Les nouveaux défis des collectivités rénovées

En France, la métropolisation croissante, source de dynamisme, s’accompagne aussi d’un développement des inégalités…

En France, la métropolisation croissante, source de dynamisme, s’accompagne aussi d’un développement des inégalités territoriales. Mais les collectivités locales, rénovées, pourraient être mieux armées pour mener à bien leurs missions. Le numérique pourrait constituer un atout, d’après France Stratégie.

Tout juste réformées, les collectivités locales vont devoir faire face à de multiples enjeux, dans un contexte de métropolisation galopante et de développement des inégalités territoriales, décrypte la Note d’analyse Dynamiques et inégalités territoriales publiée le 7 juillet par France Stratégie. Ce Commissariat général à la stratégie et à la prospective, organisme de réflexion, d’expertise et de concertation, est rattaché au Premier ministre.

Premier constat de l’étude : les métropoles ont connu un fort dynamisme en France ces dix dernières années. Conséquence, les 15 aires urbaines de plus de 500 000 habitants que compte actuellement l’Hexagone rassemblent 40 % de la population et 55 % de la masse salariale. Leur poids économique est considérable : elles représentent plus de la moitié de l’activité économique du pays et le PIB par habitant y est, en moyenne, 50 % plus élevé que dans le reste du pays. Le phénomène de métropolisation n’est pas réservé à la France ; il s’observe dans le monde entier et devrait encore s’accentuer dans les dix années à venir, d’après les Nations Unies. Celles-ci prévoient qu’en 2030, jusqu’à 83 % de la population française vivra dans des zones urbaines, contre 80 % aujourd’hui et 76 % en 2000.

Un dynamisme et de multiples inégalités

Pour les analystes de France Stratégie, « ce dynamisme est un atout pour le pays. Mais les inégalités entre territoires se sont accentuées à différents niveaux ». Au niveau régional, tout d’abord, la moitié nord-est du pays, frappée par la désindustrialisation, connaît une évolution défavorable depuis une trentaine d’années. Ainsi, le PIB par habitant du Sud-Est, qui était plus élevé de 3,5 % que celui du Nord-Est en 2000, lui est supérieur de 9,5 % treize ans plus tard.

Et le chômage de masse s’est enraciné dans les régions du Nord. Pis, dans ces régions, le décrochage n’est pas uniquement économique : l’indice synthétique de développement humain, évalué par l’Insee en 2009, a obtenu ses scores les plus faibles dans le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie, la Champagne-Ardenne (et la Corse). A contrario, il était le plus élevé en Île-de-France, Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes. Au-delà des inégalités régionales, d’autres inégalités se développent aussi, liées aux types de localités : les villes moyennes et les territoires ruraux se fragilisent, privés de dynamique de croissance, constate l’étude. Cette tendance pourrait empirer ultérieurement avec des départs de populations des zones géographiquement les plus isolées, ainsi qu’avec l’aggravation des difficultés d’accès des citoyens aux services d’intérêt général dans ces lieux. Quant aux métropoles elles-mêmes, leur dynamisme, certes positif économiquement, s’accompagne aussi d’une série d’effets pervers, à l’image des problèmes de transports, de pollution et de sécurité. Et les prix élevés, en particulier ceux de l’immobilier, se conjuguent aux fortes inégalités de revenus pour accentuer les effets de la pauvreté. Résultat, de fortes inégalités se développent au sein même des métropoles.

Des effets correctifs a posteriori

Face à cette situation, « les politiques publiques ont permis jusqu’ici d’atténuer les inégalités de revenus », constate France Stratégie. Plusieurs indicateurs en témoignent : le revenu disponible brut des ménages d’Île-de-France n’est que de 20 % au-dessus de la moyenne française, alors que le PIB par habitant y est 60 % au-dessus de la moyenne. Par ailleurs, l’économie de certains territoires à dominante résidentielle (dans le Sud) bénéficie des dépenses de consommation des retraités qu’ils attirent. Bref, la redistribution y engendre un dynamisme local.

Quant à l’emploi public, il constitue lui aussi un levier de redistribution des ressources à travers les territoires. France Stratégie observe que le poids relatif de ces emplois est plus important dans les régions moins dynamiques sur le plan économique. Pour autant, si elles atténuent les inégalités territoriales, les politiques publiques ne permettent pas de créer les conditions d’un développement dans les territoires qui en manquent, estiment les analystes, qui relèvent aussi un déficit de vision d’ensemble de la politique territoriale. « Depuis trente ans, les dispositifs d’aide aux territoires se sont multipliés, et certains d’entre eux se chevauchent, voire apparaissent contradictoires », note l’étude. Pire encore, des contre-sens de politique publique apparaissent : dans des régions en difficulté, comme le Nord-Pas-de-Calais, la dépense par tête dans l’enseignement primaire est inférieure à la moyenne nationale. Même tendance dans la formation professionnelle des chômeurs. Dans ce domaine aussi, la dépense par tête est « significativement inférieure » dans les régions où les taux de chômage sont les plus élevés, d’après l’étude.

Des collectivités rénovées mieux armées ?

C’est dans ce contexte touffu qu’interviennent les récentes réformes territoriales. Pour l’essentiel, il s’agit de la loi MAPTAM (Modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles) de janvier 2014 et de la loi NOTRe (Nouvelle Organisation territoriale de la République) d’août 2015. Ces deux lois, renforçant le rôle des régions en matière de développement économique et encourageant la métropolisation, pourraient apporter des changements positifs, d’après France Stratégie. A condition toutefois de s’accompagner d’une clarification des objectifs de la politique territoriale, d’une définition plus précise des compétences des acteurs et d’un renforcement des politiques sectorielles de l’Etat dans les territoires en difficulté.

Ces changements – qui prendront du temps avant de devenir opérationnels – devraient permettre aux collectivités réformées de mieux faire face à plusieurs enjeux. France Stratégie en pointe deux en particulier : le défi du changement climatique et le challenge de la transition numérique. Le numérique pourrait d’ailleurs constituer un atout puissant pour les collectivités en vue de faire face à ces défis. A condition, cependant, que les fractures territoriales et sociales qu’il engendre actuellement soient comblées par le déploiement d’infrastructures en très haut débit couvrant la totalité du territoire et par une politique active d’appropriation des usages. Autrement, le numérique menace de devenir un frein, également très puissant.

Anne DAUBREE

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