Les vacances oniriques de Camille Adra à l'Espace Saint-Ravy

A peine la trentaine, diplômé d’architecture mais artiste dans l’âme, Camille Adra est l’un des nouveaux talents de Montpellier. Il expose à l’Espace Saint-Ravy une vingtaine de toiles, 160 miniatures sur papier, des dessins en noir et blanc sur papier, une œuvre vidéo réalisée en collaboration avec le Collectif Figure qui donne vie à ses personnages… et une vingtaine d’œuvres cachées, à chercher tout au long de l’exposition. Un événement intitulé "Au-dessus des nuages, la mer", qui fait la part belle aux vacances et au rêve.

De l’architecture à l’art, il n’y a qu’un pas. Comment l’avez-vous franchi ?

« Je l’ai franchi dans plusieurs sens. Je dessine depuis toujours, d’abord sur des feuilles volantes. Enfant, je voulais exercer un métier qui ait les pieds sur terre. A 17 ou 18 ans, j’ai choisi d’être architecte. Tout en suivant le cursus d’architecture, je regrettais que la créativité ne soit pas autant mise au centre que je l’aurais pensé. Les étudiants doivent sortir de l’Ecole en étant armés pour le monde professionnel, en maîtrisant des logiciels… Dans le métier d’architecte, il y a beaucoup de travail administratif, de choix de carrelages avec les clients, d’attention portée aux dépenses, de respect des contraintes de sécurité. Cela laisse peu de place à la créativité, sauf si on se spécialise dans les concours. En parallèle, j’avais commencé à exposer en 2013, au 111 des arts à Paris. Je faisais à l’époque des petites toiles en 20 x 20 cm, montrant des personnages accumulés, entremêlés. Je me suis inscrit à la maison des artistes en 2015 et j’ai obtenu mon diplôme en 2016 à l’Ecole nationale supérieure d’Architecture de Montpellier. Petit à petit la peinture s’est de plus en plus manifestée dans ma vie ; j’ai fait de plus en plus d’expositions professionnelles. »

Vos œuvres véhiculent des messages sur notre société…

« Ce n’est pas toujours conscientisé ni voulu. Je suis imprégné par cette société ; je crains ses limites et ce qu’elle va devenir. Les artistes sont souvent des personnes inadaptées. Récemment, la crise du Covid m’a touché. Je pense que ça se sent dans certaines de mes œuvres. Je ne cherche pas forcément à rendre compte de mes observations, mais mes personnages sont sceptiques. Il y a un côté dark dans ma peinture. Mon travail a un lien avec l’architecture, l’habitat, la place de l’humain dans son environnement et de l’environnement face à l’humain. Je digère puis recrache tout cela. J’embellis aussi ; je fais des invitations au rêve. Je ne veux pas enfermer mon sujet, et je préfère laisser les gens « lire » et interpréter mes œuvres, se laisser porter. Il y a toujours des petites références, conscientes ou non. J’aime le mystère, laisser le public faire des découvertes. »

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Camille Adra sur son stand à Solidart en mars 2020 © Virginie Moreau.

Combien d’œuvres exposez-vous à Saint-Ravy ? Sur quels supports ?

“Je présente une vingtaine d’œuvres sur toile, 160 miniatures sur papier (de 4 x 4 cm à 0,5 x 0,5 cm, mais en moyenne de 1 x 1 cm, encadrées en bois, regroupées par 20 (8 packs), dessinées à la mine très fine. Il y a également une œuvre vidéo. Il s’agit d’une vidéo où mes personnages sont animés, créée en collaboration avec le collectif Figure. C’est une expérimentation. Il y a aussi des dessins en noir et blanc. Et j’ai caché une vingtaine d’œuvres, que j’ai dispatchées dans l’expo. Une fois qu’ils ont fini leur visite, je propose aux visiteurs de rechercher ces miniatures. Ils repartent faire le tour de l’exposition comme s’ils partaient à la chasse aux trésors.”


