Immobilier — Montpellier

Immobilier : l'acte de bâtir reprend espoir au contact de Carlos Moreno

Mardi 31 mai, au Domaine des Grands Chais à Mauguio, 500 professionnels de l’immobilier et de l’acte de bâtir se sont réunis pour le Forum du Dialogue urbain organisé par la Fédération des Promoteurs immobiliers Occitanie Méditerranée. Avec un invité d’envergure internationale, le professeur Carlos Moreno, qui a détaillé son concept de la ville du quart d’heure.

Photo : l’universitaire Carlos Moreno, auteur de nombreux ouvrages, tels que “Ville Numérique et Durable” (2006), “Smart City” (2010), “Human Smart City” (2012), “Ville du Quart d’Heure” (2016) © Hubert Vialatte

Carlos Moreno, professeur des universités, chercheur, expert des villes et territoires de demain, interroge : « Dans quelle ville voulons-nous vivre ? ». Lors d’une intervention bousculant les certitudes, il invite les élus à accélérer la mutation urbaine. En livrant un diagnostic imparable. “80 % des Français vivent dans moins de 20 % du territoire. Quel usage voulons-nous faire du foncier, de la nature, à l’horizon 2050 ?” 

Le dernier rapport du Giec (experts internationaux sur le climat, ndlr) nous fait prendre conscience qu’il faut construire la ville différemment. Les villes deviennent de plus en plus minérales : entrepôts, ronds-points, centres commerciaux périphériques. Alors que l’aire d’attractivité des métropoles est évaluée à 130 km, les mouvements pendulaires sont une menace. 77 % de la population qui travaille se déplace tous les jours dans la même tranche horaire pour passer la journée dans moins de 17 % du territoire. C’est invivable.”

Réseaux de tiers-lieux et de dispensaires

À l’instar de Milan (Italie), où des pôles de tiers-lieux jalonnent depuis peu la ville, « on doit générer une autre manière de travailler », limitant les déplacements, « pour une ville écologiquement viable et vivable ». Dans cette logique, l’universitaire, adepte de la « ville de la sociabilité », promeut « des courses en circuit court, où les citoyens se parlent, à l’opposé des grands centres commerciaux impersonnels ».

Pour la santé physique et mentale, des « dispensaires de proximité, sortes de circuits courts du soin » doivent essaimer, pour désengorger les services hospitaliers saturés. Avant de questionner : « Qu’est-ce qui rend les gens heureux ? En mettant des capteurs partout ? (allusion à la smart city, ndlr). Je n’en suis pas si sûr. La clé, c’est la notion de désaturation par la ville du quart d’heure. Celle-ci actionne plusieurs leviers : densité organique, proximité de vie, mixité fonctionnelle, ubiquité technologique. »

L’art, la créativité, les espaces publics verts sont également au cœur de la ville de demain, « résiliente par rapport au changement climatique, et offrant la possibilité de se déplacer en flânant ». Le professeur de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne s’étonne des montants des loyers, « devenus trop chers en ville. Verser de l’argent pour occuper des murs : c’est le même modèle économique qu’il y a 300 ans. Il faut une rupture profonde ». De quoi satisfaire Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole, présent à ses côtés, et qui vient de présenter l’encadrement des loyers, mesure applicable au 1er juillet…

Dialogue entre Sète, Lunel et Montpellier

Desservies par l’axe ferroviaire littoral, les villes de Sète, Lunel et Montpellier veulent appliquer, à l’échelle locale, ces préceptes de Carlos Moreno. “La loi Climat et Résilience nous engage à la sobriété foncière. Lunel investit des espaces mutables dans le tissu urbain existant et les friches ferroviaires“, explique Véronique Michel, adjointe au maire de Lunel déléguée à la stratégie urbaine, au climat et à la transition écologique, en charge du projet d’urbanisme Lunel ose sa Métamorph’OSE.

Après une première opération intitulée La Manufacture (cf. l’HJE du 31 mars, portant sur le Mipim à Cannes), la partie sud du pôle d’échanges multimodal lunellois va être étudiée. De manière générale, « nous réfléchissons à des enjeux de densification intelligente, d’architecture en phase avec les grands enjeux environnementaux. La densification permet de mieux vivre la ville, alors que les espaces mités font des cités peu lisibles. Nous devons apporter les fonctionnalités d’habitat, de travail et loisirs, pour préserver une identité de territoire. » L’élue prône l’instauration d’une « métacentralité, misant sur des modèles fins », plutôt que sur « le polycentrisme en tache d’huile ».

