L’Afrique francophone, un continent d’opportunités
DOSSIER - Le colloque « A la rencontre de l’Afrique francophone », organisé par le Club des Exportateurs d’Occitanie à Montpellier le 5 juillet 2017, a permis de faire émerger les opportunités et la faisabilité économique de secteurs d’activités en attente de développement.
Beaucoup de défis restent à relever pour l’Afrique, comme la pacification de certaines régions et la consolidation de stabilité politique. S’affirmera-t-elle comme la nouvelle locomotive de l’économie mondiale ? 2020-2050 seront-elles les « Trente Glorieuses » du continent africain ? Le colloque « A la rencontre de l’Afrique francophone », organisé par le Club des Exportateurs d’Occitanie à Montpellier le 5 juillet 2017, a permis de faire émerger les opportunités et la faisabilité économique de secteurs d’activités en attente de développement.
Cette rencontre a réuni des opérateurs économiques d’Occitanie et de certains pays d’Afrique francophone, mais aussi des « grands témoins » intervenant déjà sur la zone, des universitaires porteurs de projets et de potentiels futurs exportateurs ou développeurs de partenariats industriels et commerciaux Nord-Sud.
Les perspectives de l’Afrique centrale subsaharienne
Florence Gabay, vice-présidente de la Fondation Robert-Schuman, a dressé un tableau pour le moins encourageant et optimiste des perspectives de développement en Afrique centrale subsaharienne. Aujourd’hui plus que jamais, l’Afrique francophone subsaharienne semble constituer l’ultime région de l’économie mondiale à conquérir, a-t-elle expliqué. Avec une croissance du PIB réel estimée à plus de 6 % sur les cinq prochaines années dans l’Union Economique et Monétaire ouest-africaine et à 5 % dans la Communauté Economique et Monétaire des États de l’Afrique Centrale, la croissance économique devient une réalité pour la plupart des pays concernés. L’intérêt des investisseurs, à la recherche d’une rentabilité qu’ils n’arrivent plus à obtenir dans les économies plus matures, est indéniable.
4,2 milliards d’habitants d’ici 2100
Selon les prévisions du Fonds Monétaire International, l’élan de croissance qu’a connu l’Afrique ces dernières années devrait se poursuivre. Après des progressions situées entre 6 et 8 % en 2016, la Côte d’Ivoire, l’Ethiopie, le Kenya, la Tanzanie, le Sénégal et le Rwanda… devraient afficher des performances de croissance identiques en 2017. Sur le plus long terme, c’est l’explosion démographique qui retient l’attention. A 1,2 milliard actuellement, le nombre d’habitants devrait s’élever à 4,2 milliards d’ici 2100, selon l’Unicef. En conséquence, les infrastructures, l’éducation, la santé, les transports, la communication et l’habitat devront largement se développer, en particulier dans les villes, qui doivent faire face à un afflux massif de population rurale.
L’enjeu du solaire
Les enjeux sont énormes pour le développement et pour la branche énergétique. De nombreux secteurs sont à explorer, à commencer par l’énergie solaire. La plupart des pays d’Afrique bénéficient de plus de 300 jours de soleil par an, et pourtant environ 600 millions d’Africains, notamment dans les zones rurales, n’ont pas accès de façon fiable à l’électricité. Des PME françaises sont déjà sur place, à l’image d’Ecosun, basée à Hombourg, en Alsace. La société est aujourd’hui leader en Afrique de l’Ouest et du Centre pour la conception, la fabrication et l’installation de systèmes de production énergétique solaires. L’Algérie vient d’ailleurs de lancer un appel d’offres pour la construction de ce qui sera la plus grande centrale solaire du monde.
Prépayer sa consommation d’eau via son mobile
Ce qui est vrai pour l’électricité l’est aussi pour l’eau. La start-up parisienne CityTaps commercialisera l’an prochain un système qui permettra aux clients de prépayer leur consommation d’eau via un téléphone mobile. Le compteur intelligent fait remonter les données au fournisseur d’eau toutes les demiheures. Ainsi, un client qui vient de payer peut faire sa vaisselle ou se laver dans l’heure qui suit. Plusieurs fournisseurs d’eau, qui doivent gérer des budgets souvent tendus au risque de ne pas servir tous leurs clients, sont déjà intéressés en Afrique. La jeune pousse, créée en 2015 par Grégoire Landel, un ancien de Veolia, travaille actuellement avec Veolia sur un « proof of concept » à Niamey, au Niger.