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Le titre Au-dessus des nuages, la mer relève de l’impossible. Vous vous situez donc dans le rêve ?

« Rêver, c’est extraordinaire. Quand on rêve, on pense que c’est la réalité ; on peut vivre des aventures fantasmagoriques, imaginer que l’on vole ; on est persuadé que c’est possible. Je suis assez proche de mes rêves, que je vis comme des expériences intéressantes. Parfois je visite des lieux en rêve : une maison au bord d’un étang ou au bord de la plage… J’aimerais fixer ces lieux rêvés sur mes toiles. J’ai peint des lieux que j’ai envie de visiter. La peinture doit être une invitation au rêve pour extirper les gens du quotidien. Quand on voit une toile, on est pris par la main, on est happé ; c’est doux. Je veux que ce soit doux. Je peins souvent des personnages grimaçants dans des lieux idylliques. Dans la dernière toile, Lever de lune, ce n’est pas le cas. Je veux immerger les visiteurs dans cette toile. A Carnon, il y a des levers de lune merveilleux… »

Cette exposition à Saint-Ravy évoque les vacances…

« J’ai créé les dernières œuvres de l’exposition à Carnon. On y voit des horizons, la mer… Il y a moins d’accumulations par rapport à mes œuvres précédentes, plus de légèreté. J’avais un grand besoin de légèreté. Je me suis fait ma propre art thérapie en créant ces œuvres. »

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“Au-dessus des nuages, la mer”, par Camille Adra.

Votre style va-t-il s’alléger définitivement ?

« Je ne sais pas, je pense que oui. Un pan de mon travail est fait à la ligne ; on y sent la déformation de l’architecte avec des bâtiments qui sont des personnages ou des animaux par exemple. C’est un chaos où des personnages apparaissent. Il n’y a pas de remplissage. Un autre pan de mon travail est constitué d’ombres propres et portées, de perspectives posées et assez vérifiables. Ce pan m’attire de plus en plus. Mais j’aime aussi le chaos. Je n’ai pas envie de choisir entre les deux. Une certitude : je vais approfondir ma dernière toile, Lever de lune. »


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Quelle est la place de la couleur dans vos œuvres ?

« Au début, je ne faisais que des dessins en noir et blanc ; j’avais peur de la couleur. J’ai passé deux ou trois ans sans mettre de couleur. En 2014, la couleur est apparue : j’ai peint un fond bleu et non pas blanc. J’ai expérimenté la couleur progressivement. Pour commencer, je n’ai utilisé que des couleurs pastel. Petit à petit, j’ai donné une autre dimension à mes œuvres grâce à la couleur. C’est extraordinaire, la couleur. Mais de temps en temps, je prends plaisir à dessiner en noir et blanc, de façon simple et immédiate. »

L’humour est important pour vous.

« Il est assez présent, car j’ai l’habitude de rire de tout. Le rire est parfois une façon de prendre du recul par rapport à ce qui nous gêne. C’est une réaction. C’est selon moi le meilleur moyen de lier les gens entre eux, de briser des barrières. On ne peut pas vraiment dissocier l’artiste de son œuvre, donc certaines œuvres sont rigolotes, comme moi. »

Comment choisissez-vous les titres de vos œuvres ?

« Il m’est compliqué de donner des définitions aux choses et des titres aux œuvres, mais c’est une nécessité. Au début je m’amusais à utiliser un générateur de mots aléatoire pour créer mes titres. Maintenant, il arrive que je ne nomme pas certaines toiles. Parfois un titre me vient naturellement. Par exemple, le titre Lever de lune fonctionnait pour moi, car il donnait une info sur la toile. Mais en général j’essaie de rester vague dans le choix de mes titres.”

Propos recueillis par Virginie MOREAU
vmoreau.hje@gmail.com

Espace Saint-Ravy – Place Saint-Ravy – 34000 Montpellier.
> Camille Adra est présent sur place aux jours et horaires d’ouverture, sauf le week-end du 15 août.



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