Véronique Michel et Jean Guy Majourel © Hubert Vialatte
Véronique Michel et Jean Guy Majourel © Hubert Vialatte

Pour Jean-Guy Majourel, vice-président de Sète Agglopôle délégué au développement économique, le trafic pendulaire est une problématique à traiter. « 60 % des actifs de notre territoire travaillent à Sète, mais moins de 20 % y habitent. Beaucoup se sont installés au nord de l’agglomération. » La future Zac Entrée Est, dotée dans un premier temps de 1 000 logements, avec du tertiaire, doit offrir des possibilités nouvelles de logements à Sète, à proximité du futur PEM. « Sète est à 15 minutes en train de Montpellier, alors qu’il faut parfois 1 heure en voiture, insiste-t-il. Et la future LGV Montpellier-Béziers (prévue pour 2034, ndlr) permettra d’utiliser la ligne actuelle pour créer un véritable RER du littoral. »

Autour de la gare, 6 friches industrielles ont été identifiées. « C’est un potentiel très important, que nous allons travailler avec l’Établissement public foncier régional », glisse-t-il. « La profession attend qu’une constructibilité soit libérée autour des PEM. Il faut appliquer le Zéro artificialisation nette (Zan) de façon différenciée, en fonction des pôles d’emploi », insiste Laurent Villaret, président de la FPI Occitanie Méditerranée.

Michaël Delafosse : « Changer de logiciel »

Intervenant en conclusion, Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole, insiste sur « la gravité écologique. Mais Carlos Moreno montre, par ses réflexions, qu’il existe des chemins du possible. Cela nous oblige à changer de logiciel. Je suis le président d’une métropole qui a beaucoup cannibalisé. Or, nos voisins sont nos frères. Nous avons une communauté de destins ».

Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole © Hubert Vialatte
Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole © Hubert Vialatte

Revenant sur la présentation, en mars au Mipim à Cannes, d’un projet de territoire commun avec Lunel et Frontignan, l’élu estime qu’il faut « montrer aux investisseurs que l’on fait système. Et ce système de mobilité va s’enrichir de nouvelles gares. Après Baillargues (depuis 2016) viendra Castelnau-le-Lez avec Sablassou ».

Face au Zan et aux PPRI (plans de prévention des risques inondation), « seule la coopération territoriale est la solution. La métropole ne doit pas être le seul réceptacle de la croissance démographique. Et les coopérations territoriales permettent de mieux identifier les gisements fonciers. » Dans la répartition du Zan entre différents départements, en cours de définition, « nos territoires ne peuvent pas être traités comme les autres, vu la croissance démographique, estime le maire de Montpellier. Je suis allé plaider notre cause auprès de Carole Delga (présidente de la Région Occitanie) ».

Le géographe de formation projette un « archipel urbain. En misant sur le train régional, mais pas uniquement. À 40 km au nord de Montpellier par exemple, des communes perdent des habitants, alors que les cars liO de la Région relient ces territoires à Montpellier par l’A750. »

Laurent Villaret : « Une nouvelle façon d’habiter après le Covid »

Président de la FPI Occitanie Méditerranée, organisateur de l’événement, Laurent Villaret insiste sur une « nouvelle façon d’habiter après le Covid, en utilisant des territoires interstitiels alimentés par des réseaux de mobilité ».Il rappelle la « situation de crise » traversée par le logement neuf, avec, en 2022, « 30 % de ventes en moins, et trois logements sur dix qui ne sont pas produits par rapport au rythme habituel, alors que la tendance démographique ne change pas ». À cela s’ajoutent « l’inflation sur le prix des logements neufs et la pénurie de matériaux, que l’on a du mal à juguler depuis la guerre en Ukraine. L’équilibre financier devient fragile pour les promoteurs immobiliers ».

Mais l’expert affirme : « Il y a de l’espoir. Nos métiers vivent une révolution, à la recherche de nouveaux modèles, au cœur de transition écologique. Nous étalons par ailleurs notre production, dans une logique territoriale équilibrée. » Et en écho à la ville du quart d’heure, chère à Carlos Moreno… Lunel et Sète étant à 15 minutes de Montpellier par le train.

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