Cémoi en Côte d’Ivoire
Les secteurs énergétique et minier font l’objet d’un intérêt accru et reçoivent des investissements significatifs de la part d’acteurs internationaux, notamment de Chine, d’Inde, du Moyen-Orient et du Brésil. La croissance de la population et du PIB devrait conduire à un accroissement de la demande des consommateurs pour nourrir plus d’un milliard de personnes, donc l’agrobusiness. Avec plus de 60 % des terres arables non cultivées dans le monde et une main-d’oeuvre abondante, l’Afrique sub-saharienne pourrait largement se nourrir, voire exporter une partie de sa production. Or, chaque année, l’Afrique importe plus de 70 % du blé qu’elle consomme, par exemple. En 2015, le groupe Cémoi, basé à Perpignan, a ouvert la première usine de fabrication de chocolat en Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao. Pour le chocolatier, ce pays servira de tremplin en vue de proposer du chocolat aux 350 millions de consommateurs d’Afrique de l’Ouest.
De nombreuses initiatives françaises
Dans ce contexte, le numérique est aussi une donnée essentielle qu’il ne faut pas oublier, puisqu’il a permis aux pays africains de sauter des étapes, en particulier dans la banque, avec les télépaiements. Les initiatives sont nombreuses et touchent d’autres secteurs également. Un exemple avec Isahit, une plateforme cofondée par Isabelle Mashola, et basée à Paris. Déjà implantée au Cameroun, au Congo, au Burkina, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, elle met en relation des travailleurs de pays d’Afrique francophone et des entreprises françaises cherchant à externaliser une partie de leurs activités numériques.
Une façon aussi de développer des compétences et d’améliorer les conditions de vie dans ces pays. Les PME et ETI françaises ont d’ailleurs déjà compris l’intérêt que peut représenter l’Afrique pour elles. Au 4e forum économique Afrique-France qui s’est tenu en janvier dernier à Bamako, sur les 60 chefs d’entreprise français présents, la moitié dirigeaient des PME ou des ETI, dont plusieurs membres d’Up40, groupement de start-up qui travaille avec l’Afrique.
L’Algérie
Farouk Belhouchi, créateur et dirigeant d’Afaconseils et président de Passerelles Grand Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie), a expliqué l’origine, les objectifs et les résultats attendus de l’action qu’il développe en partenariat avec un ensemble de partenaires, dont le Club CERLR, le Club des Exportateurs et d’autres réseaux. Il décrit ainsi les perspectives qui peuvent s’offrir en Algérie, pays dont il est natif et dans lequel il s’installe via la filiale de sa société de conseil et de formation qu’il y a récemment implantée.
Premier atout : les facilités offertes par la législation algérienne pour attirer les opérateurs et les investisseurs étrangers. Le président de Passerelles Grand Maghreb dit avoir eu l’agréable surprise de constater la (nouvelle) rapidité des démarches administratives, sans toutefois dissimuler les difficultés liées à certaines autres approximations ou lenteurs dans les procédures. Le dirigeant d’Afaconseils a également présenté un inventaire de tous les chantiers et opportunités qu’offre le plus grand pays d’Afrique en surface. Ce dernier ressent un besoin urgent de se moderniser, selon lui.
Algérie – Bientôt la plus grande centrale solaire au monde. Le ministère algérien de l’Energie vient de lancer un appel d’offres pour un coût estimé à 900 millions de dollars. Ce projet ambitieux, considéré comme la plus grande centrale solaire au monde, doit permettre à l’Algérie d’assurer sa sécurité en matière d’énergie durable et propre et d’exporter vers l’Europe.
Un pays totalement désendetté
Le représentant du consulat d’Algérie, M. Kheir-Eddine Mesdoua, en charge des affaires économiques, qui a participé à cette rencontre, a souligné que même si l’économie algérienne reste tributaire des revenus pétroliers, de nombreux atouts et autres secteurs économiques restent très prometteurs. L’intérêt croissant donné aux secteurs de l’agriculture, de l’aquaculture, de l’industrie, des nouvelles technologies de l’information et de la communication, mais aussi le désendettement total du pays et sa réserve financière considérable, augurent – selon le représentant du consulat d’Algérie – une situation économique beaucoup plus favorable et digne du poids de ce pays dans l’espace régional et continental.
