L'économie selon le président Macron
Le nouveau président de la République est confronté à plusieurs dossiers économiques brûlants, qui l’obligeront à arbitrer entre promesses de campagne et respect des engagements européens…
Le premier dossier qu’a trouvé Emmanuel Macron sur son bureau est l’épineux budget 2018, car la Commission européenne vient, fort opportunément, de rappeler que la France devrait être en 2018 le seul des 19 Etats membres de la zone euro à avoir un déficit public supérieur à 3 % du PIB. Cette pique lancée au nouveau président de la République peut surprendre, à moins que son projet de réserver l’accès aux marchés publics européens aux entreprises localisant au moins la moitié de leur production sur le Vieux Continent n’ait d’emblée déplu…
Réduction de la dépense publique
Ainsi, il envisage de réduire la dépense publique, actuellement à 57 % du PIB, de 60 milliards d’euros sur cinq ans. Pour ce faire, l’effort sera partagé entre la Sécurité sociale à hauteur de 25 milliards d’euros (15 milliards sur l’assurance maladie et 10 milliards sur l’assurance chômage), les collectivités pour 10 milliards et enfin l’Etat central pour les 25 milliards restants, à la faveur « d’un mode de gouvernance nouveau », basé sur des recrutements en dehors du statut de fonctionnaire, une individualisation des rémunérations et le retour à un jour de carence.
Au surplus, 120 000 postes de fonctionnaires devraient être supprimés durant les cinq prochaines années, 70 000 au sein des collectivités et 50 000 au niveau de l’Etat. Mais l’hôpital, ainsi que la défense et la sécurité, devraient être sanctuarisés. Parallèlement, le gouvernement devrait lancer un vaste plan d’investissement de 50 milliards d’euros, dont 15 milliards seraient consacrés à la formation des jeunes et des chômeurs, 15 autres milliards à la transition écologique et énergétique, et le reliquat à la modernisation des équipements collectifs, notamment.
Taxe d’habitation, ISF, IS et impôt sur le capital au programme
L’exonération de 80 % des contribuables à la taxe d’habitation pour un montant de 10 milliards d’euros soulève évidemment la question de la compensation par l’Etat des sommes dues aux collectivités. Elle s’accompagnera d’une réforme de l’ISF qui deviendrait un « impôt sur la fortune immobilière », dans une volonté de ne pas taxer les valeurs mobilières sources de création de richesse, selon Emmanuel Macron. Mais la frontière entre capital productif et capital foncier est très poreuse…
Quant au taux d’imposition sur les sociétés, l’objectif fixé par le précédent gouvernement de l’abaisser à 25 % d’ici à 2022 semble maintenu. Il se conjuguera à la transformation du CICE (Crédit d’Impôt pour la compétitivité et l’emploi, sur les salaires inférieurs à 2,5 fois le Smic créé en 2013 par François Hollande) en baisse pérenne des cotisations patronales.
Enfin, en ce qui concerne les revenus du capital, ils devraient être taxés forfaitairement au taux unique de 30 %, prélèvements sociaux compris, alors qu’ils étaient jusque-là taxés suivant le barème progressif de l’impôt sur le revenu. Pour limiter également les prélèvements sur les revenus du travail, 3,15 points de cotisations chômage et maladie seraient supprimés et compensés par une hausse de 1,7 point de la CSG, sauf pour les chômeurs et les retraités les plus modestes. Ce gain de pouvoir d’achat souhaité par le nouveau président, difficilement mesurable en raison de la hausse de la CSG, devrait être amplifié par l’exonération de cotisations sur les heures supplémentaires et une augmentation de 50 % de la prime d’activité. Quant à l’impôt sur le revenu, une option d’individualisation devrait être proposée pour les couples, tandis que le prélèvement à la source devrait être, dans un premier temps, reporté.
Le retour de la loi El Khomri
Mais c’est sur sa réforme du code du Travail qu’Emmanuel Macron est attendu dès le mois de juillet, puisqu’il envisage de réformer par ordonnances – certes après consultation des partenaires sociaux –, alors que certaines centrales syndicales ont déjà fait part de leur opposition à une nouvelle loi El Khomri. A défaut de contestation vigoureuse à l’Assemblée, celle-ci pourrait donc une nouvelle fois avoir lieu dans la rue, d’autant que cette loi devrait renforcer le primat de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche et voir le grand retour du barème obligatoire des indemnités prud’homales, retoqué par le Conseil constitutionnel en 2015 et supprimé de la loi Travail sous la pression syndicale. Il n’est alors pas certain que l’indemnisation des salariés démissionnaires et des indépendants par une assurance chômage, qui serait désormais sous contrôle de l’Etat, puisse limiter le mécontentement. Encore moins si elle doit s’accompagner d’une énième réforme des retraites, pourtant indispensable pour rendre le système plus lisible.
Bien entendu, ces promesses de campagne sont désormais conditionnées à l’obtention d’une majorité à l’Assemblée le 18 juin…
Raphaël DIDIER