HERAULT - "Mes vœux citoyens pour 2019" par Christophe Euzet
Avec le mouvement des gilets jaunes, notre pays vient de se réveiller de trente…
Avec le mouvement des gilets jaunes, notre pays vient de se réveiller de trente ans de léthargie pour la deuxième fois en dix-huit mois. Après le rejet massif de la classe politique traditionnelle il y a un an et demi, une partie de nos concitoyens vient en effet de manifester son mécontentement persistant à l’égard des décideurs politiques et de la situation du pays. Ils ont été entendus et le pouvoir en place a pris des mesures de nature à satisfaire au mieux et sans délai les revendications de ceux qui étaient les plus légitimes à dire leurs détresses.
On ne peut pas, il est vrai, moderniser et restructurer le pays sans s’assurer que tout le monde soit embarqué dans le navire ; ceux qui se sont rassemblés pour le rappeler aux responsables que nous sommes ont sans doute eu raison de le faire. L’exécutif l’a d’ailleurs entendu et a transformé la revendication en mesures d’urgence fortes, validées depuis par le Parlement.
Soyons sérieux un instant et ne chipotons plus sur les délais : celui qui concède trop tôt est dénoncé pour cela : celui qui ne cède pas est tout autant critiqué pour son entêtement.
Entre les deux, la marge de manœuvre est faible. L’essentiel est que des avancées significatives aient été faites. Et nous pouvons collectivement nous réjouir d’avoir évité un drame plus grand que celui qui a eu lieu : 10 morts, même indirectement liés aux événements, c’est déjà beaucoup trop.
Mais nous vivons dans un pays où plusieurs semaines de mobilisation, citoyenne du côté des manifestants, républicaine du côté des forces de l’ordre, peuvent se dérouler en évitant le pire.
Ce n’est pas le cas ailleurs, il faut le garder en mémoire. Notre pays est un beau pays. Soyons sérieux un instant encore : le procès en arrogance n’a pas davantage lieu d’être : celui qui commande doit revêtir les attributs du chef et cela passe par l’autorité. Même lorsqu’il concède, il doit le faire avec humanisme tout en gardant l’apparat du chef. C’est ainsi. Entre les deux, une nouvelle fois, le couloir est étroit…
Mais qu’en est-il désormais, où en sommes-nous et où allons-nous ? D’abord, résumons- nous : les taxes liées au carburant sont supprimées, les augmentations énergétiques sont gelées, les mesures relatives au chèque énergie et la prime à la conversion restent en vigueur. L’augmentation de la prime d’activité, la baisse de la CSG pour une bonne partie des retraités, la défiscalisation des heures complémentaires et supplémentaires entreront en vigueur dès le premier janvier.
Ces mesures s’ajoutent à celles, nombreuses, qui avaient été prises depuis l’entrée en fonction du Président Macron il y a dix-huit mois, comme la suppression progressive de la taxe d’habitation, la taxation exceptionnelle des entreprises qui ont des chiffres d’affaires
supérieurs au milliard d’euros, l’augmentation du minimum vieillesse, celle de l’allocation adulte handicapé, pour ne parler que de celles-là.
Ce n’est pas parfait. Certes.
Ça ne va pas assez loin. Peut-être, sans doute, même.
Maintenant, il va falloir réfléchir à comment mieux associer les citoyens à la prise de décision politique ; trouver des moyens de renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale ; apporter des solutions qui permettent à ceux qui travaillent de vivre mieux de leur activité ; ils nous faut assurément chercher à réduire les inégalités face à l’impôt (notamment pour les grandes entreprises), face aux écarts de salaires entre les plus et les moins élevés ; nous devons attaquer de front la question de la complexité administrative et du retour de l’humain dans le contact avec les services publics, celle du rapprochement de la démocratie de ses citoyens. Les chantiers sont multiples et la liste n’est pas complète, loin s’en faut.
Mais il faut raison garder : il n’y a pas, il n’existe pas, et il ne saurait exister de solutions miracles « clés en mains » disponibles sans délai et de nature à satisfaire toutes les demandes qui se sont exprimées pendant plus de cinq semaines sur les ronds-points de France.
C’est la raison pour laquelle nous allons prendre, tous ensemble, trois mois pour en discuter dans le cadre du débat national décidé par le Chef de l’Etat.
