont chers, ceux que j’aime et pour qui je m’inquiète. Je m’astreins, par contre, à ne regarder les chaines informatives qu’une seule fois par jour ; et peu les réseaux sociaux. Dans les chaines en continu et sur les réseaux sociaux, il y a de quoi nous rendre fous. Il y a autant de stratèges et de grands spécialistes que d’intervenants. Je ne crois pas que ce soit bon pour nos nerfs… ni pour nos vies ! Je ne suis pas épidémiologiste et je laisse cette fonction à ceux qui la connaissent.
Quelle va être l’issue de tout cela ?
Il y aura un « après », bien sûr, et nous ne devons céder ni à la panique ni au découragement. Le plus important est de passer la vague dans les meilleures conditions qui soient. Ensuite, viendra le temps des bilans. Encore une fois, c’est la moindre des choses en démocratie. Pour le moment, avec mon équipe de collaborateurs, je suis au service de ceux qui, administrés, entrepreneurs, élus locaux, se posent des questions ou expriment le besoin de faire remonter des préoccupations. Ceux qui le souhaitent peuvent me contacter par téléphone par e-mail sur le site de l’Assemblée nationale. Dans le télétravail parlementaire, nous commençons à organiser l’après-crise. Je fais la part du travail qui m’incombe, pour préparer l’après.
Et cet après, justement ?
Nous essayons d’anticiper les formes que va revêtir l’après-crise localement : dans une zone touristique littorale avec un arrière-pays producteur comme la nôtre, anticiper sera gage de survie économique. Je crois que beaucoup de choses vont changer à court et à long terme. Les modes de fréquentation du littoral, les activités que l’on vient y chercher, les modes de consommation, les flux de populations. Il est possible que l’on vienne davantage vivre chez nous. Peut-être pour y faire autre-chose que ce que nous avons connu jusqu’ici. Il faut que nous y pensions dès maintenant. Nous avons des ressources. Nous allons rebondir, j’en suis sûr.
Christophe.Euzet@assemblee-nationale.fr