Des mesures incitatives pour encourager l’investissement étranger
Les mesures incitatives mises en place par le gouvernement algérien pour encourager l’investissement étranger vont également dans le sens d’un développement des ressources humaines, économiques et industrielles dont dispose et s’enorgueillit le pays. Le représentant du consulat d’Algérie souligne notamment le cas de l’émergence de puissances industrielles dans les milieux automobile, électronique, chimique et pharmaceutique. A titre d’exemple, l’industrie pharmaceutique commence à irriguer tout le continent africain au travers du géant Saidal.
Sans oublier l’énorme projet d’énergie solaire photovoltaïque, dont l’appel d’offres vient tout juste d’être lancé par le ministère algérien de l’énergie. Pour un coût estimé à 900 millions de dollars, ce projet ambitieux est considéré comme la plus grande centrale solaire au monde. Cela permettra d’assurer à l’Algérie une sécurité en matière d’énergie durable et propre et de l’exporter vers l’Europe. Les années de plomb du terrorisme sont derrière nous (décennie 1990), selon le représentant du consulat d’Algérie. Et le gouvernement accorde plus que jamais toute son attention à la sécurité des investisseurs et des investissements, qui est désormais assurée dans un pays « dont on peut dire, sans aucune exagération, qu’il a su vaincre l’hydre du terrorisme », précise le représentant du consulat d’Algérie.
L’expérience malgache
Soari Rama, d’origine malgache, mais qui a réalisé toutes ses études et une partie de sa carrière en Europe et aux Amériques, a raconté son expérience de « retour au pays » pour y développer une initiative d’hôtellerie touristique à taille humaine. Elle avoue que, trop occidentalisée par sa vie d’étudiante et d’opératrice internationale, elle a connu une certaine difficulté à se réadapter à sa terre natale. Dans sa création d’un comptoir de négoce d’or, elle précise la nécessité de travailler en étroite concertation avec le gouvernement, sous peine de se heurter à une quasi-impossibilité de fonctionner.
Elle est confortée dans son intervention par Michel Desbordes, spécialiste du domaine de l’hôtellerie et de la restauration, qui connaît très bien Madagascar du fait de son implication dans une association humanitaire d’aide à l’île. Mahfoudh Benali, expert-comptable francomarocain installé à Montpellier, a apporté de son côté des précisions sur les particularités de son pays d’origine…
Les incertitudes tunisiennes
Représentant sa Tunisie natale, Hatim Jaïbi-Riccardi, promoteur montpelliérain du réseau Lys Agora, a proposé une synthèse de la situation du pays. Ce dernier est confronté à des préoccupations conjoncturelles issues de la Révolution du Jasmin, à l’origine
du Printemps Arabe, et nécessite actuellement des efforts de sécurisation, notamment du fait de la déstabilisation de la Libye voisine. Ayant bien bénéficié de la tentative de transition démocratique, la Tunisie est, avec la France, l’une des cibles privilégiées du terrorisme islamiste, que son orientation « démocratique et assez laïque » menace.
Par ailleurs, la difficile organisation interne du fonctionnement du pays et certaines menaces extérieures qui pèsent sur lui exigent qu’il soit assisté par ses partenaires occidentaux pour se sortir de ces difficultés, car il constitue l’un des ultimes remparts dans la région contre la propagation des tentatives de déstabilisation de la zone. Selon le promoteur, le FMI l’a bien senti : il vient de débloquer une enveloppe – certes encore modeste, mais bienvenue – pour permettre un nouveau décollage économique et social en Tunisie. D’autant que le pays dispose de ressources humaines parmi les mieux formées et compétentes, et les plus accessibles du continent.
Et le dinar bénéficie depuis le début du deuxième trimestre 2017 d’un cours attrayant face à l’euro et au dollar. Soit deux avantages concurrentiels non négligeables pour les investisseurs étrangers. Serge Rieu, gérant de la société DEPT – créée en 1983 dans le Gard et qui assiste les entrepreneurs naissants ou confirmés et soutient la mise en place de partenariats stratégiques mutuellement bénéfiques et innovants – a expliqué pour finir comment une démarche d’intelligence économique innovante dans les stratégies peut conforter les dirigeants dans la mise en place opérationnelle des sociétés pour s’implanter en Tunisie comme dans tout le reste du Maghreb, voire d’autres pays africains.
