HÉRAULT - Lettre ouverte de Sébastien DENAJA au Président du port de Sète
LETTRE OUVERTE AU PRESIDENT DU PORT DE SETEM. le Président,Depuis quelques jours, des panneaux…
LETTRE OUVERTE AU PRESIDENT DU PORT DE SETE
M. le Président,
Depuis quelques jours, des panneaux d’interdiction de pêcher ont fleuri nuitamment sur certains quais de la ville de Sète. Les Sétois s’en émeuvent, à juste titre. Ils manifestent légitimement leur incompréhension, alors que la pêche à la ligne le long des quais de l’île singulière se pratique non pas depuis des décennies, mais depuis des siècles. Il s’agit pour nous, Sétois, d’une liberté essentielle, même si chacun comprend que cette liberté peut rencontrer quelques limites liées aux besoins de l’activité portuaire. J’attire votre attention sur le fait qu’il s’agit aussi d’un loisir populaire, pour beaucoup de nos ainés en particulier, mais aussi d’une pratique qui n’est pas sans lien avec le fait que notre ville compte l’un des plus importants taux de pauvreté de France, et que certains de nos concitoyens utilisent aussi parfois ce moyen pour se nourrir. Sans faire de misérabilisme, c’est une réalité qu’il me semble important de souligner.
Ces panneaux « pêche interdite » mettent en exergue les articles R. 533-24 du code des transports, R. 921-66 du code rural, ainsi que l’article 26 du règlement particulier de police. Or, il ne résulte ni de l’article 533-24 du code des transports, ni de l’article R. 921-66 du code rural, ni même de leur combinaison, un principe absolu d’interdiction de la pêche à la ligne dans les limites administratives d’un port, dès lors que le règlement particulier du port peut en disposer autrement.
C’est donc en fait l’article R 26 dudit règlement qui est en cause, lequel relève de l’autorité du conseil portuaire placé sous votre présidence.
Cet article est à la source des difficultés rencontrées, car il prévoit un principe d’interdiction « en même temps » qu’en pratique c’est la tolérance qui prévaut.
Etant moi-même enseignant en droit, je crois pouvoir dire qu’il n’y a pas pire solution, car elle ne peut qu’enlever toute intelligibilité à la règle et toute crédibilité à ceux qui entendraient la faire respecter. Les réactions des Sétois nous le prouvent aujourd’hui.
Je vous propose donc de réviser l’article R. 26 du règlement du port et de lancer pour ce faire une grande concertation citoyenne mettant en présence tous les acteurs concernés pour éclairer les travaux du conseil portuaire. Il faut concilier l’aspiration légitime des Sétois à pouvoir conserver un espace de liberté consubstantiel à notre identité et notre histoire et naturellement prendre en compte les potentiels conflits d’usage. Nul n’ignore en effet que certaines incivilités appellent une réponse des pouvoirs publics (refus de lever la ligne lors du passage de chalutiers ou de bateaux de plaisance au passage des ponts, nuisances diverses à la Plagette et à la Pointe Courte en automne pour la pêche à la Daurade…). Mais les pêcheurs paisibles ne doivent pas payer pour quelques comportements nuisibles.
Je vous suggère donc :
1) Sur la méthode : de retirer les panneaux d’interdiction le temps d’organiser une large concertation publique et citoyenne afin de créer le climat de confiance propice à la discussion et à l’établissement de règles communes et partagées ;
2) Sur le fond : de réviser l’article 26 du règlement du port en envisageant, plutôt qu’une interdiction générale et absolue, la définition précise de périmètres, d’horaires ou encore de situations dans lesquelles la pêche à la ligne le long des quais peut être autorisée et les cas dans lesquels elle doit être empêchée. Il faut sortir du flou actuel.
3) Une fois les nouvelles règles établies sur la base de cette concertation publique et citoyenne, opter pour des panneaux pédagogiques qui expliquent le sens des nouvelles règles communes. Je vous suggère d’ailleurs de faire en sorte que le règlement du port soit accessible en ligne pour tout citoyen, ce qui ne me semble pas être le cas aujourd’hui.
Espérant que ces propositions constructives rencontreront votre écoute bienveillante, je vous prie, Monsieur le Président, d’agréer l’expression de mes salutations républicaines.
Sébastien DENAJA
Ancien Député, conseiller municipal de la ville de Sète