Cet échange sera profitable à tous. Il est nécessaire au pays, il est même temps qu’il ait lieu. On peut seulement regretter et c’est mon cas, que la campagne qui s’est déroulée il y a dix- huit mois, dans le cadre institutionnel existant, n’ait pas davantage intéressé ceux qui, désormais, se trouvent dans la rue. Mais mieux vaut tard que jamais.
Nous allons donc nous mettre autour de la table, et discuter, entre citoyens adultes responsables. Qu’il me soit permis de vous inviter, d’ici-là, à vous méfier des « diseurs de bonne aventure » et de tous ceux qui continuent de claironner des « y’a qu’à… faut qu’on… » pour atteindre des objectifs qu’ils n’avouent pas. Car ceux qui refusent le dialogue aujourd’hui, ceux qui préviennent qu’« ils ne lâcheront rien » mais qui ne peuvent pas exprimer clairement la moindre doléance et n’envisagent pas une seule seconde de discuter de quoi que ce soit, ne sont en rien les garants d’une démocratie meilleure : ils en veulent la mort. En contestant le résultat des urnes, ils cherchent à la détruire. Pour des motifs différents, c’est vrai, mais avec un même objectif : détruire notre société. Asphyxier son économie. Etouffer ses institutions. Apeurer nos concitoyens. Ils font cela, non pas pour un avenir meilleur, mais soit pour mettre à la place une anarchie dans laquelle les plus forts règneront en maîtres, c’est-à-dire eux (du moins l’espèrent-ils), soit pour l’établissement d’une dictature policière qui mettra tout le monde au garde-à-vous et nous privera de notre liberté. Car que se passera-t-il, selon leurs souhaits, au bout du désordre qu’ils s’acharnent, de moins en moins nombreux, à entretenir ? ceux qui le sèment volontairement appellent de leurs voeux un ordre nouveau qui n’a rien de démocratique ! Le leur !
Si nous voulons un système démocratique (si c’est bien cela que nous voulons bien sûr, ce qui pour moi ne fait pas de doute), il nous faut améliorer celui qui existe. Il y a du pain sur la planche, c’est certain. Beaucoup de choses à changer et à améliorer c’est sûr. Pour évaluer ce
qu’il faut faire réellement, concrètement, ce qu’il est possible de faire – car on ne peut pas durablement gouverner depuis les ronds-points du pays en se regardant en direct sur BFM- il est déjà utile de comparer ce qui existe en termes d’offre politique disponible pour le pays.
Que proposent, en d’autres termes, ceux qui se disputent le pouvoir lors des élections ? Il faut comparer avant de crier au loup.
Et si rien ne convient, il faut s’engager. On évoque souvent l’idée d’un mouvement des gilets jaunes en politique ? pourquoi pas.
Transformer la grogne sociale en propositions politiques concrètes ? c’est le pari à tenir pour ceux qui le souhaitent ! C’est leur droit et, si j’ose dire, leur devoir si rien ne leur convient et s’ils sont honnêtes avec eux-mêmes. Mais regardons un peu ce qui existe dans l’offre disponible du moment :
Un premier camp parle de partager un gâteau qui n’existe pas. On prend tout « aux riches » et c’est gagné. Rien de plus simple en apparence. Mais c’est une utopie : elle fait rêver, mais ne donne pas à manger à la fin du mois, tout simplement parce qu’elle fait fuir tout espoir de progrès, et encore plus toute possibilité de création de richesse… En effet, si l’on pose comme principe sociétal celui de l’interdiction de s’enrichir, cette possibilité est alors refusée à tous… y compris à ceux qui veulent que leur situation s’améliore ! On ne peut pas demander plus si c’est interdit par principe.
Je tiens à rappeler ici, pour mémoire, que cette idée simpliste est portée par le député Jean- Luc Mélenchon, celui-là même qui prétend incarner l’avenir et le changement, qui a été élu de la République, sénateur, député européen ou ministre sans interruption depuis 1986, soit trente-deux ans… Il est millionnaire en biens immobiliers (pas moi).
Il n’empêche bien évidemment que l’on peut voire que l’on doit, avec sérieux et sens des responsabilités, réfléchir aux conditions devant permettre à la création « d’un gâteau » et aux conditions d’un partage plus égalitaire : ça, c’est un vrai chantier, qui demande du temps et des réformes responsables.
Un second camp, diamétralement opposé, nous suggère de nous refermer sur nous-mêmes.
On ferme les frontières, on sort de l’Europe, et on vit entre nous, à l’ancienne ! Cela relèverait de la folie pure et simple : car cela consisterait à refuser l’existence même de la pluie quand on se trouve sous l’orage au lieu de chercher à fabriquer un parapluie.