Un climat économique favorable au Maroc
Jean-Pierre Comunale, en Afrique du Nord pour les besoins de son activité professionnelle, a évoqué le Maroc, pays où il développe actuellement des activités dans le conseil et la formation logistique et en commerce international. Il illustre sa présentation par un petit film – en anglais – de promotion du royaume et par un Powerpoint® très détaillé sur toutes les opportunités offertes par le royaume chérifien. Il signale que ce dernier tente de récupérer le leadership africain depuis son retour au sein de l’UA (Union Africaine), compte tenu des divers programmes socioéconomiques, comme :
• Vision 2010, puis 2020 pour le tourisme,
• le Pacte national pour l’émergence industrielle,
• le Plan « Maroc Vert »,
• la Stratégie nationale logistique,
• le Plan « Halieutis » pour la pêche,
• Maroc « Nunméric »,
• le Plan émergence phosphate,
• Un Plan solaire,
• Et le Plan éolien…
Pour Jean-Pierre Comunale, le climat économique, politique et social est favorable au développement des affaires au Maroc pour les investisseurs étrangers.
Maroc – Le projet immobilier du port de Tanger, présenté en 2013. Il prévoyait à l’origine 700 millions d’euros d’investissement. Dans sa continuité, le roi du Maroc, Mohammed VI, a lancé le 20 mars 2017 le Giga projet Tanger, prévu à Dalia, à l’est de la ville. Réalisée sur près de 2 000 hectares, la future cité devrait accueillir environ 300 000 personnes et générer un chiffre d’affaires annuel estimé à 15 milliards de dollars pour des recettes fiscales de 300 millions de dollars. Les experts estiment que 6 000 personnes hautement qualifiées y seront formées chaque année. (DC)
La quasi-absence de la notion de maintenance
Luc Guillet, opérateur familier de la zone, a pour sa part quelque peu tempéré l’enthousiasme de certains intervenants, arguant que la pratique quotidienne sur le terrain devait rendre plus mesurées les perspectives africaines de développement. Il avertit que pour exporter ou s’implanter dans ces types de pays, il convient de le faire avec beaucoup d’humilité et d’être conscient qu’il faut d’abord tout apprendre sur les us et coutumes locales de fonctionnement, qui diffèrent fondamentalement des modes opératoires occidentaux. Il évoque, entre autres, la quasi-absence de la notion de maintenance, qui diminue de manière radicale la durée de vie du matériel et le destine assez rapidement à la casse…
Il évoque aussi la nécessité – et le réflexe atavique – de survie à court terme qui interdit très souvent le réflexe de se pencher sur une stratégie de développement à moyen et long termes. Il cite enfin la différence de comportement des managers latins et anglo-saxons : les premiers raisonnent en premier lieu en termes de compétences techniques et de connaissance des produits, les seconds en termes de connaissance du marché et de capacité de pénétration. La palme de l’efficacité revenant aux deuxièmes !
Au filtre des douanes
Bertrand Rager, avocat d’affaires, conseiller du commerce extérieur, spécialiste des douanes, a brossé un tableau des contraintes douanières, dès lors que l’on se livre à une activité industrielle ou commerciale transfrontalière. Il met l’accent sur la nécessaire très grande préparation de toute initiative de cet ordre, sous peine de voir un business-plan élaboré sans prendre en compte tous les paramètres douaniers devenir à l’usage totalement caduc, jusqu’à menacer de compromettre la pérennité d’une entreprise. La situation est d’autant plus délicate en France où, contrairement à l’Allemagne, l’information et la recherche sur les contraintes douanières sont bien moins élaborées. Bertrand Rager évoque au passage la surprise qu’il a éprouvée, il y a vingt ans déjà, quand il a constaté que les douanes marocaines étaient équipées d’écrans plats, avec des représentations en 3D… « Le royaume de France devrait en prendre leçon ! » a-t-il suggéré.
Le Club des Exportateurs d’Occitanie / Daniel Croci