A réfuter la mondialisation alors que nous sommes en plein dedans. Marine le Pen qui est, elle, l’héritière de son père et qui a grandi avec une cuillère d’argent dans la bouche (pas moi), est l’élue du pays depuis 1994 (soit 25 ans) et prétend incarner cette option délirante. Chacun a vu (s’il a eu l’honnêteté de regarder la réalité en face), dans l’entre-deux tours de la présidentielle, ce qui se passerait si elle devait un jour gouverner…
Quand on se ferme, plus rien ni personne ne rentre : plus rien ni personne ne sort non plus. Ca s’appelle l’autarcie. C’est le chemin assuré vers un retour à la féodalité du moyen-âge.
Il n’empêche, là encore que l’on peut regarder les choses avec droiture et que l’on peut travailler en responsabilité à la façon de gérer les problèmes de la mondialisation et de ses
migrations, bref à la manière qui pourrait nous permettre de rester nous-mêmes dans une société mondiale globalisée. Cela demande également du temps et de la raison.
Je ne parlerai pas ici des partis de gouvernement « traditionnels » que l’élection de 2017 a fait basculer dans une crise dont ils ne se remettent pas, ce dont, à titre personnel, je ne me réjouis pas du tout car la concurrence est indispensable à la vitalité démocratique. On le voit bien aujourd’hui : quand les oppositions ne sont plus démocratiques, comme c’est le cas des deux extrêmes, c’est tout le système qui vacille. Les partis traditionnels ont désormais pour mission de revenir à un rôle d’opposition politique et de proposer des alternatives crédibles. C’est leur raison d’être.
Nous sommes enfin, nous la majorité, une solution intermédiaire : réaliste et pragmatique. Nous ne sommes pas « la solution miracle ». Nous sommes aux responsabilités, c’est-à-dire que nous avons la responsabilité du navire France.
Le pays, nous le conduisons, dans un monde réel, où les « y’a qu’à.. faut qu’on… », une fois leur effet d’annonce dépassé, n’ont pas de portée pratique. Dans le monde réel, la magie des formules n’existe pas. Nous sommes simplement une solution démocratique aux problèmes de court terme et de long terme auxquels nous sommes tenus de faire face. La solution de ceux qui n’ont pas peur du progrès mais qui gardent sur lui un œil attentif et critique ; de ceux qui n’ont pas peur de la mondialisation mais qui veulent garder un pays prospère et social ; de ceux qui veulent garder la main sur l’avenir et non pas le subir.
Que deviendrons-nous si nous laissons le progrès et les avancées aux autres grands pays ? Si nous nous refermons pour vivre un nouveau moyen-âge entre nous ? Nous pensons, nous continuons de penser et nous l’assumons avec détermination et humilité, que nous pouvons passer l’écueil tous ensemble avec énergie, vitalité, optimisme et, surtout, avec succès. Avec fierté.
La scène internationale est dans une situation grave. De nombreux facteurs laissent à penser que le contexte continuera de se dégrader dans les années qui viennent. Ce n’est pas du vent : c’est du sérieux. Raison de plus pour faire corps. Nos divisions politiques sont « normales ». En revanche, il serait collectivement suicidaire de faire plonger nous-mêmes l’économie du pays dans la torpeur. La bataille internationale est rude et ce n’est pas le moment de plier le genou. Nous devons rester prospères pour maîtriser notre avenir. Unis entre nous et, sans aucun doute, unis avec ceux qui partagent nos valeurs. C’est une voie réaliste face aux vents mauvais qui se mettent à souffler un peu partout sur la planète. Quand l’hiver est là, on unit ses forces à plusieurs.
La revendication des gilets jaunes aura eu une vertu essentielle : les gens sont sortis de chez eux, sont allés à l’encontre de leurs concitoyens et sont venus à notre rencontre, nous élus.
Je fais des réunions publiques à échéances régulières depuis mon élection. Je n’y avais jamais vu personne en dehors de nos militants, à part des personnes isolées venues m’expliquer leur situation particulière. C’est désormais chose faite : les gilets jaunes sont venus à moi au quotidien et je suis allé vers eux à cinq reprises au moins dans le cadre de réunions plus ou moins organisées. J’y ai rencontré des gens bien. Beaucoup. Des gens tristes, des gens perdus,
des gens inquiets pour leur avenir et celui de leurs enfants. Beaucoup. Moi, je me suis engagé en politique il y a dix-huit mois pour, précisément, éviter la crise que nous traversons aujourd’hui et que nous n‘avons pas pu ou su éviter au final. Parce que la crise que nous traversons, je l’ai vue arriver de loin, comme beaucoup de ceux du mouvement auquel j’appartiens, d’ailleurs. Je veux ici remercier tous les gilets jaunes qui m’ont confié, après avoir discuté avec moi, que je n’étais pas « le genre de type » qu’ils étaient persuadés que j’étais avant de me rencontrer. Ils se reconnaîtront. Je veux également leur faire savoir que nous avons encore beaucoup de choses à nous dire. Car nous avons pour ambition collective de sortir de la crise par le haut.
Aussi, je leur donne rendez-vous, à eux et à tous les autres, lors de la consultation citoyenne qui va avoir lieu durant trois mois.
Venez-y, et venez-y nombreux. Nous pourrons échanger, entre citoyens responsables, au sujet de ce qui pourrait être envisagé pour accélérer l’amélioration de notre société.
Démarquez-vous, en faisant la démarche de venir dialoguer, de ceux qui, c’est évident désormais, ne revendiquent rien d’autre que la destruction de notre système politique et de notre pays.
Montrez-leur votre détermination, en retirant avec assurance le gilet jaune du tableau de bord de la voiture. Car on ne peut plus les suivre sur le chemin qu’ils empruntent : on peut certes exprimer son mécontentement en manifestant en démocratie, c’en est l’un des principes fondateurs : l’opposition y est admise et respectée. Mais on ne peut pas réclamer plus de démocratie en refusant le résultat des urnes, car on montre en procédant de la sorte que l’on n’accepterait pas un résultat contraire à ses propres idées. j’ai eu vingt ans et j’ai pu croire de bonne foi, lorsque j’étais étudiant, que cette solution – celle qui consiste à vouloir tout casser- pouvait être la bonne.
C’est une erreur fondamentale : je le sais bien aujourd’hui. Car lorsque tout est cassé, lorsque le mal est fait, lorsque l’économie est à terre, que le climat social est brisé, ce sont de nouveaux chefs, souvent autoproclamés, qui décident ce que, pour qui, et comment on doit reconstruire… Or je sais bien qu’au-delà de nos mécontentements légitimes, nous sommes de loin les plus nombreux à être attachés à nos valeurs, républicaines, démocratiques, à nos droits de l’Homme, conquis de haute lutte dans notre histoire politique si mouvementée. Faisons-les revivre.
Une dernière chose, pour conclure ce trop long texte : regardez, si vous le souhaitez, ce que nous faisons réellement depuis que nous sommes arrivés, en vous arrêtant sur la réalité des mesures de notre politique un instant. Elle a pour premier objectif, cette politique, de redresser l’Etat du pays pour nous offrir un avenir commun dans le cadre de l’Etat providence ; de préserver cet Etat providence comme moyen de transport vers la société de demain qui se construit : numérique, écologique et probablement radicalement distincte de celle que nous connaissons aujourd’hui. Cette société à venir, où le travail et la vie des humains que nous sommes auront entièrement changé, nous essayons de la bâtir (c’est notre deuxième objectif) afin de ne pas la subir dans les années qui viennent. C’est le rôle du politique de se projeter vers l’avenir tout en gérant le quotidien.
Mesurez donc, à l’aune de votre situation personnelle, où est le mal et quelle est son ampleur réelle dans les mesures que nous avons prises. Demandez-vous, en votre âme et conscience, si un sacrifice déraisonnable vous a été demandé pour le bien de la collectivité. Et si vous n’en êtes pas satisfaits au terme de notre mandat, vous nous en jugerez par les urnes. Vous en choisirez d’autres. Ainsi va la démocratie, la vraie.
Elle peut s’améliorer, s’amender, évoluer : plus participative, plus directe, plus décentralisée… tout est possible et tout se discute : dans le cadre de ses règles et de nos échanges, nous pouvons construire un nouveau contrat de société. La dirigeront, cette société nouvelle, ceux que nous déciderons d’y porter par les urnes, ceux que vous déciderez d’y porter par les urnes.
Parce que j’y crois, parce que je crois en notre pays, en ses valeurs et ses vertus, parce que je l’aime du fond du cœur et jusqu’au fond des tripes, je vous adresse mes chers concitoyens, mes voeux les plus chaleureux pour 2019.
Qu’elle soit l’aube d’une renaissance collective.
D’un futur abordé la tête haute, fiers de nos talents et de notre force collective.